LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/

Luc MICHEL pour EODE/

Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/

2017 11 25/

« La décomposition du régime communiste et celle de l’État yougoslave se renforçaient mutuellement. Milosevic récupéra un résidu de communisme et un résidu de Yougoslavie.

Le régime Milosevic est parfois comparé par les opposants de Belgrade à celui de Ceausescu. Deux variantes du national-communisme balkanique (…) Mirjana, telle Elena Ceausescu, est l’idéologue archéocommuniste et yougonostalgique (avec son propre parti de la gauche yougoslave JUL) »

– Jacques Rupnik (L’héritage partagé du nationalisme serbe,

Presses de Siences Po, 1999).

Partie II-

LES VERITABLES RAISONS DE LA DESTRUCTION DES IIe (TITO) ET IIIe (MILOSEVIC) YOUGOSLAVIE : LE COUP D’ARRET AU « PROCESSUS DE TRANSITION » OCCIDENTAL A BELGRADE

La destruction des IIe et IIIe Yougoslavie n’a pas reposé que sur les plans géopolitiques des USA dans la dernière phase de la Guerre froide. La Yougoslavie de Milosevic représentait aussi un défi et une expérience idéologiques insupportables  pour le Bloc américano-occidental (comme le sera aussi la Jamahiryah de Kadhafi) …

« Parvenu au pouvoir dans les années 1980 sur les ruines du titisme, Milosevic a tenté de jouer le national-communisme à une époque où ce dernier était encore florissant dans des pays aussi divers que l’Allemagne de l’Est, la Tchécoslovaquie, la Roumanie, l’Albanie ou la Chine. C’est dire qu’il ne se sentait pas seul du tout. Ni sur la scène internationale où il était bien entouré. Ni en Serbie même où, à la veille de l’écroulement du monde communiste, il parvenait le 29 juin 1989 à réunir plus d’un million de personnes au Kosovo pour commémorer les 600 ans la bataille de Kosovo Polje » (1).

LE PREMIER DEFI DE MILOSEVIC :

LE « LABORATOIRE YOUGOSLAVE DU NATIONAL-COMMUNISME »

Rappelons cette expérience …

MILOSEVIC est le produit d’un processus collectif et d’une stratégie politique. Dans son livre MILOSEVIC, UNE EPITAPHE (2), l’éditeur serbe Vidosav STEVANOVIC, un adversaire radical du président yougoslave, analyse cet aspect méconnu de l’histoire : « L’ascension de Milosevic a quelque chose de fabriqué et de prémédité. Il ne s’est pas imposé tout seul. Quelqu’un l’a choisi et proposé aux cercles les plus fermés du Parti, de l’armée et de la police. Ce quelqu’un, c’est son frère aîné Borislav, policier professionnel, diplomate à l’occasion. Il a passé un an à Moscou dans le cadre d’une formation secrète; or, là-bas, tout ce qui est secret est lié au KGB. Ceux qui ont reçu la même formation ou qui partagent les mêmes idées sont nombreux en Yougoslavie: ce sont des adeptes cachés d’un stalinisme imprégné de slavophilie et d’orthodoxie. Les académiciens n’ont pas été seuls à rédiger le Mémorandum: d’autres conjurateurs l’ont préparé ».

Il y a une interaction entre les nationaux-patriotes russes et ceux de Yougoslavie. Une même volonté de renouvellement idéologique. Une même angoisse de préserver à la fois l’Etat et le système socialistes, étroitement liés. Et un même front politique et idéologique contre les libéraux pro-occidentaux. La mort d’ANDROPOV, le « Milosevic russe » selon le Dr YANOV, a fait que les Russes ont échoué là où les Yougoslaves ont réussi. Les « Gorbatchev » yougoslaves ayant perdu la bataille vers 1987-88. Evoquent le coup d’état de 1991 à Moscou, Vidosav STEVANOVIC précise ce qui suit : « Les premiers jours, les hommes de Milosevic fêtent publiquement la « victoire des forces saines »; dans les bureaux du gouvernement, les bouchons sautent. Puis, c’est la déception. Le putsch en Union soviétique est un échec. Mais les alliés d’aujourd’hui et de demain, communistes et nationalistes, sont bien vivants. Le frère aîné maintient un contact permanent avec eux » (…) Milosevic garde un œil sur l’Union Soviétique. Les communistes et les nationalistes vont-ils s’y allier à temps et sauver l’empire qui vacille?  Si cela n’a pas lieu, il leur donnera l’exemple en créant, sur les bases renouvelées du national-communisme, une petite royauté expérimentale dont il sera le cœur. »

Et ce sera la mise sur pied de la nouvelle Yougoslavie, la troisième, celle de Milosevic, que certains, comme moi, ont appelé « le laboratoire du national-communisme ». STEPANOVIC évoque  « les communistes, du moins ceux de Belgrade (…) restés fidèles a eux-mêmes (…) Ceux-ci, grâce a la contre-méthode de leur leader combinent toutes ces résistances et ces idéologies en une même composition chimique de forte puissance. Dans une sorte de néonationalisme, produit dans les laboratoires du régime et distribué gratuitement par les medias. »

