2022 04 08/

* Voir sur Luc-Michel-TV :
QUI A PEUR DE LA « RUSSOSPHERE » ?
JEUNE AFRIQUE ATTAQUE LUC MICHEL
ET AFRIQUE MEDIA
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« LE GROUPE WAGNER INQUIETE ET INTERROGE, EN OCCIDENT COMME EN RUSSIE »
(Slate, 21 février 2022)

L’accueil de mercenaires russes par la junte militaire au pouvoir au Mali a encouragé la France à quitter le terrain. La milice, décrite comme l’armée supplétive de la Russie, défend aussi des intérêts très privés, quitte à fâcher le Kremlin.

Chassé-croisé: la France et ses partenaires européens quittent le Mali tandis que les mercenaires russes du Groupe Wagner s’y installent. Mais pour quoi faire? L’accueil de ces mercenaires par la junte militaire au pouvoir à Bamako a été l’un des principaux sujets de contentieux avec Paris.

Lundi 14 février, quelques jours avant d’annoncer le retrait officiel de la France, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que les hommes de Wagner seraient désormais un millier au Mali, «payés comme de bons mercenaires», malgré les difficultés financières du pays. Le 23 décembre, après trois mois de rumeurs, la France, le Canada et les pays européens avaient fermement condamné l’arrivée du groupe au Mali.

L’objectif réel de la présence du groupe de mercenaires –désormais confirmée par Vladimir Poutine lui-même– et l’existence d’une stratégie russe cachée qui y serait liée sont au cœur du débat. Pour nombre d’observateurs, cette arrivée de Wagner, après un déploiement en République centrafricaine et une intervention piteuse au Mozambique, serait le signe que le Kremlin tente de mettre le pied en Afrique et d’en bouter les Occidentaux, à commencer par la France. Sauf que la Russie nie toute implication. Et si elle reconnaît désormais que Wagner est un groupe privé sans lien avec le gouvernement, son existence même, illégale selon la loi russe, à longtemps été niée contre l’évidence.

Entre patriotisme et aventurisme :
Les liens entre les mercenaires et le Kremlin sont indéniables. Même s’il dément, le groupe est la propriété d’Evgueni Prigojine, un oligarque russe qui s’est taillé un chemin jusqu’au sommet du pouvoir grâce notamment à de grands contrats de restauration avec l’armée russe. Il est également soupçonné d’avoir fondé la fameuse Internet Research Agency, la ferme à trolls qui a joué un rôle crucial dans l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine de 2016, selon les renseignements américains. Enfin, il est à la tête d’un vaste empire médiatique qui joue là encore un rôle fondamental dans la guerre informationnelle russe en Afrique (…)

« CONFLIT. LA LIBYE, LE NOUVEAU TERRAIN DE JEU DE POUTINE ET ERDOGAN »
(L’Espresso, 7 janvier 2020)

Début janvier 2020, les premières troupes turques sont arrivées sur le sol libyen. Ankara et Moscou tiennent désormais dans leur main l’avenir du pays, quand la diplomatie européenne, elle, fait pâle figure, constate l’hebdomadaire italien L’Espresso :

À la mi-décembre, le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, cherchant à reprendre du terrain en Libye, s’est rendu à Tripoli pour rencontrer Fayez Al-Sarraj – le chef du gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par les Nations unies. Puis, dans la même journée, il s’est envolé pour la Cyrénaïque afin de s’entretenir avec le maréchal Khalifa Haftar [commandant en chef de l’Armée nationale libyenne, ANL] qui, le 4 avril dernier, a lancé sur la capitale une offensive militaire, faisant en neuf mois quelque 150 000 déplacés et plus d’un millier de victimes.

Malheureusement, Di Maio est arrivé dans une Libye où la guerre civile a dégénéré depuis longtemps en guerre multipolaire. Ici, l’ancienne rivalité entre l’Italie – qui soutient Tripoli pour des raisons évidentes, à savoir pour endiguer la pression migratoire et protéger ses intérêts quant au gaz naturel – et la France, qui appuie le maréchal Haftar, n’est plus qu’un pâle souvenir.

Dans la nouvelle saison de la saga libyenne, l’Europe et les États-Unis ne sont plus que des figurants. Les acteurs principaux sont désormais la Russie, la Turquie et les puissants et richissimes pays du Golfe (les Émirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite et le Qatar) qui, au volet militaire ont ajouté un volet religieux, lequel se joue entièrement au sein du monde sunnite. Tandis que le gouvernement de Tripoli est soutenu par la Turquie et le Qatar, l’homme fort de l’Est libyen, Khalifa Haftar, bénéficie, lui, de l’appui de l’Arabie Saoudite, de l’Égypte et des Émirats, ainsi que de la Russie.

Sarraj dénonce depuis des mois l’absence diplomatique de l’Italie et, plus largement, de l’Europe et réclame une prise de position claire et nette de ses anciens alliés. Surtout après l’escalade des derniers mois, qui a vu des mercenaires russes du groupe Wagner – une organisation paramilitaire privée liée au Kremlin et au président russe Vladimir Poutine – voler au secours des troupes affaiblies de Haftar, infléchissant ainsi dangereusement l’issue du combat.

Deux accords signés entre Sarraj et Erdogan
Quand les mercenaires russes – des tireurs d’élite parfaitement entraînés et équipés d’armes de haute technologie – sont arrivés sur la ligne de front de Tripoli, infligeant aux troupes de Sarraj de sérieux revers, le GNA s’est préparé au pire. Entre-temps, Erdogan et Poutine se sont empressés de remplir le vide diplomatique laissé par une Europe de plus en plus divisée sur le conflit libyen et par des gouvernements ne songeant qu’à défendre leurs intér

« VLADIMIR POUTINE ET L’AFRIQUE : IDEOLOGUES, MARCHANDS D’ARMES, RICHES OLIGARQUES… QUI CONSEILLE LE PRESIDENT RUSSE ? »
(Jeune Afrique, 13 mars 2022)

Si la guerre en Ukraine lui a attiré les foudres des Occidentaux, le président russe dispose sur le continent d’une tout autre image. Experts en communication, sécurocrates, oligarques… Voici les artisans de la diplomatie africaine du Kremlin.

À la tête de la Russie depuis le 31 décembre 1999 – dont un intermède de trois ans à la primature –, Vladimir Poutine a fait de l’Afrique un des piliers de la stratégie du Kremlin à l’international ces dernières années. En jouant sur une rhétorique anti-occidentale, le président a ressuscité les ambitions impériales soviétiques et mis à mal les puissances « traditionnelles », et notamment la France, sur le continent.

