LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/

Luc MICHEL pour EODE/

Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/

2018 05 01/

« Je crois au bloc occidental. Je pense qu’aujourd’hui, en termes de sécurité et d’économie, nous en avons encore plus besoin (…) Nous avons donc besoin d’un bloc occidental cohérent et convergent « 

– Emmanuel Macron (‘Monocle, mars 2017).

« Gouverner, c’est faire croire »

– Nicolas Machiavel.

« La France et les Etats-Unis sont les dépositaires d’une histoire commune de la liberté: de Lafayette à la Seconde Guerre mondiale et même au plan Marshall. Des deux côtés nous avons beaucoup de dettes « 

– Emmanuel Macron (‘Monocle, mùars 2017).

« Lorsqu’il étudiait la philosophie à Nanterre, le président s’était plongé dans l’œuvre du penseur Machiavel, la référence en terme de philosophie politique (…) Il s’agit comme l’écrivait un autre célèbre stratège, le Chinois Sun Tzu, de maîtriser l’art de la surprise. Dans la gigantesque partie d’échecs qu’il est en train de mettre en place, Emmanuel Macron cherche toujours à avoir un coup d’avance (…) Il est au passage utile de rappeler que Machiavel a souvent été déçu par ses disciples »

– Soazig Quémener (Europe1, 19 mai 2017).

Certains ont comparé Macron à Machiavel. Non pas le Machiavel machiavélien et libérateur, salué par Gramsci et Thiriart (1). Mais le Machiavel machiavélique à la réputation sulfureuse (2). Macron est le maître du double discours. Ainsi il prend parfois des accents gaulliens (pure rhétorique), parle de la « souveraineté de l’Europe », égratigne un peu Trump. Mais dans la pratique, Macron est un agent d’influence américain.

LA FRANCE DE MACRON ALIGNEE GEOPOLITIQUEMENT SUR WASHINGTON

En Inde face à la Chine, en Australie toujours face à Pékin, quand il dénonce les « nouvelles routes de la Soie », en Afrique où la France est devenue le « nouveau shérif » (dixit le général Mattis, chef du Pentagone), en Syrie ou face à Moscou, quand il propose de renégocier avec Téhéran, la France de Macron est le premier vassal et le meilleur allié politico-militaire des USA. Sans oublier que l’élection de Macron est le choix d’un scénario politique : celui de la « French American Foundation » (3), dont Macron est un « young leader » de la promotion 2012. Son premier ministre Philippe étant un « young leader » de la promotion 2016 !

QUE PENSE DONC MACRON EN POLITIQUE INTERNATIONALE ?

Que pense donc Macron en politique internationale, la seule qui compte, celle qui détermine le destin et le futur des peuples ? Il y a le discours dit « jupitérien » (sic), à usage des français toujours empli de la nostalgie de la défunte grandeur française. Celle qui s’est éteinte entre Waterloo (1815) et le départ de de Gaulle en 1969.

Dans un « grand entretien » au ‘Point’ (2017) (4), Macron prétendait expliquer « en détail sa vision de la France ». On retiendra particulièrement de ce discours le « International : rompre avec le néoconservatisme », qui débouchera sur la participation de Paris aux frappes du 14 avril sur la Syrie, dont le neocon Bolton (5), issu du régime Bush II, a été l’architecte. Et sur la grande interview (une de plus pour celui qui avait promis que « sa parole serait rare » – sic) donnée la veille de son voyage aux USA à la Télévision des neocons, ‘Fox News’, la préférée de Trump !

DANS LA REVUE ANGLO-SAXONNE ‘MONOCLE’ (MARS 2017) : LE VRAI MACRON …

Mais le vrai Macron est à trouver dans une autre interview, donnée en anglais celle-là, à l’influente revue anglo-saxonne (New-York, Londres, Hong-Kong) ‘Monoche’, en mars 2017 (6), alors que celui-ci n’était encore que candidat. Et voir, l’importance et l’importance donnée à l’entretien, le choix de l’élite anglo-saxonne: « Emmanuel Macron est un politicien en mission. Nous parlons à l’homme qui pourrait être le prochain président de la France ». Macron, et c’est révélateur du monde idéologique qui est interviewé par Christine Ockrent, épouse de Bernard Kouchner, figure de proue de ces « néocons à passeport français » (7).

