LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/

Luc MICHEL pour EODE/

Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/

2017 12 26/

L’intégration eurasiatique repose aujourd’hui sur un Axe Moscou-Pékin. Qui est en train de s’élargir, comme je l’annonce depuis 2013, vers un Axe Moscou-Pékin-Téhéran. La Mer Caspienne est le pivot géostratégique de cette extension. La mer Caspienne est la plus grande étendue d’eau fermée dans le Monde. Ses côtes s’étendent sur quelque 7.000 km, et des pays comme l’Iran, la Russie, le Kazakhstan, le Turkménistan et la République d’Azerbaïdjan bordent son littoral …

I-

L’INTEGRATION DES ETATS RIVERAINS :

LA CAPIENNE MER EURASIATIQUE

« Régime juridique de la Caspienne : le texte de la convention est prêt », annonçait le MAF russe ce 5 décembre. « Un accord sur le régime juridique de la mer Caspienne sera signé en 2018 », selon le ministre russe des Affaires étrangères. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé, le mardi 5 décembre, avoir trouvé un accord avec ses homologues des États de la mer Caspienne sur le régime juridique de cette mer.

La rédaction d’un nouveau régime juridique de la Caspienne est l’une des questions essentielles des discussions des cinq pays littoraux après l’effondrement de l’ex-Union soviétique en 1991.

VERS UN REGIME JURIDIQUE DE LA CASPIENNE

Sergueï Lavrov a tenu ces propos à l’issue de la Conférence des ministres des Affaires étrangères des États de la mer Caspienne, dont la septième édition a oreganisé ses travaux ce 5 décembre à Moscou. Cette conférence réunissait les ministres des Affaires étrangères de l’Iran, de la Russie, de l’Azerbaïdjan, du Turkménistan et du Kazakhstan.

Les participants à cette conférence se sont penché sur le contenu d’une convention portant sur le régime juridique de la mer Caspienne, qui sera ensuite adoptée lors du Sommet des États de la mer Caspienne, prévu en 2018 au Kazakhstan. « Nous partageons les mêmes points de vue au sujet des thèmes clés de la convention. Le processus de l’adoption de cette convention est en cours depuis une vingtaine d’années », a expliqué Sergueï Lavrov. Il a précisé que le texte de la convention était prêt à être ratifié par les présidents russe, azerbaïdjanais, iranien, kazakh et turkmène.

Cette réunion faisait suite à la Réunion des ministres des AE des pays riverains de la mer Caspienne au Kazakhstan début juillet 2016 (Réunion de deux jours des ministres des Affaires étrangères des cinq pays riverains de la mer Caspienne). Cette réunion, dont la priorité était de s’occuper du régime juridique de la mer Caspienne, mettait l’accent sur l’axe important des coopérations politiques entre les pays littoraux de la Caspienne.

« Les coopérations à cinq dans divers domaines économique, sécuritaire, environnemental, de transports ainsi que les questions régionales et internationales figurent à l’agenda de la réunion d’Astana », avait alors indiqué Maria Zakharova, porte-parole de la diplomatie russe. Selon elle, les participants devaient se pencher « sur les décisions prises lors de la réunion ministérielle de septembre 2014 à Astrakhan et le programme du prochain sommet de la mer Caspienne au Kazakhstan ».

LE ROLE STRATEGIQUE DE LA CASPIENNE POUR LA RUSSIE :

LA PROJECTION VERS L’ASIE CENTRALE ET LE PROCHE-ORIENT

Quatre navires russes porteurs de missiles avaient lancé 26 missiles de croisière à partir de la mer Caspienne sur 11 cibles de Daech en Syrie, le 8 octobre 2015.

En Août dernier, le commandant de la marine russe basé en mer Caspienne a annoncé que « la flotte du pays était en alerte et qu’elle avait mobilisé quelque 1 500 militaires, 20 navires et sous-marins pour faire face à tout incident inattendu ».

Dans le même sens des unités spéciales ont rejoint depuis la région d’Astrakhan au Daghestan, la flotte maritime russe qui a mouillé en mer Caspienne. Selon le commandant de la marine russe, toutes les forces devraient être en état d’alerte maximum pour s’affronter à toute condition d’urgence qui pourrait se produire à tout moment. Il est à noter qu’en vertu d’un ordre émis par le commandement militaire central russe diverses unités de l’armée sont en état d’alerte pour une longue durée afin de maintenir et sauvegarder la sécurité sur l’ensemble du territoire russe.