De la propagande médiatique aux relations diplomatiques, des livraisons d’armes aux hydrocarbures, l’homme fort de Moscou mobilise à ses côtés des fidèles de tous horizons pour organiser sa conquête africaine. Jeune Afrique vous emmène dans l’univers russe des idéologues souverainistes, des marchands d’armes et des richissimes oligarques qui gravitent autour du tsar Poutine (…)

Après un désengagement brutal du continent africain suite à la chute de l’URSS, la Russie s’attèle depuis les années 2000 à y regagner son influence. Le pays, qui possède un PIB équivalent à celui de l’Espagne, commerce encore relativement peu avec l’Afrique – dix fois moins que la Chine ou l’Europe, et n’est pas non plus un grand pourvoyeur d’aide au développement. Il n’en est pas moins parvenu à acquérir une certaine emprise, en utilisant ses meilleures cartes, quitte à jouer avec ses propres règles, pour atteindre ses objectifs.

Depuis 2018, les échanges commerciaux n’ont cessé d’augmenter entre la Russie et les pays du continent. Dans le même temps, les visites diplomatiques se sont multipliées, tout comme la signature d’accords bilatéraux sur des sujets stratégiques, notamment dans le domaine militaire. Moscou est devenu le premier exportateur d’armes en Afrique, mais aussi de blé. Les entreprises publiques russes interviennent également dans les secteurs miniers, dans les hydrocarbures et même dans le domaine du nucléaire civil.

Mercenaires et désinformation :
L’influence russe n’est pas la même partout. Elle est particulièrement prégnante en Libye, en Centrafrique, au Soudan et, depuis quelques mois, au Mali. Chaque fois, Moscou a mis en place une « agile combinaison d’interventions mercenaires et de campagnes de désinformation pour soutenir des dirigeants isolés ou des mandataires », résume Joseph Siegle, chercheur au Centre d’études stratégiques de l’Afrique. Le déploiement des mercenaires de la société privée Wagner au Mali en est l’incarnation la plus récente et la plus spectaculaire.

Par ailleurs, la visite du numéro 2 du gouvernement soudanais, le général Mohammed Hamdan Daglo, à Moscou, la veille de l’invasion de l’Ukraine, le 23 février, a permis de relancer un projet auquel le Kremlin tient tout particulièrement : la création d’une base navale russe sur les côtes soudanaises, à l’embouchure de la très stratégique mer Rouge.

Cette offensive trouve un écho jusqu’au sein de l’ONU, où Moscou a déployé des efforts considérables pour courtiser les « votes » africains. Ainsi, les A3 (sièges tournants africains à l’ONU) et la Russie se sont mutuellement soutenus contre l’examen des résultats contestés des élections en République démocratique du Congo en janvier 2019 et ont bloqué, en avril de la même année, une déclaration condamnant le coup d’État au Soudan, puis une proposition de cessez-le-feu en Libye. Une stratégie payante. Le 24 mars dernier, lors du vote de la résolution « exigeant que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine » – la seconde en un mois – , outre l’Érythrée, qui a voté contre, sur les 54 pays africains, 20 se sont abstenus, et 6 n’ont pas voté.

« LA SYMPHONIE AFRICAINE DE POUTINE » (2/2).

Productions de contenus audiovisuels, financement de médias locaux, parrainage d’influenceurs « anti-impérialistes », campagnes de propagande sur internet… Les moyens déployés par Moscou pour promouvoir son action sont innombrables.

Ils sont plusieurs milliers, massés dans les travées du stade Barthélémy-Boganda de Bangui, ce 14 mai. Ils ne sont pas venus pour regarder un match des Fauves mais pour assister à l’avant-première d’un film un peu particulier : Touriste. Ce long-métrage russo-centrafricain tourné dans le pays retrace – et glorifie – l’action des « instructeurs » russes qui ont soutenu le régime de Faustin-Archange Touadéra, réélu en décembre 2020, face à la poussée de la rébellion de l’ex-président François Bozizé. Scènes de guerre où quelques Russes tiennent tête à des dizaines de rebelles, kalachnikovs qui crépitent dans tous les sens, héros blessé dans des combats mais qui s’en sort avec le sentiment du devoir accompli… Une sorte de blockbuster hollywoodien à la sauce moscovite, le tout en faisant la propagande des mercenaires russes sur les rives de l’Oubangui – sans aborder les accusations d’exactions qui les visent. Selon la presse russe, Touriste aurait été intégralement financé par Evgueni Prigojine, oligarque proche de Vladimir Poutine et patron de la nébuleuse Wagner.

Depuis la signature d’accords de défense entre Bangui et Moscou à la fin de 2017, tout est bon pour promouvoir les actions russes en Centrafrique. Dans le rôle du mécène, Lobaye Invest, une société minière liée au groupe Wagner. Dirigée par Evgueni Khodotov, un fidèle de Prigojine, elle a financé une radio (média largement dominant dans le pays), Lengo Songo, et un hebdomadaire gratuit, La Feuille volante du président. Elle a aussi sponsorisé le concours de Miss Centrafrique à Bangui, en décembre 2018. Même les enfants ne sont pas en reste : la société russe a ainsi imprimé des manuels scolaires ou encore « soutenu » un petit dessin animé qu’on peut visionner sur YouTube et qui raconte l’histoire d’un ours venu de Russie pour sauver des animaux de la savane attaqués par des hyènes.

Sous ses différentes facettes, ce soft power russe fait autant partie de la stratégie de Moscou que les gros bras de Wagner pour pousser ses pions sur le continent. Au cœur du dispositif, la propagande sur les réseaux sociaux. Avec, encore et toujours à la manœuvre, Evgueni Prigojine.

Au début des années 2010, celui-ci fonde l’Internet Research Agency (IRA) à Saint-Pétersbourg. Véritable usine à désinformation qui produit fake news et théories complotistes à la chaîne, cette agence n’a, officiellement, rien à voir avec le Kremlin. Sa mission : mener des campagnes de propagande prorusse sur internet pour défendre les intérêts de Moscou et de ses alliés à travers le monde. En 2014, l’IRA dirige des opérations durant la guerre en Ukraine, multipliant les publications favorables à la politique agressive de Poutine (…) Des opérations de manipulation qui valent d’ailleurs à Prigojine d’être inculpé par la justice américaine. Soutien à Bachar al-Assad en Syrie, manipulations en faveur du Brexit… Les trolls de l’IRA se faufilent partout, au gré des objectifs de leur patron et de sa galaxie.

Réseaux de manipulation russes :
Ces dernières années, l’attrait de Prigojine et d’autres oligarques pour le continent est croissant. (…) « Ces entrepreneurs d’influence agissent d’abord dans leur propre intérêt, pour faire fructifier leur capital, tout en accompagnant le retour de la Russie dans cette région du monde », explique Kevin Limonier, maître de conférences en géopolitique et spécialiste du cyberespace russophone. S’implanter en Afrique leur permet aussi de servir leurs ambitions à Moscou, où la compétition entre hommes d’affaires est rude. Le tout sous l’œil bienveillant, voire complice, des autorités, qui, officiellement, n’ont rien à voir avec leurs activités. « L’État russe n’a pas forcément les moyens de ses ambitions politiques en Afrique. Il s’appuie donc sur ces réseaux aux méthodes peu conventionnelles pour les servir et nier sa responsabilité en cas de problème », poursuit le chercheur.