Le discours, et le moment où il est donné, à destination du public anglo-saxon, permet de penser que c’est ce que Macron pense réellement, est celui d’un fidèle partisan du Bloc américain :

« Je crois au bloc occidental. Je pense qu’aujourd’hui, en termes de sécurité et d’économie, nous en avons encore plus besoin. Nous avons une instabilité géopolitique dans notre voisinage, au Moyen-Orient et dans certaines régions d’Afrique, où il y a plus de radicalisation religieuse et de terrorisme. Sur le plan économique, une recomposition du monde a lieu: la Chine se réorganise, la Route de la Soie est en cours de reconstruction. Ensuite, il y a l’Afrique entrepreneuriale, qui va profondément bouleverser le monde dans les 20 prochaines années. Nous avons donc besoin d’un bloc occidental cohérent et convergent (…) Je ne vais pas être hostile à M. Donald Trump mais je lui dis que nous, France et Etats-Unis, sommes les dépositaires d’une histoire commune de liberté: de Lafayette à la Seconde Guerre mondiale et même le plan Marshall. Des deux côtés, nous avons beaucoup de dettes. C’est compliqué d’entrer dans une relation de cette façon. Ses commentaires sur l’Europe démontrent qu’il n’a aucun sens de l’histoire. Ignorer l’histoire n’a jamais amélioré le statut de quiconque. Face aux défis communs, l’Occident doit rester uni. L’Europe doit jouer son rôle ».

Sur le plan social, Macron se prononce contre le modèle euro-français et pour le modèle du « monde anglo-saxon » (ce pour quoi il sera élu) :

« Nous avons un système qui vise une économie de récupération, pas une économie d’innovation. En fait, nous sommes aujourd’hui le plus grand pays européen à n’avoir pas résolu le problème du chômage de masse. Nous avons besoin d’un système similaire à ceux de l’Allemagne et des pays scandinaves. En France, nous n’avons pas réussi à atteindre le type de compromis social nécessaire pour créer le modèle du monde anglophone, qui tolère bien plus d’inégalités. Nous devons également reconsidérer le système de chômage et de formation professionnelle. Il s’agit de droits et d’obligations; les gens ne devraient pas être autorisés à refuser une offre d’emploi décent si cela correspond à leurs qualifications ».

Ajoutons qu’il annonce clairement la couleur. Il sera le président des riches (soit une “démocratie“ réduite aux “gagnants de la globalisation”) :

« Je veux recréer la mobilité sociale et économique. Je dénonce les règles d’un système qui s’est refermé sur lui-même et qui aujourd’hui a créé le malheur dans nos sociétés. Il y a une crise des classes moyennes. Dans les sociétés occidentales, en raison de la mondialisation du capitalisme, les «1%» – les plus riches – ont énormément profité. Les classes moyennes des pays émergents ont aussi, mais les classes moyennes des pays occidentaux ne l’ont pas. La transformation du capitalisme mondial, que nous traversons, menace notre démocratie. Je suis tout pour dénoncer le système politique actuel mais j’essaye de le faire avec des arguments rationnels et en discutant des faits, tout en faisant des propositions dynamiques ».

NOTES ET RENVOIS :

(1) Quelques mots sur les néo-mchavéliens (l’opposé des politiciens « machiavéliques » comme Macron) :

Notre Ecole doctrinale est au confluent du Marxisme-Léninisme (et du Socialisme européen dont il est issu) et de l’ « Ecole Machiavélienne », qu’elle fusionne dans une doctrine globale.