Le ministère russe de la Défense avait déjà en août 2016 organisé une manœuvre balistique en mer Caspienne. Selon l’agence ITAR-TASS, ces exercices balistiques ont eu lieu du 15 au 20 août 2016 au sud-ouest de la mer Caspienne. Les frégates « Tatarstan » et « Daguestan » et les corvettes « Grad Sviyask » et « Veliki Oustioug » ont participé à cette manœuvre. Le ministère russe de la Défense avait alors annoncé, dans un communiqué, que « le but de ces exercices balistiques est d’augmenter la capacité de la flottille de la Caspienne à riposter aux menaces contre la sécurité nationale russe et aux menaces terroristes ».

En pleine manœuvre militaire dans la mer Caspienne, les bâtiments de guerre russes avaient tiré plusieurs missiles de croisière Kalibr-NK. Selon le ministère russe de la Défense, « ces missiles sont tous conçus par l’industrie de défense nationale et ont atteint leurs cibles maritimes et terrestres ». Dans son communiqué, le ministère confirmait que « le tir depuis un navire de guerre russe des missiles Kalibr a été couronné de succès puisque toutes les cibles préfixées sur les côtes ont été atteintes ». L’engin avait frappé un centre de commandement virtuel de l’ennemi à une vitesse de 100 nœuds marins (180 kilomètres par heure). La seconde phase des exercices militaires Caucase 2016 s’était soldée par le tir d’un autre missile de croisière qui avait atteint sa cible, située à 120 kilomètres de distance.

LA LUTTE CONTRE « DAECH » SUR LES COTES DE LA CASPIENNE

La lutte contre « Daech » sur les côtes de la Caspienne est une des priorités de la Russie.

Une cellule de Daech a ainsi été au Daghestan en octobre 2016. Selon un responsable sécuritaire russe, une cellule appartenant aux terroristes de Daech avait alors été démantelée en République du Daghestan sur les côtes nord-ouest de la mer Caspienne.

« La cellule terroriste en question opérait à Kaspiisk, en coordination avec les terroristes en Syrie. Elle avait pour mission de commettre des attentats au Daghestan », avait-on appris dans un communiqué de la chaîne 2 de la TV russe. « La cellule terroriste composée de 10 membres a été démantelée par les agents de l’Organisation de la sécurité fédérale. Quatre des dix terroristes ont été tués », poursuivait le texte. Selon un responsable russe, il s’agissait d’une « cellule dormante » qui avait arrêté son action depuis plusieurs semaines après avoir revendiqué plusieurs attaques terroristes au Caucase du Nord.  Selon le communiqué, l’un des terroristes, le dénommé Mohammad Nabi Aroujev, avait planifié l’attaque qui avait visé un poste de police au mois de février 2016, attaque qui avait causé deux morts parmi les policiers.

II-

L’IRAN ET LA RUSSIE RENFORCENT LEUR COOPERATION MARITIME EN MER CASPIENNE

La Flotte navale iranienne composée d’un destroyer et d’un navire lance-missiles s’est amarrée, le 9 mars 2017 à Mahachkala, en Russie. Il s’agissait de la troisième visite de la marine iranienne en Russie depuis 2013. S’exprimant, le mardi 21 mars, en marge de la visite à la ville portuaire de Makhachkala, le commandant de la Flotte de la marine iranienne Mohsen Sheidaï a dit aux journalistes russes que « l’Iran cherchait un bon soutien constructif de la Russie en mer Caspienne ». « Ici, à Makhachkala, nous cherchons à avoir une bonne interaction constructive avec la Russie tout en se concentrant sur le maintien de la paix. Nous sommes fiers d’avoir réussi à transformer les menaces en opportunités tout au long de la période des sanctions », avait-il ajouté.

Après la signature de l’accord nucléaire entre l’Iran et les 5+1 en 2015, Téhéran et Moscou ont renforcé leur coopération militaire. Scellée par le combat commun aux côtés de Damas en Syrie.

LA LIVRAISON DES MISSILES RUSSES S-300 A TEHERAN

Début mars 2017, l’Iran a testé avec succès ses missiles S-300 achetés à la Russie. Lors de ce test, les militaires iraniens ont mené une simulation de guerre électronique afin de tester la capacité à atteindre ses objectifs dans des conditions difficiles. L’Iran et la Russie ont conclu un accord sur les missiles S-300 en 2007. Toutefois, en raison des sanctions imposées, début 2010, à l’Iran, leur livraison a été suspendue. C’est en 2015 que les deux pays ont repris leurs discussions sur cette affaire.