« SOMMET RUSSIE-AFRIQUE A SOTCHI : VLADIMIR POUTINE EN CONQUERANT »

En octobre 2019, le sommet de Sotchi, sur les rives de la mer Noire, avait pris la forme d’une démonstration de force de la puissance russe en Afrique. Dans la foulée, Facebook avait annoncé le démantèlement de réseaux basés en Russie menant des campagnes de manipulation – notamment en période électorale – dans huit pays africains : la Centrafrique, la RD Congo, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, Madagascar, la Libye, le Mozambique et le Soudan.

Le réseau social avait alors clairement pointé du doigt l’IRA de Prigojine. Le système était bien huilé. Des hackers, avec l’aide d’utilisateurs recrutés localement, diffusaient des publications prorusses de manière coordonnée en veillant à ne pas être identifiés. En tout, des dizaines de comptes, de pages ou de groupes touchant potentiellement près de 750 000 utilisateurs. « Ils publiaient généralement des informations politiques mondiales et locales, notamment des sujets tels que la politique russe en Afrique, les élections à Madagascar et au Mozambique, la surveillance des élections par une organisation non gouvernementale locale et la critique des politiques française et américaine », avait alors expliqué le département sécurité de Facebook dans un communiqué.

POUR CES HACKERS PRO-RUSSES, LA FRANCE EST L’UNE DES PRINCIPALES CIBLES À PILONNER

En décembre 2020, rebelote. La firme de Palo Alto annonce une nouvelle fois avoir démantelé des réseaux de manipulation russes – mais aussi français – actifs dans plusieurs pays africains, en particulier la Centrafrique. Cette fois, il y est question de la pandémie de Covid-19, des prochaines élections en Centrafrique, ou encore de la politique française en Afrique.

Car, pour ces hackers prorusses, la France est l’une des principales cibles à pilonner. Au cœur de leur stratégie de propagande : l’alimentation du sentiment antifrançais.

Rien de bien compliqué tant l’ex-puissance coloniale est critiquée depuis des décennies dans son ancien pré carré. « Les Russes vendent un narratif décolonial sur le continent en se présentant comme une alternative à la France. Les Chinois ne jouent jamais sur ce registre – ou le font de manière très subtile. Eux le font ouvertement sur le mode “nous vous apportons une seconde décolonisation”, estime une source haut placée à Paris. Ce discours anti-français des Russes en Afrique est purement opportuniste et est avant tout un moyen pour eux de se rendre attrayants. Cela a marché en Centrafrique, mais cela sera difficilement transposable dans d’autres pays.

En Afrique, un sentiment anti-français bien ancré :
Actions violentes contre des symboles occidentaux
Pour nourrir ce discours anti-français à travers le continent, Prigojine et ses lieutenants s’appuient sur des activistes anti-impérialistes parfois connus. « Ils repèrent les influenceurs dans les pays qui les intéressent pour les stipendier », affirme un diplomate français (…)

La carte de l’influence russe en Afrique :
Au Mali aussi, les Russes s’appuient sur des activistes antioccidentaux pour jouer leur partition. Dans ce pays miné par l’insécurité, qui a connu deux coups d’État en neuf mois, la France est largement tenue pour responsable d’une situation très précaire. Enlisées dans un bourbier sahélien dont beaucoup peinent à voir comment elles parviendront à en sortir sans perdre la face, les autorités françaises ont annoncé la fin de l’opération Barkhane et l’allègement de leur dispositif militaire dans la région. Une brèche dans laquelle Moscou essaie désormais de s’engouffrer.

Selon les services de renseignements français, des émissaires russes ont approché Adama Ben Diarra, leader du mouvement Yerewolo et membre du Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif de la transition. À la fin de mai, Ben Diarra a organisé plusieurs manifestations à Bamako, y compris devant l’ambassade de Russie, pour réclamer le départ de la France et l’arrivée des Russes pour sortir le Mali de l’impasse. L’intéressé, lui, dément tout financement extérieur. « Je n’ai jamais eu de contact avec un Russe. Ni diplomate, ni homme d’affaires, ni militaire, ni même un journaliste. Toutes nos mobilisations sont financées par des cotisations. Il n’y a aucun financement extérieur, si ce n’est de l’argent envoyé par la diaspora. Tout ce qui est organisé par Yerewolo est financé par Yerewolo », assure Adama Ben Diarra.

Pour gagner les cœurs, les Russes s’appuient également, comme les autres puissances mondiales, sur des médias traditionnels. Les rédactions françaises de Russia Today et de Sputnik, basées à Paris, sont chargées de couvrir l’actualité de l’Afrique francophone. Ni l’une ni l’autre n’ont de bureaux sur le terrain, seulement une poignée de correspondants. Selon différentes sources internes, il n’y aurait pas, pour l’instant, de volonté de mettre davantage de moyens éditoriaux pour développer leur couverture africaine.

MOSCOU PEUT COMPTER SUR QUELQUES CHAÎNES AFRICAINES TRÈS PRO-RUSSES

Parallèlement, Moscou peut compter sur quelques chaînes africaines très pro-russes, au premier rang desquelles Afrique Media TV, basée au Cameroun. Avant de se lier d’affaire avec les Russes, son promoteur, Justin B. Tagouh, avait bénéficié de la générosité de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo et de celle d’Idriss Déby Itno pour développer sa chaîne. L’Équato-Guinéen était en froid avec Paris, alors que son fils et successeur putatif, Teodorín Nguema Obiang Mangue, était poursuivi par la justice dans le cadre de l’affaire des biens mal acquis. Déby Itno, lui, voyait en la chaîne un instrument pour souffler sur les braises de la francophobie et un moyen de pression supplémentaire pour s’imposer à Paris comme un recours indispensable dans la lutte antiterroriste.
Pour fonctionner, l’entreprise ne compte pas sur d’hypothétiques revenus publicitaires mais sur les contrats négociés avec des chefs d’État. Sauf que, à partir de 2014, la crise pétrolière assèche les finances publiques de ces deux pourvoyeurs de fonds. En quête de financement, Tagouh prend contact avec les Russes grâce à l’intermédiation de son ami Luc Michel. Ce consultant belge, lié à des réseaux d’extrême droite en Europe et connu des téléspectateurs d’Afrique Media TV pour ses chroniques anticolonialistes, est très introduit à Moscou. Grâce à son appui, Justin B. Tagouh se rend deux fois à Sotchi et affirme avoir rencontré Poutine, même si personne dans son entourage ne le confirme. En revanche, photo faisant foi, il a bien rencontré Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères. « Les Russes ont sollicité notre accompagnement mais ne nous ont jamais demandé de dénigrer la France  », confie un journaliste d’Afrique Media. Aucun détail ne filtre sur le montage financier ni sur les montants mis à disposition de la chaîne.