* Voir sur PCN-TV/

IN MEMORIAM SLOBODAN MILOSEVIC (SERBIAN TV)

sur https://vimeo.com/244204623

LE SECOND DEFI DE MILOSEVIC :

LE COUP D’ARRET AU « PROCESSUS DE TRANSITION » EN YOUGOSLAVIE

J’ai développé des sur cette opposition entre fractions libérales pro-occidentales et fractions socialistes lors de l’effondrement des régimes socialistes à l’Est à partir des Années 80, ce que l’on appelle le « processus de transition » …

Vaste sujet, que je vais essayer de vous synthétiser. Le « processus de transition » répond à un concept à la fois économique et politique. Qui est la notion centrale du passage des économies socialistes à l’économie libérale-capitaliste mondialisée. Ce processus d’ailleurs dépasse très largement l’économie pour concerner l’ensemble du passage de l’ancienne société à l’économie capitaliste et à l’état libéral. Un processus global donc à la fois économique, politique, social et culturel. La « mise au pas » – pour employer le vocabulaire du IIIe Reich – d’une nation au diapason du monde libéral américanisé ! Partout à l’Est, ce processus a été réalisé. Sauf au Belarus, où le président Lukashenko l’a à partir de 1996 arrêté et inversé, maintenant l’Etat socialiste dit « post-soviétique ». Ce qui explique la haine de l’Occident pour l’homme d’état de Minsk. Et sauf en Yougoslavie jusqu’en 2000 et le renversement de Milosevic par un coup d’état rampant pro-occidental.

On l’ignore souvent, mais la Yougoslavie, celle de Tito agonisante des Années 80, a été aussi le laboratoire de la liquidation du Socialisme à l’Est. Précisément avant que Milosevic et ses partisans y mettent un coup d’arrêt. Borislav Jovic, l’homme de Milosevic qui représentait alors la Serbie a la Présidence yougoslave, déclare : «  Nous ne sommes pas la Roumanie : l’armée, la police et le peuple sont de notre côté ». « A Belgrade, grâce  a la contre méthode de Milosevic, quelque chose d’autre a lieu en effet qu’on  pourrait appeler le contre-glasnost, précise Vidosav STEVANOVIC. Le mot « peuple » remplace le mot « classe » sur lequel reposait tout l’idéologie marxiste. Cela suffit pour arrêter la marche de l’Histoire. »

L’analyse de Vidosav STEVANOVIC est importante pour expliquer et comprendre. A la fois parce qu’elle vient d’un partisan de l’Occident et d’un adversaire de Milosevic et parce qu’elle met, involontairement, l’accent sur ce qui s’est véritablement passé alors en Yougoslavie. L’émergence de Milosevic, la naissance de la Troisième Yougoslavie et le coup d’arrêt donné à la marche du capitalisme et de l’OTAN, ce n’est pas une question relative au nationalisme. C’est tout autre chose. Et le nationalisme n’a été qu’un instrument. Aux mains de l’Occident pour démembrer la Yougoslavie en soutenant les nationalismes centripètes mortifères. Mais aussi un instrument aux mains de Milosevic pour maintenir l’Etat et le système socialistes. « A ce moment, la Yougoslavie, déstabilisée, ne se pose sérieusement qu’une seule question : comment sortir du socialisme ? précise STEVANOVIC. Le socialisme yougoslave se distingue de celui de ses frères de l’Est : plus libéral (…) les frontières sont ouvertes, le tourisme se développe, une partie de l’économie relève du secteur privé, l’autogestion signifie – du moins si l’on en croit ses théoriciens – que les entreprises appartiennent aux employés. Les ligues de communistes autorisent une sorte de glasnost discrète, les intelligentsias rouspètent et s’agitent. Tito est suffisamment présent pour maintenir tant bien que mal le système des crédits  et  l’oisiveté. Le processus de libéralisation du plus grand et plus riche Etat balkanique se déroulera  peut-être  plus facilement et plus rapidement qu’ailleurs. Il suffirait d’agir de façon raisonnable ».

Mais la fraction socialiste de la Ligue des Communistes – le parti yougoslave – choisi Milosevic et celui-ci organise sa « contre-glasnost » :   « Les événements se  seraient déroulés ainsi si « l’homme fort de Belgrade » n’avait pas été là, précise STEVANOVIC.  Milosevic, lui, soulève  une  tout autre question : comment préserver le maximum de « même » ? Comment sortir du socialisme en retournant au communisme ? » !