Le dernier développement iranien en matière de missile a fait monter la tension entre l’Iran et les États-Unis début mars. Un vaisseau d’espionnage des forces navales des États-Unis a changé de cap dans le détroit d’Hormuz face aux vedettes iraniennes du corps des Gardiens de la Révolution islamique qui lui ont barré la route. Washington a condamné ce geste de l’Iran le qualifiant d’acte non professionnel et dangereux. De son côté, Téhéran a mis en garde les États-Unis contre les conséquences de leur action.

EXERCICE NAVAL COMMUN RUSSO-IRANIEN DANS LA MER CASPIENNE

Samedi 15 juillet 2017, un groupe naval russe a effectué un exercice commun avec des navires iraniens dans la mer Caspienne. Dans le cadre des programmes destinés à renforcer la coopération militaire entre les deux pays, le Makhatchkala, une corvette de la flottille russe de la Caspienne commandée par le capitaine Dmitriyev a jeté l’ancre, le 12 juillet, devant la ville portuaire d’Anzali (nord de l’Iran).

Le capitaine Dmitriyev a eu, à cette occasion, une rencontre avec le commandant de la base navale de la province de Gilan, le capitaine de vaisseau Ahmad Reza Baqeri. Il s’agissait de la 5e visite d’un navire de la flottille russe de la Caspienne à un port iranien de la mer Caspienne depuis dix ans.

L’Iran envoie aussi des groupes navals aux ports russes de la Caspienne pour des missions similaires. En octobre 2016, un groupe naval russe a visité le port d’Anzali alors que navires militaires iraniens rendaient visite à Astrakhan au nord de la mer Caspienne. Les visites transmettent des messages de paix et contribuent à l’amélioration les relations bilatérales.

Les marines des cinq pays limitrophes de la mer Caspienne coopèrent dans le sens du respect mutuel et les principes de bon voisinage.

III-

L’INTEGRATION EURASIATIQUE DE L’IRAN EN MARCHE

En Caspienne, l’Iran est favorable au transfert de l’énergie via son territoire.

A l’occasion de la 47e réunion du groupe de travail spécial pour l’élaboration de la Convention du statut juridique de la mer Caspienne, le ministre iranien des Affaires étrangères a déclaré que son pays était « disposé à faciliter le transfert d’énergie via le territoire iranien, la mer d’Oman et le golfe Persique pour les pays riverains de la mer Caspienne ».

La 47e réunion du groupe de travail spécial pour l’élaboration de la Convention du statut juridique de la mer Caspienne s’est tenue le 23 octobre dernier à Téhéran, avec le discours du chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif. En allusion aux progrès enregistrés dans le domaine de la rédaction du régime juridique de la mer Caspienne, il a émis « l’espoir que grâce à la volonté et la bonne foi des dirigeants des pays limitrophes de ce bassin, les travaux de préparation de cette convention s’accéléreraient et seraient bientôt finalisés ».

Selon le diplomate iranien, « la paix, la stabilité, le développement durable et la démarcation équitable des zones maritimes sont des éléments fondamentaux devant être pris en considération dans la rédaction du régime juridique de la mer Caspienne ». « Indubitablement, cet objectif sera réalisé grâce à la confiance mutuelle, au consensus, à la prise en considération des intérêts collectifs, l’entente réciproque, à la convergence et au sens de la responsabilité envers les générations futures », a-t-il précisé.

Dans une autre partie de ses propos, M. Zarif a tenu à évoquer l’importance de la protection de l’environnement et des ressources biologiques aquatiques. Il a souhaité que les délégations chargées des négociations ainsi que les responsables des pays riverains puissent suivre cette affaire attentivement et trouver des solutions favorables et efficaces.

L’AVENIR PASSE PAR LE « CANAL NORD-SUD » INTEGRE AU PROJET GEOECONOMIQUE DU « COULOIR NORD-SUD » :

BIENTOT UNE VOIE NAVIGABLE ALLANT DE LA MER CASPIENNE AU GOLFE PERSIQUE

L’Iran veut son canal de Suez reliant la mer Caspienne au golfe Persique. L’ambitieux projet de Canal de Suez à l’iranienne se concrétise peu à peu ! Selon l’agence de presse iranienne Tasnim, l’ambassadeur d’Iran en Russie, Mehdi Sanaï, a déclaré lors d’une rencontre avec des étudiants à Saint-Pétersbourg : « Téhéran et Moscou sont en train d’échanger pour mettre en place une voie navigable entre la mer Caspienne et le golfe Persique. Tout canal qui liera ces deux Mers devra passer par le sol iranien. »