Même opacité autour du projet de radio panafricaine, sur financements russes, annoncé en 2020 par Tagouh. « Douze pays ont déjà donné leur autorisation. Nous espérons boucler rapidement ce dossier pour lancer la production », assure une source proche des discussions. Pour Moscou, la ligne d’Afrique Media TV rétablit une sorte d’équilibre dans un espace francophone où les narratifs ont toujours été favorables aux Occidentaux.

Tagouh était aussi à la manœuvre lors de la création du Conseil africain des médias, en 2013, à Malabo, sous l’égide d’Obiang Nguema – lequel l’avait doté d’un financement à hauteur de 1 million de dollars avec pour mission de « promouvoir l’image d’une Afrique positive ». Manifestement cornaquée par Tagouh, la structure va, elle aussi, se rapprocher des partenaires russes de ce dernier.

RUSSIE-AFRIQUE : L’OMBRE DES MERCENAIRES DE WAGNER
« LA SYMPHONIE AFRICAINE DE POUTINE » (1/2).

Incontournable au Soudan et en Centrafrique, présente en sous-main au Sahel, cette société de sécurité privée officieuse liée au maître du Kremlin est de plus en plus active sur le continent. De Khartoum à Bamako, en passant par Bangui et Saint-Pétersbourg, plongée dans le monde interlope des vrais-faux mercenaires.

ENQUETE – DANS LES COULISSES DU SOFTPOWER RUSSE EN AFRIQUE
« WAGNER GROUP A PLACÉ SES HOMMES DANS TOUS LES CERCLES DU POUVOIR »’28 (février 2022)

Présents à Bamako et à Bangui, les mercenaires russes ont depuis quelques jours le regard tourné vers l’Ukraine. Des hommes y auraient été envoyés depuis la Centrafrique, où la propagande tourne à plein régime pour soutenir l’invasion de Poutine.

Le 24 février dernier, alors que les troupes russes ont à peine déclenché leur offensive en Ukraine, un message est posté sur le fil de conversation officieux du groupe Wagner sur Telegram (intitulé « Reverse side of Z medal »). Il est on ne peut plus clair : « Nous savons qu’à Kiev, ainsi que dans les grandes villes d’Ukraine, la population se mobilise pour former des unités de défense territoriale. (…) C’est votre choix. (…) Mais croyez-moi, évitez d’être inscrit dans de telles unités. »

Depuis, la majorité des messages postés sur le même réseau social piloté par le groupe Wagner ne parlent que d’une chose : l’offensive militaire lancée en Ukraine par l’occupant du Kremlin Vladimir Poutine. Ici, on évoque des défenseurs de Kiev, la capitale, qui se rendent, submergés par l’avancée russe. Là, on décrit le matériel militaire ukrainien détruit ou saisi par les hommes de Moscou. Sur cette chaîne regroupant à ce jour près de 160 000 personnes, la guerre de l’information bat son plein.

DES UNITÉS COMBATTANTES AURAIENT ÉTÉ ACHEMINÉES DEPUIS LA CENTRAFRIQUE POUR CAPTURER LE PRÉSIDENT ZELENSKY

Mais à quel point le groupe Wagner est-il impliqué ? Selon une source interne citée par le quotidien britannique The Times, des unités combattantes ont été acheminées depuis la Centrafrique vers le théâtre d’opérations ukrainien, avec pour mission de s’infiltrer dans les défenses de Kiev et – entre autres – de capturer le président Volodymyr Zelensky. Certaines sources évoquent un contingent pouvant aller jusqu’à 400 hommes, d’autres estiment en revanche leur nombre à seulement plusieurs dizaines.

« LE GROUPE WAGNER, OUTIL GEOPOLITIQUE A RISQUE POUR MOSCOU ? »
(Institut Open Diplomacy, 03 11 2020)

Vladimir Poutine le soulignait en 2012 devant la Douma : « une corporation d’entreprises militaires privées serait un outil efficace pour réaliser les objectifs nationaux sans faire appel à la participation directe de l’Etat russe ». Huit ans plus tard, les private military companies – PMC russes sont impliquées à des degrés divers dans une myriade de conflits de plus ou moins haute intensité à travers le monde. Parmi ces firmes qui déploient des paramilitaires et autres contractors sur le terrain, le Groupe Wagner est la plus emblématique et « le secret le moins bien gardé de Russie ». Quel statut et quelle pérennité des PMC dans la dynamique d’ingérence croissante de la Russie de Vladimir Poutine dans de multiples théâtres à travers le monde ?

Les entreprises militaires privées russes, une genèse en eaux troubles :

Dans la stratégie russe, la projection de mercenaires à l’étranger semble résulter surtout d’un calcul à court terme, plus que d’un investissement politique à long terme. Le sujet arrive sur la scène internationale en 2014, lors de la crise ukrainienne, lorsque les hommes du groupe Wagner apparaissent en nombre au côté des séparatistes, dans la région de Louhansk. S’ils sont assimilés dans un premier temps aux hommes du GRU, le service de renseignement militaire russe, ces paramilitaires se distinguent lors de plusieurs actions en Crimée et au Donbass contre les loyalistes ukrainiens. Leur mobilisation s’inscrit dans la stratégie de Moscou de renforcer son influence politique et stratégique tout en évitant d’apparaître ouvertement en première ligne. Ces forces irrégulières et autoproclamées « volontaires » permettent de diminuer le nombre et la visibilité sur le terrain des militaires de carrière de l’armée russe. En outre, la frontière poreuse en matière de défense entre le secteur public et les groupes privés facilite les transferts de personnels entraînés et déployables rapidement.

Alors que le conflit ukrainien perd en intensité et devient un conflit gelé, une partie de ces mercenaires est déployée à l’automne 2015 dans le théâtre syrien pour soutenir le régime de Bachar Al-Assad. Leur première action, le 18 octobre, se solde néanmoins par un fiasco. Sous-équipé face au groupe rebelle Jaysh Al islam, le Slavonic Corps, première PMC russe à se risquer en territoire syrien, est pris en tenaille sur le chemin de Deir-Ez-Zor, à l’est du pays, où la société était chargée de protéger les installations pétrolières. Après leur échec, la majorité des mercenaires rentre en Russie, où les fondateurs de Slavonic Corps sont arrêtés et condamnés à des peines de prison. Paradoxe : le mercenariat est illégal en Russie, aux termes de l’article 348 du code criminel.

