Luc MICHEL pour
Le Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
de LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ)/
2023 10 21/ Série V/

Pendant le conflit israélo-palestinien, les affaires continuent en Chine. Pékin accueille mardi 17 octobre les représentants de 130 pays pour célébrer l’anniversaire du mégaprojet commercial de Xi Jinping, les Nouvelles routes de la soie, lancées en 2013.
À Pékin, Xi Jinping et Vladimir Poutine serrent les rangs face à l’Occident

Les deux leaders ont affiché la solidité de leur partenariat, proposé comme une alternative aux pays du Nord et aux USA.

« À l’arrivée de Vladimir Poutine, Jean-Pierre Raffarin a quitté discrètement la salle de l’immense Grand Hall du Peuple, à l’unisson d’une poignée de représentants européens, perdus dans l’assistance venue essentiellement des pays en développement. Le président russe était l’invité vedette du Forum sur les «nouvelles routes de la soie», célébrant les dix ans du projet phare du président chinois, Xi Jinping, ce 18 octobre à Pékin, en pleine polarisation du monde entre démocraties « illibérales » et démocraties occidentales, exacerbée par les crises géopolitiques de Gaza à Kiev.

L’ancien premier ministre français qui cultive ses entrées auprès du régime communiste est l’envoyé spécial d’Emmanuel Macron et s’est plié à une consigne européenne, à l’inverse du premier ministre hongrois, Viktor Orban. L’essentiel des représentants de 130 pays présents sont restés, quant à eux, écoutant sagement le discours du maître du Kremlin.

OU EN SONT LES « NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE » ?

Alors que des représentants de 130 pays se retrouvent à Pékin pour un forum célébrant les 10 ans de cette initiative ambitieuse, voici les principaux points à en retenir.

Les Nouvelles routes de la soie visent à améliorer les liaisons commerciales entre l’Asie, l’Europe, l’Afrique et même au-delà par la construction de ports, voies ferrées, aéroports ou parcs industriels.

Ces infrastructures doivent permettre à ces pays de poursuivre leur développement et à la Chine d’accéder à davantage de marchés ainsi que d’ouvrir de nouveaux débouchés à ses entreprises.

Le projet a déjà généré quelque 1.900 milliards d’euros de contrats dans le monde, selon le gouvernement chinois.

Parmi ses chantiers les plus emblématiques: la création d’un réseau de train à grande vitesse en Asie du Sud-Est et des investissements conséquents en transport, énergie et infrastructures en Asie Centrale.

INFLUENCE CHINOISE

Les Nouvelles routes de la soie ont clairement une visée géopolitique, en présentant la Chine comme un allié des pays du Sud, tout en permettant aux groupes d’infrastructure chinois de se positionner dans de nombreuses économies émergentes.

De quoi inquiéter les pays occidentaux, qui y voient une grande opération d’influence de Pékin, tandis que, chez les partenaires du projet, des voix s’élèvent contre la volonté chinoise d’interférer dans la politique locale.

Rivaux de la Chine, les Etats-Unis affirment, sans preuve toutefois, qu’elle pourrait utiliser ce projet comme un outil pour installer des bases militaires à travers le monde, sous le prétexte de vouloir protéger ses investissements.

BENEFICES ECONOMIQUES

Pékin assure que son projet apporte « un développement de haute qualité » aux pays partenaires avec des infrastructures durables, par opposition aux projets occidentaux qui, selon lui, ne sont que sur le court terme.

Le rapport d’experts de l’université de Boston a reconnu que les Nouvelles routes de la soie avaient permis de fournir « des ressources supplémentaires aux pays du Sud » et de contribuer à « une croissance économique significative ».

« Le financement chinois du développement à l’étranger est beaucoup plus axé sur les prêts à l’industrie et aux infrastructures », ont-ils noté, et « il est donc davantage associé à la croissance économique, au traitement des goulets d’étranglement en matière d’infrastructures et à l’amélioration de l’accès à l’énergie ».

La Banque Mondiale a, elle aussi, souligné que ces projets chinois « améliorent de façon substantielle le commerce, l’investissement étranger et les conditions de vie des habitants des pays participants ».

Dans le domaine du transport, les chantiers des Nouvelles routes de la soie, quand ils seront terminés, pourraient entraîner un supplément de croissance mondiale entre 0,7 et 2,9%, selon la Banque Mondiale.

UN MEGAPROJET CHINOIS RELIANT L’ASIE ET L’AMERIQUE DU SUD RISQUE POUR AFFAIBLIR L’INCONTOURNABLE CANAL DE PANAMA

Il y a dix ans étaient donc inaugurées les Nouvelles routes de la soie par Xi Jinping. En référence à l’ancienne route commerciale de la soie, il s’agissait de créer un vaste projet d’infrastructures pour relier l’Asie à l’Afrique et à l’Europe, par des voies terrestres et maritimes, pour faciliter les échanges commerciaux.

LA CHINE TOURNEE VERS L’AMERIQUE DU SUD ET SES DEUX OCEANS

Le gouvernement chinois marque clairement une pause au profit de région plus dynamique économiquement, comme l’Asie centrale et, de façon plus ambitieuse, l’Amérique latine.