Le ministre russe des AE, Serguei Lavrov a lui déclaré à l’occasion du sommet tripartite d’Astana (Russie-Iran-Adzerrbaïdjan) : « Jeudi, l’Iran, la Russie et la République d’Azerbaïdjan ont convenu d’accélérer leurs échanges sur la création d’un corridor de transit nord-sud. Une partie de ce corridor partira des côtes occidentales de la mer Caspienne, depuis la Russie, et ira jusqu’en Iran via la République d’Azerbaïdjan.»

Le « couloir Nord-Sud » après son instauration finale permettra de réduire en bonne partie le temps de transit des marchandises depuis l’Inde jusqu’en Asie mineure et en Russie. Actuellement, la livraison des marchandises depuis Bombay jusqu’à Moscou prend 40 jours. Le nouveau trajet réduira cette durée à 14 jours seulement. Le corridor en question permettra aussi de contourner le canal de Suez, qui est exposé à un important trafic fluvial et qui coûte cher à ses utilisateurs.

Le « canal nord-sud » est l’une des initiatives les plus ambitieuses que Téhéran est en train de lancer. Le projet est particulièrement intéressant pour la Russie, mais les pays européens et post-soviétiques en bénéficieraient également. L’initiative ne date pourtant pas d’aujourd’hui. L’idée était apparue à la fin du XIXe siècle et des ingénieurs avaient conçu des plans pour un canal navigable qui offrirait à l’Iran, à la Russie ainsi qu’à d’autres pays, le plus court chemin vers l’océan Indien, contournant ainsi les détroits turcs et le canal de Suez en Egypte.

En février 2015, le président de la Commission des affaires étrangères et de la sécurité nationale du Parlement iranien, a relancé le sujet en disant que le projet pourrait être achevé au cours des années 2020. Tout le monde n’avait pas alors accueilli l’idée avec enthousiasme, l’Occident et la Turquie ayant directement ou indirectement tenté de bloquer ce projet de voie navigable et les  Etats-Unis ayant imposé des sanctions contre des sociétés impliquées dans le projet.

ALLER PLUS LOIN :

Luc Michel parle des suites géopolitiques de la visite de Poutine en Iran, mais aussi de Pékin qui courtise Téhéran. Le tout est dans le cadre des grands projets de Xi Jinping, « NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE » (Silk Road) et « One belt one road » (OBOR). Des projets où Téhéran occupe une place centrale Et qui concerne aussi l’Afrique, en particulier Malabo et Djibouti …

* Voir sur PCN-TV/ GEOPOLITIQUE/

LUC MICHEL ET FABRICE BEAUR: VERS L’AXE EURASIATIQUE MOSCOU-PEKIN-TEHERAN

Sur https://vimeo.com/241417074

Au cœur du concept des « nouvelles routes de la Soie », lancé par Pékin, l’unité économique de l’Eurasie, mais aussi un pont unificateur entre l’Afrique et l’Eurasie vers « l’Axe Eurasie-Afrique » … Et aux origines idéologiques et géopolitiques des concepts d’ « Eurasisme », de « Néoeurasisme », des « nouvelles routes de la soie » et de l’ « Axe Eurasie-Afrique » …

* Voir sur PCN-TV/

LUC MICHEL & FABRICE BEAUR: NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE. VERS L’INTEGRATION GEOECONOMIQUE DE L’AXE EURASIE-AFRIQUE

Sur https://vimeo.com/218758549

Ces Corridors géoéconomiques « Nord-Sud » (Russie – Iran – Azerbaïdjan – Inde) et « Helsinki-Bombay » qui bouleversent le Grand Jeu géopolitique au Proche-Orient …

* Voir sur EODE-TV/

LUC MICHEL: UNIFICATION ECONOMIQUE DE L’EURASIE

Sur https://vimeo.com/234324546

Photos :

Les ministres des Affaires étrangères des États de la mer Caspienne lors d’une conférence à Moscou, le 5 décembre 2017.

Réunion du groupe de travail spécial des pays du bassin de la Caspienne, en novembre 2015, à Astana.

La flottille russe de la Caspienne avait lancé 26 missiles de croisière à partir de la mer Caspienne sur 11 cibles de Daech en Syrie, le 8 octobre 2015.

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