Si le développement des PMC russes n’est pas sans embûches, une figure émerge notamment, à l’origine des activités du groupe Wagner au Moyen-Orient : le lieutenant-colonel Dimitri Outkine, ancien du GRU. Ce militaire aguerri, surnommé lui-même Wagner, reste aux commandes opérationnelles du groupe après le déploiement en Ukraine. Avec un nouveau centre de formation dans le sud de la Russie, il relance ses activités en Syrie pour venir en aide à un régime syrien à bout de souffle. Si Dimitri Outkine incarne la figure militaire du Groupe, il doit son ascension à un autre homme clé du régime russe : Evgeny Prigozhin.

Ce dernier, oligarque surnommé « le cuisinier de Poutine » après avoir fait fortune dans la restauration de luxe, a diversifié ses activités jusqu’aux fonctions exécutives de Wagner, avec le soutien de hauts gradés de l’armée. Connu du grand public pour avoir lancé en 2013 l’Internet Research Agency, très active dans le cyberespace et considérée comme une usine à trolls, Prigozhin fait partie du cercle rapproché de Vladimir Poutine. Aujourd’hui dirigeant et principal financier du groupe, il minimise son rôle dans le déploiement des paramilitaires dans nombre de pays. Projeter le groupe Wagner au service des ambitions géopolitiques du Kremlin lui permet d’asseoir son statut et son influence au sein du microcosme russe, et d’augmenter son profit par des contrats supplémentaire, notamment en Syrie et en République centrafricaine. Au fil du temps, les dirigeants du groupe ont aussi ouvert les priorités de Wagner à des enjeux plus commerciaux que purement stratégiques, notamment en matière de contrôle des ressources naturelles vulnérables. Au risque d’un flou croissant dans la stratégie du groupe, tantôt agissant comme supplétif militaire de l’Etat russe, tantôt entreprenant des missions de PMC classiques.

Les PMC russes comme le groupe Wagner réalisent une grande variété de missions complémentaires en territoire étranger. Elles peuvent apporter un soutien armé opérationnel et influer sur la conduite ou l’issue d’un conflit. Externaliser ces activités permet par ailleurs aux belligérants officiels de mettre sous le boisseau les pertes humaines éventuelles. Par leurs activités de renseignement et leur capacité à créer des réseaux d’information et d’influence auprès des dirigeants locaux, les PMC contribuent également à favoriser l’influence russe sur le terrain. Leur contrôle de sites de ressources naturelles, pétrolières mais aussi minérales, permet en outre au pouvoir russe de renforcer ses liens économiques et commerciaux avec certains Etats, en marge de sanctions internationales. Enfin, le dernier atout d’un groupe comme Wagner est celui de son impact informationnel voire de sa visibilité. A travers ses déploiements, il démontre une certaine puissance géopolitique russe, tout en mettant en exergue la solidité des liens intérieurs entre le Kremlin et les oligarques proche du pouvoir.

Depuis le déploiement ukrainien en 2014, le renforcement des activités du groupe Wagner a permis à Moscou de disposer d’un vivier de professionnels, en grande majorité ex-militaires ou ex-GRU. Environ 5 000 hommes peuvent ainsi être projetés à flux tendus sur des théâtres étrangers. Quant aux mercenaires, au-delà de l’attachement à un récit nationaliste, ils bénéficient de salaires mensuels élevés : 240 000 roubles, environ 2 600 euros mensuels en zone de guerre, quand le salaire moyen russe s’élève à 40 000 roubles.

Des perspectives en clair-obscur :

L’avènement du groupe Wagner sur le théâtre syrien fin 2015, s’il a symbolisé l’internationalisation des prestations offensives des mercenaires russes, n’a pas pour autant été couronné de succès. Manquant d’équipements et d’armements hauts de gamme, en première ligne, ses troupes ont essuyé de lourds revers et des pertes humaines importantes, critiquées par l’opinion publique russe. L’assaut raté, en février 2018, contre les installations du champ pétrolier de Conoco dans la région de Deir-ez-Zor tenues par des forces américaines, a ainsi constitué un tournant. L’offensive a été refoulée par l’aviation américaine, après une mise en garde officielle de la Maison blanche envers le Kremlin – qui a nié être informé de la présence de ces mercenaires. Le bilan : environ 200 victimes en une nuit, sur un total de 3 000 mercenaires déployés en Syrie. Au-delà de cet échec, le groupe Wagner et d’autres PMC russes comme Vegacy E.N.O.T, Vostok Battalion, ont apporté un soutien important au régime de Bachar Al-Assad en matière de sécurisation des approvisionnements énergétiques en gaz et en pétrole.

Ces méthodes ont été déployées à nouveau en Libye. Au côté des troupes de l’Armée nationale libyenne du général Haftar, allié du Kremlin, les contractors ont participé à des missions de soutien, de formation des officiers, de protection des sites pétroliers, de renseignement et de propagande pro-Haftar en recrutant d’ancien cadres khadafistes et acquérant des médias locaux. Les hommes de Dimitri Outkine ont également pris part à des offensives militaires directes de grande échelle comme la bataille de Tripoli, début 2018. Ce mode opératoire multi-facettes se décline au sein d’autres terrains africains, signe d’une réorientation stratégique du Kremlin qui entend nouer des relations fortes avec des Etats en quête de soutien économique, politique ou sécuritaire. Le Soudan, le Vénézuela, Madagascar et le Mozambique sont ainsi approchés par le groupe Wagner, tandis que des centaines de paramilitaires concurrencent le rôle de la France comme premier partenaire en Centrafrique.

La France n’est cependant pas le seul Etat occidental à s’inquiéter de la montée en puissance officieuse du bras armé russe en Afrique. Mais si les Etats-Unis ont réagi ponctuellement en Syrie, une réponse commune organisée se fait attendre, au risque de voir l’influence politique du groupe Wagner croître. Son utilisation par le Kremlin en complément des forces russes régulières, dans des conflits souvent asymétriques, ses activités d’influence ou de déstabilisation inquiètent les Européens. Illégale au regard du droit russe, la firme russe se place en marge de l’ordre international en évitant de signer l’ICOC, code de conduite des entreprises du secteur. Cette stratégie et ce mode opératoire ne sont pas sans exposer le groupe à des risques majeurs. Des comportements individuels et de groupe déviants sont signalés : exactions – l’enquête est en cours actuellement – en Syrie, assassinats de journalistes enquêtant sur le déploiement du groupe en Centrafrique, etc. A travers le groupe, c’est bien le Kremlin qui est exposé à des risques stratégiques et en termes de réputation. Couplée à la menace de sanctions internationales, cette réalité peut remettre en cause la pérennité du Groupe.

Composante de ce que certains considèrent comme une stratégie de guerre hybride, le déploiement du groupe Wagner apparaît remis en question. Si le groupe a pu tester ses modes opératoires sur les terrains ukrainiens et syriens, les pertes humaines élevées, l’efficacité opérationnelle discutable et l’illégalité de la firme au regard du droit international viennent obérer la stratégie d’influence officieuse russe. Loin de contribuer à construire une solution politique à l’instabilité de pays fragilisés, le groupe Wagner apparaît aujourd’hui comme un outil à court terme dans la stratégie du Kremlin. Un outil apte à influer sur des situations militaires précises mais dépourvu d’une doctrine qui l’inscrirait dans la durée.

