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Croissance zéro en Europe et profit historique pour Gazprom en Russie :

Deux séries de chiffres, ce week-end, qui en disent plus que les longs discours sur la crise. La croissance est en berne en Europe, alors que Gazprom, premier producteur de gaz au monde, continue de nager dans les profits. La comparaison entre les deux séries de chiffres va devenir insupportable aux Européens. Quand la croissance occidentale pique du nez et frôle un risque de stagflation, beaucoup plus dangereux que le Covid, les populations ne vont pas accepter que l’entourage de Poutine continue de gruger les populations avec l’argent du gaz détourné au profit de l’effort de guerre.

1er point : les économies occidentales sont en train de casser leur reprise de croissance post-Covid.

Pour l’économie de l’Union européenne d’abord, les prévisions du FMI ont été révisées à la baisse pour 2022 et 2023, mais les chiffres de l’Insee sur la France ont fait l’effet d’une douche froide. Après les 7% de croissance réalisée sur l’année 2021, l’Insee vient d’enregistrer une croissance zéro au premier trimestre (janvier, février et mars), alors qu’on s’attendait quand même à un atterrissage plus en douceur. En économie, les prévisions sont toujours incertaines mais les économistes ont toujours une explication. A partir de mi-février et au mois de mars, tout s’est déréglé. La guerre en Ukraine surtout a véritablement cassé la reprise économique. Ralentissement du commerce international, rupture d’approvisionnements pour cause de blocage dans les ports et surtout l’inflation importée par les carburants et les matières premières agricoles, qui a piégé la consommation. Avec une inflation moyenne de 4,5 % en mars, les prix s’alourdissent et les caddies d’allègent. Si le consommateur se serre la ceinture, les chaines de production fabriquent du stock et au bout de quelques semaines, elles freinent les cadences, faute de débouchés ou alors faute d’approvisionnement.

Si la guerre en Ukraine se prolonge, l’Europe va être obligée de se mettre en mode économie de guerre.

Il lui faut tout à la fois dégager des ressources afin de financer les budgets de la défense et d’aide aux réfugiés. Mais aussi chercher un modèle qui l’affranchisse des livraisons de gaz russe. C’est vrai pour tous les Etats membres de l’Union européenne, mais c’est encore plus vrai pour les pays frontaliers de la Russie ou de ses alliés comme la Pologne. Encore plus vrai pour l’Allemagne, qui a accepté d’adhérer à un modèle dont elle s’était exclue depuis la fin de deuxième guerre mondiale. A l’époque, l’Allemagne, défaite, avait été contrainte d’abandonner toutes les dépenses militaires, ce qui la dispensait d’avoir à financer un budget … Et ce qui, d’une certaine façon, lui a permis de renforcer sa puissance d’investissements industriels et civils et donc sa compétitivité. Le changement est d’autant plus fort que l’Allemagne avait aussi fondé son développement économique sur des achats de gaz russe, qui représente presque 80 % de son énergie. Bref aujourd’hui, l‘Europe va devoir prendre en compte le surcout de la guerre et lancer très sérieusement des investissements pour trouver des alternatives au gaz russe. C’est d’autant plus vrai que les ressources financières apportées aux Russes par ses ventes de gaz sont véritablement les seules, mais elles lui permettent de maintenir son niveau de vie et surtout, de financer son effort de guerre.

2e point : Les bénéfices réalisés par Gazprom, le géant russe du gaz, ont été gigantesques en 2021.

On parle de bénéfice net en dizaine de milliards : 28 milliards d’euros. Gazprom a été le grand gagnant mondial de la reprise économique post-Covid. Les quantités et les prix ont explosé à la hausse (plus que pour le pétrole). Cette manne devrait encore gonflée cette année parce que les prix ont encore flambé. Ils vont continuer en l’absence d’embargo. Très habilement, les Russes de Gazprom n’ont pas donné de prévision pour 2022 mais personne ne se fait d’illusion. La guerre fait monter les prix. Et les prix paient la guerre qu‘elle mène en Ukraine et qui alimente la hausse des coûts de l’énergie et donc les prix. C’est Ubu roi chez les Soviets. D’un côté, les Européens sont obligés d’acheter du gaz russe pour faire marcher leur économie. Ils menacent périodiquement de se priver de gaz mais la plupart ne peuvent pas le faire.

autre côté, les Russes menacent de couper le gaz pour répondre aux sanctions. Moscou a demandé à payer en roubles, les financiers ont refusé, arguant que les contrats avaient été signés en euros et dollars, à la demande des Russes eux-mêmes d’ailleurs. Donc les clients ont continué de payer comme avant et la banque de Gazprom a fait le change. Moscou s’est accommodé de cet arrangement jusqu’au jour où la Pologne et la Bulgarie n’ont pas voulu payer, ce qui a mis Gazprom, dans l’embarras et vexé le Kremlin, qui, pour se venger, a coupé le gaz aux Polonais et aux Bulgares.
Face au risque de pénurie de gaz et aux hausses de prix en Europe, les milieux d’affaires se préparent à une économie de guerre. Mais une fois de plus, ça n’a rien changé. Les Polonais et les Bulgares ont reçu du gaz venant d’Allemagne et de France, lequel a été fourni par la Russie. Une fois de plus, on sauve la face. La Russie ne livre plus à la Pologne mais a accru ses livraisons à l‘Allemagne qui repasse le gaz aux Polonais.
Mais l‘Europe ne peut pas se laisser s’appauvrir…

Analyse avec Luc Michel géopoliticien belge.

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