Et les concepts, en particulier opérationnels – sociologie des révolutions, théorie de la circulation des Elites – Pareto, Michels, Burnham, Sorel, etc. – des Machiavéliens viennent harmonieusement compléter ceux issus du Marxisme-Léninisme. L’école des « Machiavéliens » désigne tout un courant sociologique qui, à la suite de Machiavel, au début du XXe siècle, s’est principalement intéressé à l’appropriation permanente et éternelle du pouvoir par une élite : Vilfredo Pareto, Gaetano Mosca, Roberto Michels, prolongés par Wright Mills, James Burnham. Mais aussi Gramsci et son « Prince Collectif ».

Ils se rattachent à la tradition machiavélienne, qui considère que les masses sont manipulées par des élites dirigeantes qui utilisent, la force (lions) ou la ruse (renards)..

La théorie néo-machiavélienne de la « circulation des élites » a été élaborée en Italie et en Allemagne à la fin du XIXe siècle essentiellement, pour dénoncer les limites et les impossibilités de la démocratie représentative. On était alors, comme on l’est de nouveau aujourd’hui, dans un contexte de « crise du parlementarisme », se traduisant par la difficulté de voir se concrétiser une réelle participation politique des citoyens aux affaires de la cité et une véritable représentation de leurs intérêts. La critique des élites s’attaque au décalage entre la théorie de la démocratie parlementaire et la pratique de la représentation politique. Le contexte politique est évidemment important.

L’Italie du XIXe siècle était l’une des plus jeunes et des plus corrompues des démocraties représentatives de l’époque. Effacés les grands projets du « Risorgimento », il ne restait que la dure réalité de tous les jours, le marasme économique. Le peuple avait le sentiment d’une confiscation de la démocratie par l’élite politique. Le suffrage universel était loin d’être une procédure d’expression de la démocratie citoyenne. La critique « néo-machiavélienne » des élites part donc du postulat que « la domination de la minorité sur la majorité est une donnée immuable, intrinsèque à l’ordre social. La démocratie, du moment qu’elle repose sur le principe de majorité, est donc une duperie, une fraude, et dans le meilleur des cas, un mirage ». Les théoriciens néo-machiavéliens affirment donc la séparation des gouvernants et des gouvernés et posent la problématique du fait oligarchique en affirmant l’existence d’une couche particulière de personnes constituant l’élite.

Les principaux représentants de ce courant de l’anti-élitisme démocratique sont Vilfredo Pareto, Gaetano Mosca, Robert Michels.

La notion centrale de la Théorie est donc le concept d’ »oligarchie ».

Les théories « néo-machiavéliennes »  mettent le doigt sur un point aveugle des processus de démocratisation, à savoir le caractère oligarchique du pouvoir politique, c’est-à-dire le fait que le pouvoir politique est exercé, partout et toujours, par une minorité. Le multipartisme ne supprime pas ce phénomène, puisque l’élection y contribue. Les théoriciens néo-machiavéliens attirent notre attention sur la mystification d’une théorie de la démocratie parlementaire comme « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». La démocratie parlementaire comme pouvoir de la majorité, de tous ou de la plus grande partie est une illusion. En réalité, la responsabilité politique est entre les mains de minorités. Les autres sont apathiques ou profanes et préfèrent laisser à celles-là les prérogatives. Les partis politiques sont des organisations dirigées par une oligarchie.

Il y a aussi des « Machiavéliens nationalitaires » :

On notera particulièrement que MAZZINI, le grand révolutionnaire européen et italien, le fondateur de la première JEUNE-EUROPE en 1831, s’insert dans la lignée des « Machiavéliens Nationalitaires ». Tout comme THIRIART en tant que théoricien de l’ « Europe unitaire ». Il y a aussi une « Ecole néo-machiavélienne américaine » (voir les analyses de Raymond ARON), amorcée avec James BURNHAM (auteur des « Machiavéliens, défenseurs de la liberté » et du manifeste géopolitique américain « The Struggle for the World » en 1943, édition française en 1946 sous le titre « Pour la domination mondiale »), et continuée par de brillantes figures comme Henry KISSINGER ou Zbigniew BREZINSKI (et son livre « Le Grand Echiquier »). A l’heure où Washington dicte l’agenda politique et militaire du monde, il est indispensable de connaître les analyses et les grilles de lecture de ses élites. En n’oubliant pas que celles-ci répondent évidemment aux intérêts des seuls USA et à leur vision du monde! Cette méthode scientifique est aussi celle de notre Ecole géopolitique (créée en 1983, dite alors « euro-soviétique » et devenue aujourd’hui l’Ecole de « l’Axe Eurasie-Afrique » ). Aux confluents de deux grands courants, l’Ecole néo-machiavélienne (notamment la science politique de Machiavel et la sociologie de Pareto, Roberto Michels, etc) et du Marxisme-Léninisme, je mène une analyse froide, sans passion superflue, sans tomber dans les pièges de l’idéologie, de la propagande ou de l’histoire partisane.