« LE GROUPE WAGNER AURAIT ETE DEPECHE POUR ASSASSINER ZELENSKY : QUI SONT CES HOMMES? »

Des mercenaires du groupuscule Wagner auraient reçu pour mission de tuer le président ukrainien. Mais « Wagner », qu’est-ce que c’est ?

Selon les informations du média britannique The Times , plus de 400 mercenaires russes opèrent à Kiev avec l’ordre du Kremlin d’assassiner le président Zelensky et son gouvernement. Il leur serait demandé de préparer le terrain pour que Moscou prenne le contrôle.

Le groupe Wagner ? Qui le compose ? Et que fait-il ? Il s’agit d’une milice privée dirigée par un proche allié du président Vladimir Poutine et fonctionnant comme une branche indépendante de l’État. Le Kremlin a toujours nié l’existence de ce groupe, répétant avec insistance que « les sociétés militaires privées sont interdites en Russie » . Mais selon The Times , des mercenaires sont revenus d’Afrique il y a cinq semaines, avec pour mission « d’anéantir le gouvernement de Zelensky en échange d’une importante prime financière. » (…)

Selon les sources, entre 2 500 à 5000 hommes forment ce groupuscule et sont répartis à travers le monde, sur les conflits où la Russie a des intérêts stratégiques. « Avec les sécessionnistes du Donbass, en Ukraine. Mais aussi avec les troupes de Bachar al-Assad, en Syrie », note Amnesty International …

Depuis la révélation de l’existence de cette unité secrète, des témoignages d’anciens combattants ont été recueillis. Certains confirment avoir combattu en Syrie et en Ukraine pour un bataillon créé par Dimitri Outkine, un lieutenant-colonel du renseignement militaire russe (le GRU) passé au privé. Ces soldats auraient également eu accès à une caserne du GRU (le renseignement militaire russe) pour s’entraîner au combat. En août 2021, la BBC estimait à 10.000 le nombre de mercenaires à avoir combattu sous la bannière du groupe de Wagner au cours des sept dernières années.

Questionné par The Bell, un média russe basé à Londres, Prigojine nie tout lien avec le ministère de la Défense, et assure qu’il ne peut « ni financer ni équiper une société de mercenaires qui n’existe pas ».

« MOSCOU REDEPLOYE SUR LE FRONT UKRAINIEN DES MERCENAIRES DU GROUPE WAGNER PRESENTS EN AFRIQUE§
(France Info, 31 03 2022)

La Russie continue à recruter des mercenaires du groupe paramilitaire Wagner pour soutenir ses forces en Ukraine.

L’armée russe, en difficulté face à l’armée ukrainienne, cherche depuis des semaines à renforcer ses effectifs avec des combattants aguerris. Selon les autorités britanniques, elle aurait ainsi retiré du sol africain plusieurs centaines de mercenaires du groupe Wagner qui opère en Libye, en Centrafrique et au Mali.

Wagner à la rescousse de l’armée russe :

« La Russie a envoyé 1000 mercenaires du groupe privé Wagner dans l’est de l’Ukraine », a indiqué le 28 mars 2022 le ministère britannique de la Défense dans un point de situation publié sur son compte Twitter. « Y compris des hauts dirigeants de l’organisation Wagner, pour entreprendre des opérations de combat », a précisé le ministère. « En raison de lourdes pertes et d’une invasion largement bloquée, la Russie a très probablement été forcée de redéployer son personnel Wagner pour l’Ukraine aux dépens des opérations en Afrique et en Syrie », estime Londres.

Ce redéploiement des Wagner coïncide avec la volonté russe de déloger la résistance ukrainienne à Marioupol et Kharkiv, deux villes stratégiques où les combats risquent de se mener maison par maison. Les mercenaires Wagner, connus pour leurs méthodes expéditives visant à terroriser leurs adversaires, ont l’expérience de ces combats urbains.

« En janvier dernier, un avion militaire russe avait secrètement quitté les terres libyennes, portant à son bord des centaines de mercenaires de Wagner », affirme une source militaire libyenne citée par le journal Al-Araby Al-Jadeed. Selon cette source anonyme, « les combattants de Wagner ont été retirés de la ville de Soukna et d’autres villes du centre et de l’est libyens. Ils ont été rassemblés à la base aérienne (d’Al-Jufrah), au centre du pays, d’où ils ont pris l’avion ». Ces soldats Wagner ont été engagés dès le début du conflit avec l’objectif de capturer le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Des tentatives qui ont échoué et plusieurs de ces mercenaires auraient été tués lors de ces premières attaques.

Un responsable militaire égyptien a également affirmé que « la Russie n’avait pas seulement rappelé Wagner de Libye, mais aussi d’autres zones en Afrique ». Une information confirmée par la journaliste Alexandra Jousset, qui a co-réalisé le documentaire Wagner, l’armée de l’ombre de Poutine. D’après elle, plusieurs cadres de Wagner ont récemment quitté la Centrafrique et le Mali (…)

« LE GROUPE WAGNER, FER DE LANCE DU MERCENARIAT RUSSE EN LIBYE »
(ARAB NEWS.COM, 08 AVRIL 2022)

ALGER : La dernière conférence sur la Libye a rassemblé à Berlin, mercredi 23 juin, 16 pays et 4 organisations internationales (les Nations unies, l’Union européenne, l’Union africaine et la Ligue arabe). Elle a porté sur les moyens de faire avancer le processus politique engagé dans le pays et parrainé par les Nations unies. La Conférence a enjoint à «toutes les forces étrangères et les mercenaires» de «se retirer sans délai» de la Libye. Cette condition est jugée cruciale pour le processus d’autant plus que le sol libyen connaît la présence de plusieurs forces étrangères. Cependant, il faut rappeler que cet appel n’est pas le premier du genre. Lors du précédent sommet international sur la Libye à Berlin, début 2020, la même injonction avait été faite, mais a été suivie de peu d’effets sur le terrain.

Aujourd’hui, la Libye demeure l’eldorado de milliers de mercenaires. Selon l’ONU, ils seraient plus de 20 000 sur le territoire, principalement des Russes, des Syriens, des Soudanais et des Tchadiens, avec une présence de plus en plus remarquée des éléments russes du groupe Wagner. Un rapport du Pentagone sur les opérations de l’Usafricom datant de juin 2020 estime que la Russie avait soutenu des milliers de mercenaires en Libye, dont environ 3 000 du groupe Wagner et 2 000 Syriens.