Elle vise plus précisément le Pérou, avec le mégaprojet du port en eaux profondes de Chancay, une connection maritime directe entre la Chine et l’Amérique du Sud. Pour l’ancien ministre péruvien du Commerce extérieur, c’est un lieu stratégique pour connecter le Pacifique à l’Atlantique : « Le Pérou est situé au centre de la côte pacifique sud-américaine. Sa position géostratégique peut en faire une plateforme logistique, permettant de relier les deux océans à travers les projets de routes transcontinentales avec le Brésil, ce qui faciliterait également les exportations brésiliennes vers le Pacifique. »

LES PLATES-BANDES DES ETATS-UNIS CIBLEES

Rien qu’au Pérou, la Chine a donc investi trois milliards d’euros dans le projet portuaire de Chancay. Les premiers cargos viendront s’y amarrer dès l’an prochain. C’est l’occasion pour Pékin de canaliser durablement les richesses agricoles et minières de la région.
l’ouest du pays

Voilà comment Pékin met les deux pieds dans le jardin des États-Unis.

C’est un coup porté à l’influence américaine dans cette région du monde. Le port péruvien et le financement des deux saignées, à travers les Andes et l’Amazonie, vont sans doute affaiblir à terme l’incontournable canal de Panama.

La main-mise de Pékin sur le continent sud-américain porte également une attaque directe à la doctrine Monroe, cette politique américaine interdisant à toute autre grande puissance d’intervenir dans les affaires des deux continents américains.

LA CHINE VISE AUSSI L’EUROPE !

La Serbie achète des TGV chinois, en pleine négociation pour son adhésion à l’UE. La transaction intervient après que la Chine et la Serbie ont ratifié mardi un accord de libre-échange… qui prendra fin si le pays rejoint l’Union Européenne.

Alors que la Serbie négocie son adhésion à l’Union Européenne, le pays annonce avoir acheté cinq trains à grande vitesse à la Chine. « Nous négocions ce contrat depuis longtemps avec nos amis chinois », précise un communiqué gouvernemental en ligne mercredi. « Pour 54 millions d’euros, nous avons reçu cinq trains, ce qui signifie que nous aurons désormais des trains rapides, des trains chinois qui circuleront sur la ligne Belgrade-Budapest », lorsque celle-ci sera finie, complète-t-il.

En attendant, certains de ces trains seront mis en service début 2025 entre Belgrade et Subotica (nord). « Quand nos amis Hongrois auront terminé notre partie du chemin de fer, nous irons à Budapest », a déclaré le ministre serbe de la Construction, des Transports et des Infrastructures, actuellement en visite à Pékin pour le forum des « Nouvelles routes de la soie » (appelé officiellement « La ceinture et la route »).

LA CHINE, DEUXIEME PARTENAIRE COMMERCIAL DE LA SERBIE APRES L’UE

En plus de ces trains, la Serbie et la Chine ont aussi signé deux contrats commerciaux portant sur la construction de 300 kilomètres d’autoroutes, pour un montant de « près de quatre milliards d’euros ». La Chine a investi ces dernières années des milliards d’euros en Serbie et dans les pays voisins dans les Balkans, dans des projets d’infrastructures et d’énergie, dans l’objectif d’étendre son emprise économique dans cette partie de l’Europe.

Ces transactions se sont concrétisées par la signature d’un accord de libre-échange entre les deux pays, mardi, à Pékin. « C’est une grande chose réalisée pour la Serbie et j’en suis très fier », a déclaré à la presse le président serbe Aleksandar Vucic. Signé également lors du forum des « Nouvelles routes de la soie », l’accord concernera des milliers de produits, ont précisé les médias serbes.

Un accord qui prendra toutefois fin si la Serbie rejoint l’UE, même si aucune échéance n’a été fixée pour le moment. Lundi s’est tenu le neuvième sommet du processus de Berlin qui œuvre pour rapprocher les Balkans de l’UE, sur fonds de tensions entre la Serbie et le Kosovo. Le président serbe, actuellement à Pékin, n’était donc pas présent à l’événement.

L’Union européenne dans son ensemble reste le premier partenaire commercial de la Serbie (38,9 milliards d’euros en 2022), avec en tête l’Allemagne (8,19 milliards d’euros), selon l’Institut serbe des statistiques. Mais la Chine est en deuxième position, avec 5,8 milliards d’euros d’échanges l’année dernière et une balance commerciale très défavorable pour la Serbie.

MARCHE EUROPEEN VS « NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE « 

Selon Aleksandar Vučić, l’accord va offrir de nouvelles perspectives de relations entre les deux pays, qui vont « enregistrer des progrès sur tous les plans ». La Serbie négocie son entrée au sein de l’Union européenne depuis 2014. Si l’Etat des Balkans accède à l’UE, il devra renoncer aux accords de libre-échange conclus avec d’autres pays.

Mais Belgrade ne se montre guère enthousiaste à l’idée de mettre en œuvre les réformes demandées par l’Europe, ce qui fait traîner les négociations autour d’une adhésion. Sous la présidence de Aleksandar Vučić, la Serbie a étendu ses relations avec la Chine et la Russie.

Luc MICHEL (Люк МИШЕЛЬ)

* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
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