(2) L’historien Patrick Boucheron a découvert d’étonnantes similitudes entre le jeune président et l’auteur du “Prince”: même audace, même réflexion sur le pouvoir. Mais il met aussi en garde: il faut que les actes suivent . « Macron, c’est l’homme de l’effraction. Son élection démontre que l’imprévisible reste possible, qu’il peut y avoir des accélérations dans l’histoire, que nous ne sommes pas condamnés à l’inévitable répétition du même. L’ordre politique ancien qu’on présentait comme immuable, qui nous fatiguait d’avance, est tombé d’un coup, du moins dans ses formes partisanes. Cela ne tient pas lieu de politique, mais cela peut la rendre possible », analyse Patrick Boucheron (professeur au Collège de France).

(3) Cfr. sur LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY/

FRANCE 2008-2018 (II) : COMMENT LE ‘SOFT POWER’ AMERICAIN S’EST EMPARE DE LA FRANCE AVEC LA ‘FRENCH-AMERICAN FOUNDATION’

sur http://www.lucmichel.net/2018/04/23/luc-michels-geopolitical-daily-france-2008-2018-ii-comment-le-soft-power-americain-sest-empare-de-la-france-avec-la-french-american-foundation/

(4) Cfr. « EXCLUSIF. Emmanuel Macron : le grand entretien », ‘Le Point’, 30/08/2017,

sur http://www.lepoint.fr/politique/exclusif-emmanuel-macron-le-grand-entretien-30-08-2017-2153393_20.php

Discours structuré en 6 grandes thématiques :

International : rompre avec le « néoconservatisme »

Économies : un nouveau « pacte »

Défense : « la deuxième armée du monde libre »

Réforme du travail : « une révolution copernicienne »

Europe : « le sel de la souveraineté »

Sa vie de président : « Quand on oublie de lire, on se trompe »

(5) Cfr. Luc MICHEL, JOHN BOLTON, NEOCON, LE NOUVEAU CONSEILLER DE DONALD TRUMP QUI VEUT LA GUERRE AVEC LA COREE DU NORD (TENSION INTERNATIONALE GRAVE III)

sur http://www.lucmichel.net/2018/03/23/lucmichel-net-john-bolton-neocon-le-nouveau-conseiller-de-donald-trump-qui-veut-la-guerre-avec-la-coree-du-nord-tension-internationale-grave-iii/

(6) Cfr. “EYES ON THE ÉLYSÉE”, interview of Emmanuel Macron by Christine Ockrent, ‘MONOCLE’, March 2017, Issue 101, volume 11, p.45 – 47.

(7) Cfr. sur PCN-SPO / BERNARD KOUCHNER : UN NEOCON A PASSEPORT FRANÇAIS

sur http://www.elac-committees.org/2012/09/06/pcn-spo-bernard-kouchner-un-neocon-a-passeport-francais/

Et sur EUROPÄISCHER WIDERSTAND :

CES NEOCONSERVATEURS FRANÇAIS AU SERVICE DE WASHINGTON. LE CAS MENARD

sur http://www.lucmichel.net/2013/06/03/europaischer-widerstand-ces-neoconservateurs-francais-au-service-de-washington-le-cas-menard/

(Sources : Le Point – Monocle – EODE Think-Tank)

LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE

* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :

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