L’émergence du groupe Wagner :

Si le groupe Wagner occupe les gros titres des médias depuis quelques années, l’histoire des sociétés militaires privées (SMP) russes est plus ancienne que l’ère des opérations dites en «zone grise». L’appui apporté par ces groupes à la politique étrangère russe remonte à l’ère soviétique.

Le recours au mercenariat fait partie des nombreux instruments de la «guerre par procuration» qui, selon la définition du politologue Karl Deutsch, est «un conflit international entre deux puissances étrangères, combattant sur le sol d’un pays tiers, déguisé en un conflit sur une question interne du pays et utilisant une partie des effectifs, des ressources et du territoire de ce pays comme un moyen d’atteindre des objectifs et des stratégies majoritairement étrangers».

Durant les années 90, les SMP russes se concentraient sur deux objectifs séparés et distincts: fournir des services payants à des clients étrangers, indépendamment du contrôle du Kremlin, et maintenir l’influence russe dans son voisinage immédiat, principalement les anciennes républiques soviétiques, où Moscou soutient, oriente et prend directement part à des confrontations tout en veillant à ne pas exposer son armée.

Depuis un peu plus d’une décennie, plus particulièrement après la création de la SMP Wagner, les activités des SMP russes semblent de plus en plus liées aux orientations du Kremlin. C’est ainsi que devant la Douma en 2012, Vladimir Poutine soulignait: «Je crois que de telles entreprises sont un moyen de mettre en œuvre des intérêts nationaux sans l’implication directe de l’État… Je pense que nous pourrions envisager cette option.»

Fondée en 2014 par Yevgeny Prigozhin, un homme d’affaires proche de Vladimir Poutine, et l’ancien officier du renseignement Dmitri Utkin, la SMP Wagner est intimement liée au Kremlin. Initialement, son rôle se limitait à fournir des formations, du matériel, des services de sécurité non cinétiques et des conseils sur la manière d’appréhender les opérations. Aujourd’hui, la firme met à la disposition de Moscou un vivier de professionnels militaires, en grande majorité ex-militaires ou ex-GRU (la direction générale des renseignements), et lui permet de se projeter et de s’impliquer directement dans divers terrains d’opérations.

Qu’est-ce qui fait courir les Russes en Libye? :

Au cours de la dernière décennie, Moscou a commencé à regarder au-delà de sa sphère d’influence traditionnelle et s’est rapidement intéressé aux «États fragiles». Ainsi, les MSP sont perçues comme un moyen d’augmenter l’influence de Moscou à l’étranger en soutenant des États fragiles, souvent au bord de l’effondrement, et en protégeant les investissements économiques russes. Ce fut le cas en Syrie (pétrole et gaz), au Soudan (or), en République centrafricaine (or, uranium, et diamants) et au Venezuela (pétrole, or et armes). C’est actuellement le cas en Libye autour du gaz et du pétrole.

Néanmoins, pour nombre de spécialistes, les différentes interventions du groupe Wagner ne sont pas à réduire aux seuls motifs économique et pécuniaire. Des objectifs géopolitiques sont également de la partie.

Selon Emadeddine Badi, analyste senior à la Global Initiative against Transnational Organized Crime, «l’objectif non avoué de la présence de ces mercenaires russes en Libye est essentiellement d’aider la Russie à atteindre des objectifs politiques de nature multiforme. À court terme, ils agissent comme une influence stabilisatrice sur les forces de Haftar, donnent à la Russie un levier dans le paysage militaire libyen et lui permettent de négocier des concessions économiques avec les autorités libyennes. À plus long terme, ils augmentent l’influence russe dans diverses arènes stratégiques et représentent un levier dans un mécanisme politique plus large du Kremlin vis-à-vis des États-Unis/Otan, de l’Europe, de la Turquie, de la Méditerranée orientale, de l’Afrique du Nord et du Sahel.»

Une présence inquiétante appelée à durer :

Concernant l’injonction faite aux forces étrangères de quitter le pays, nombre de spécialistes du dossier libyen pensent que la réponse n’est pas pour demain. La présence russe en Libye, notamment à travers Wagner, est probablement appelée à durer.

«On ne quitte pas des bases stratégiques comme Al-Khadim ou Al-Jufrah. Ces bases sont contrôlées totalement par les Russes et aucun Libyen n’a un droit de regard dessus», affirme Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye et enseignant en géopolitique à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (France).

D’aucuns considèrent en effet que la Russie est désormais trop impliquée en Libye pour se résoudre à quitter ses bases stratégiques, du moins à court terme. Aujourd’hui, de nombreux États s’inquiètent de la montée en puissance de la Russie, non seulement en Libye mais aussi dans d’autres endroits du monde. N’ayant aucun statut légal au regard du droit russe, le groupe Wagner se place en marge de l’ordre international en évitant de signer le Code de conduite international des entreprises de sécurité privées (ICoC). Une stratégie qui ne la met pas à l’abri de certains comportements criminels commis par un certain nombre de ses éléments. Des enquêtes sont en cours, notamment en Syrie et en Centrafrique.

« GROUP : LES SECRETS DE L’INTERVENTION RUSSE EN LIBYE DEVOILES PAR UNE TABLETTE »
(BBC, 12 août 2021)

Il s’agit des informations sur Wagner, un groupe de mercenaires russes ultra secret dont les opérations s’étendent au monde entier, des combats de première ligne en Syrie à la surveillance de mines de diamants en République centrafricaine. La BBC a eu un accès exclusif à une tablette électronique laissée sur un champ de bataille en Libye par un combattant de Wagner, ce qui donne un aperçu sans précédent de la façon dont ces agents travaillent.

Et un autre indice qui nous a été donné à Tripoli – une « liste d’achats » d’équipements militaires de pointe – suggère que Wagner était probablement soutenu au plus haut niveau, malgré les démentis constants du gouvernement russe quant à ses liens présumé avec l’organisation.

Début février, tard dans la nuit je reçois un appel à Londres. Un de mes contacts en Libye m’annonce une nouvelle extraordinaire : une tablette Samsung a été retrouvée sur un champ de bataille dans l’ouest de la Libye.

Une zone dans laquelle des mercenaires russes s’étaient battus en soutien au général dissident Khalifa Haftar, contre le gouvernement d’entente nationale (GNA) soutenu par l’ONU, et on pense que la tablette a été abandonnée lorsque les combattants ont battu en retraite au printemps 2020.

Des informations indiquent depuis longtemps que Wagner opérait en Libye. Des images de surveillance, filmées par des combattants du GNA en avril 2020 et partagées avec la BBC, montraient déjà ces éléments de Wagner.

Mais on disposait de peu d’informations directes.

Le groupe Wagner est l’une des organisations les plus secrètes de Russie. Officiellement, il n’existe pas – servir comme mercenaire est contraire au droit russe et international. Mais on pense que jusqu’à 10 000 agents ont accepté au moins un contrat avec Wagner au cours des sept dernières années.