Vidosav STEVANOVIC explique aussi clairement le processus (pour le défendre) en œuvre au milieu des Années 80 en Yougoslavie : « Le pouvoir fédéral et son président libéral, Ante Markovic, tentent alors de réformer l’économie. La réforme de Markovic reposait sur quatre postulats : a) la mise sur pied d’institutions commerciales ; b) l’ouverture du pays au monde ; c) l’instauration d’un Etat de droit s’accompagnant d’un élargissement des droits de l’homme ; d) la démocratisation de la vie politique et l’introduction d’un système pluripartite… » « Il convient de préciser que ces postulats n’ont pas toujours été entièrement explicites ; dans le cas contraire, la résistance aurait vraisemblablement été plus forte, ajoute STEVANOVIC. La propriété publique- encore une des originalités de la Yougoslavie – devait être privatisée selon un processus appliqué plus tard avec succès en Pologne, en Hongrie et en Tchéquie. Les privatisations devaient se dérouler sur cinq ans. » Un processus que l’économiste Mladan DINKIC appelle « L’Economie de la destruction- Le grand pillage de la nation » (3).

Le processus de transition s’accompagne, comme partout ensuite, d’un volet politique :

« Ce libéralisme économique s’accompagne d’une libéralisation politique. Le gouvernement fédéral ouvre ses portes au système pluripartite et autorise les républiques à l’instaurer selon leurs besoins et à leur manière. Il se montre cohérent avec lui-même, mais ouvre ainsi la boîte de Pandore de la folie balkanique. Les  fantômes du passé – contenus un demi-siècle durant par une idéologie oppressive – refont surface, plus vigoureux et déments que jamais ». Dans le contexte balkanique, comme plus tard dans le Caucase, cela s’avérera criminel. Ce crime n’est pas celui de Milosevic. C’est celui de l’Occident, des USA, de l’OTAN, des politiciens de l’UE ! De ceux qui ont la boîte de Pandore yougoslave. Le même sort funeste attendra Kadhafi en 2003-2011 (4).

Sur le processus de transition, au Belarus, en Yougoslavie et en Libye notamment, j’ai donné une longue analyse intitulée “Le Modèle du Belarus comme alternative à la Globalisation”, à Minsk, le 5 mai 2011, à l’occasion de la Conférence internationale “THE PROSPECTS OF THE EASTERN PARTNERSHIP”. Elle a été filmée pour PCN-TV et est disponible sur un de ses médias sociaux (5).

NOTES :

(1) Une précision. Les politologues sérieux, pas les flics de la pensée politique des Universités franco-belges (qui sont souvent des flics tout court, correspondant des polices politiques), classent dans une même catégorie, qu’ils nomment le « National-communisme », des mouvements politiques comme le KPRF russe, le régime de LUKASHENKO au Belarus ou encore le SPS de MILOSEVIC ou la JUL, la « Gauche Unie Yougoslave » de Mirjana MARKOVIC. ET bien entendu notre PCN, qui idéologiquement et politiquement, les a tous précédé de presque une décennie. Lorsque nous étions représentés au Parlement Wallon, en Belgique, dans les Années 1996-98, la questure nous avait étiquetés «national-communistes».

(2) Vidosav STEVANOVIC, MILOSEVIC, UNE EPITAPHE, Fayard, Paris, 2000.

(3) Mladan DINKIC, EKONOMIJA DESTRUKCIJE -VELIKA PLIKA PLJACKA NARODA [L’Economie de la destruction- Le grand pillage de la nation], VIN, Belgrade, 1995.

(4) C’est effectivement le même processus qui a détruit la Jamahiriya libyenne de Kadhafi. Détruite sur un scénario qui rappelle étroitement la Yougoslavie et ce n’est pas un hasard. La Libye aussi, depuis 2003, avait une aile libérale, opposée à celle des socialistes patriotes. Celle rassemblée derrière Saïf Al Islam, qui a amené libéraux et islamistes (comme le président du pseudo CNT Abdel Jalil) au pouvoir. Il faut lire les pages révélatrices de Bernard-Henry Levy sur Saïf dans son livre d’auto-propagande personnelle « LA GUERRE SANS L’AIMER », où il pose la question qui choque : « comment celui qui était des nôtres (l’expression est de lui) a-t-il pu rejoindre son père ? »… Là le régime a aussi été déstabilisé et attaqué de l’intérieur. Avant que les bombes, les armées et les mercenaires de l’OTAN et des USA ne viennent finir le travail. J’ai vécu de l’intérieur cette prise de la Libye, aux côtés de nos camarades socialistes du MCR. J’ai vu comment les illusions de Tripoli sur la coexistence pacifique et l’économie globalisée ont permis aux libéraux libyens de se constituer en Cheval de Troie et de préparer l’assaut extérieur.

(5) Pour une analyse approfondie sur le « processus de transition », au Belarus, en Yougoslavie et en Libye notamment :

Cfr. International conference “The prospects of the Eastern partnership” – Minsk 5.05.2011 :

Conférence de Luc MICHEL (PART.1 – 2 – 3) reprise sur PCN-NCP-TV,

sur “Le Modèle du Belarus comme alternative à la Globalisation”

http://www.dailymotion.com/video/xjjkaz_the-prospects-of-the-eastern-partnership-conference-de-luc-michel-part-1_news

http://www.dailymotion.com/video/xjjlfo_the-prospects-of-the-eastern-partnership-conference-de-luc-michel-part-2_news

http://www.dailymotion.com/video/xjjmbi_the-prospects-of-the-eastern-partnership-conference-de-luc-michel-part-3-conclusion_news

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