Après divers processus de vérification, la tablette a été amenée à Londres.

Je l’ai immédiatement placée dans un sac bloquant les signaux, afin qu’elle ne puisse pas être suivie ou effacée à distance.

Fait remarquable, il était facile d’accéder aux informations qu’elle contenait.

J’ai découvert des dizaines de fichiers – allant de manuels sur les mines antipersonnel et les engins explosifs improvisés (EEI) à des images de drones de reconnaissance (…) Mais c’est une application de cartes qui s’est distinguée : des couches de cartes militaires de la ligne de front, toutes marquées en russe. ;

Des points de couleur étaient marqués sur les cartes, la plupart étant regroupés dans la banlieue d’Ain Zara, dans le sud de Tripoli, où les combattants de Wagner ont affronté le GNA entre février et fin mai 2020.

La tablette contenait également des images de drone d’Ain Zara. La vidéo montre la banlieue déserte, ses habitants ayant fui.

En regardant la tablette, rien ne permet d’identifier le propriétaire, mais en zoomant sur les cartes, des mots sont marqués sur certains des points de localisation rouges.

Mon collègue de la BBC, Ilya, qui est basé à Moscou et enquête sur Wagner depuis quatre ans, a compris qu’il s’agissait de noms de code, peut-être de camarades du propriétaire de la tablette.

Ilya les a comparés à une base de données de combattants Wagner créée par des volontaires ukrainiens et à un rapport de l’ONU qui a fuité et qui répertorie les combattants Wagner en Libye.

Nous pensons que l’un des combattants, qu’on appelle « Metla » sur la tablette, se nomme réellement Fedor Metelkin. Un Russe de 36 ans, originaire du Caucase du Nord. Son numéro personnel Wagner, qui est publié dans la base de données ukrainienne, est inférieur à 3 000.

Cela suggère qu’il a rejoint Wagner assez tôt dans ses opérations – il y a cinq ou six ans – lorsqu’il combattait dans l’est de l’Ukraine pour soutenir les séparatistes soutenus par la Russie.

D’après ce que nous savons, il est courant que les mêmes combattants passent d’une zone de conflit étrangère à une autre.

La tablette se trouve désormais dans un endroit sécurisé.

La tablette ne donne pas beaucoup d’indices sur l’identité ou le passé des autres mercenaires, mais la BBC a depuis obtenu un accès rare à deux anciens combattants de Wagner – sous couvert d’anonymat – qui ont confirmé que beaucoup de ceux qui ont commencé en Ukraine sont allés en Libye, pays riche en pétrole.

L’un d’eux a déclaré à la BBC qu’il y avait jusqu’à 1 000 combattants en Libye à tout moment pendant les 12 à 14 mois de combats actifs dans le pays, de septembre 2019 à juillet 2020.

Les anciens combattants ont expliqué que les hommes ne sont pas recrutés par une organisation appelée Wagner, mais qu’ils postulent pour des contrats à court terme – par exemple en tant que travailleurs sur les plates-formes pétrolières ou personnel de sécurité – auprès de nombreuses sociétés écrans.

Ils subissent des tests physiques et des contrôles de sécurité avant de se rendre sur le terrain d’entraînement non officiel de Wagner près de Krasnodar, dans le sud de la Russie, qui se trouve à côté d’une base de l’armée russe (…)

M. Utkin, ancien parachutiste des forces spéciales russes, serait le fondateur et le commandant général du groupe Wagner. Lui-même était autrefois connu sous le nom de « Wagner » en raison de son intérêt présumé pour l’Allemagne nazie, qui promouvait la musique du compositeur Richard Wagner. On pense maintenant qu’il porte le nom de code « Ninth ». Sur les deux documents, on voit le chiffre « 9 » et le mot « Ninth ».,La BBC a tenté de contacter Dmitry Utkin mais n’a reçu aucune réponse.

Selon l’un des anciens combattants de Wagner à qui la BBC a parlé, les agents ne discutent pas de qui finance l’organisation.

« C’est comme dans Harry Potter, où Voldemort est le nom qui n’est jamais prononcé à voix haute. C’est un sujet tabou. Il ne vaut pas la peine d’en parler, sinon vous risquez de finir dans un conteneur métallique avec un visage cassé pendant deux semaines. »

Dans une déclaration à la BBC, Yevgeny Prigozhin a fermement maintenu qu’il n’avait aucun lien avec Evro Polis ou Wagner.

« Je n’ai rien entendu sur la violation des droits de l’homme en Libye par les Russes et je suis sûr que c’est un mensonge absolu », a-t-il déclaré.

« Je vous conseille d’opérer avec des faits, pas avec vos sentiments russophobes ».

Auparavant, il a également nié connaître M. Utkin.

En novembre 2018, le général rebelle libyen Khalifa Haftar s’est rendu à Moscou. Des images de l’époque montrent M. Prigozhin lors de la réunion au ministère russe de la Défense.

En janvier 2020, on a demandé à M. Poutine si des Russes combattaient en Libye. Il a répondu : « S’il y a des citoyens russes là-bas, ils ne représentent pas les intérêts de l’État russe, et ne reçoivent pas d’argent de l’État russe. »

Contacté pour un commentaire, le ministère russe des Affaires étrangères nous a renvoyés à des déclarations antérieures.

Il a déclaré que les informations sur la présence d’employés de Wagner en Libye sont principalement basées sur des données truquées et visent à discréditer la politique de la Russie en Libye. « La Russie fait tout son possible pour promouvoir un cessez-le-feu et un règlement politique de la crise en Libye. »

Wagner est apparu dans l’est de l’Ukraine en 2014, aux côtés de sociétés militaires privées et de brigades de volontaires, soutenant les séparatistes pro-russes. Mais c’est en Syrie, en 2016, avec ses opérations contre le groupe État islamique, qu’il a pris de l’importance (…)


L’activité de Wagner en République centrafricaine (RCA) se poursuit. Le groupe opérerait également dans d’autres pays africains, dont le Tchad. « C’est une grande épreuve pour les Russes. Ils ne sont pas en guerre uniquement pour la Libye, ils se disputent le pouvoir décisionnel international en Afrique et dans le monde », déclare Rabia Bu Ras, membre de la Chambre des représentants de Libye.

En ce qui concerne la présence de Wagner en Libye, la tablette à l’écran fissuré a jeté un nouvel éclairage sur les opérations secrètes du groupe dans ce pays, des mouvements de troupes à la pose de pièges dans les quartiers civils. Son propriétaire et ses camarades ont peut-être quitté depuis longtemps les lieux indiqués sur les cartes affichées à l’écran, mais la BBC croit savoir, d’après des témoignages de civils et des preuves de source ouverte, que, malgré un cessez-le-feu, les combattants sont toujours dans le pays et continuent de saper les efforts de paix.

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