PCN-SPO/ 2018 05 17/

Revue de Presse/

Karl Marx en version française …

Pour l’historien Jean-Numa Ducange, historien, maître de conférence à l’université de Rouen, « les Français n’ont pas aimé Marx pour lui-même, mais pour l’idée qu’ils s’en faisaient ».

* « Marx, une passion française »,

dirigé par Jean-Numa Ducange et Antony Burlaud,

EXTRAIT DE L’ENTRETIEN ACCORDÉ AU POINT (PARIS) :

Le livre que vous avez dirigé avec Antony Burlaud fait de Marx « une passion française ». La passion, c’est irraisonné, c’est émotionnel : cela signifie-t-il que les Français ont aimé ou détesté Marx, mais ne l’ont jamais vraiment compris ?

Jean-Numa Ducange : Beaucoup de gens se sont réclamés de lui, sans nécessairement prendre le temps de le lire. On s’est intéressé à quelques grands concepts, devenus des slogans : la lutte des classes, l’internationalisme, l’exploitation, la plus-value. Autant de concepts « lancés » par des auteurs qui, ayant lu Marx, l’ont résumé parce que la lutte politique exigeait des bréviaires.

Certains l’ont lu à la lettre. Je pense à Raymond Aron, Louis Althusser…

Certes, et les années soixante ont vu de fructueux débats sur son œuvre, menés par des auteurs qui l’avaient vraiment lu. Mais cela ne signifie pas qu’ils l’avaient tous exactement lu : Althusser a ainsi ébauché dans Lire le Capital une théorie séduisante selon laquelle l’œuvre de Marx se divise en une période de jeunesse, puis une autre plus scientifique. Or cette supposée coupure qui a stimulé beaucoup de débats et de recherche est aujourd’hui globalement considérée comme erronée.

Mais quand commence cette passion « française » ?

Marx va mettre du temps à s’imposer en France, paradoxalement. Les économistes libéraux déjà en discutent. C’est Maurice Block, un Allemand naturalisé français, qui dans le Journal des économistes publie le premier compte rendu sur le Capital. Un siècle plus tard, Raymond Aron sera l’héritier de ces libéraux. Mais à gauche, on lui préfère longtemps des penseurs socialistes comme Proudhon. C’est Jules Guesde, l’un des fondateurs en 1879 du Parti ouvrier français qui, parce qu’il veut le doter de « considérants », c’est-à-dire d’une profession de foi initiale, part à Londres en discuter avec Marx lui-même. Publiées sous forme de brochure, les déclinaisons de ces « considérants du Parti ouvrier » représentent la première appropriation de la pensée de Marx par un parti politique. Jules Guesde est un orateur dans l’âme, un pédagogue. Pour lui, le marxisme, ce sont des slogans avant toute chose. Le guesdisme, c’est l’idée qu’il faut faire la révolution et se méfier de la « République bourgeoise ». Il va ainsi diffuser un marxisme d’immédiateté, fondé sur la lutte des classes, qui vise avant tout à convaincre les prolétaires de prendre le pouvoir. Les références idéologiques à Marx servent bien d’abord à gauche à faire de la politique, du moins au début.

Et Jaurès, son « marxisme » semble plus subtil, non ?

Il va se référer à Marx pour exposer les causes sociale et économiques des événements qui permettent d’expliquer, selon lui, la Révolution française. Mais il va aussi se rallier au principe de la lutte des classes. Le parti socialiste SFIO de 1905 est ainsi d’inspiration clairement marxiste, c’est un parti révolutionnaire, pas un parti de réforme. On reprochera à Jaurès d’avoir accepté le verbiage et les idées marxistes, le « surmoi » marxiste. Mais c’est aussi par tactique. S’il s’est allié à Guesde, c’est qu’il sait que les guesdistes sont très présents dans les grosses fédérations, notamment celle du Nord, qui représente à elle seule un cinquième des effectifs de la SFIO avant 1914. Il ne peut pas faire l’impasse sur cette réalité sociologique. Il existe ainsi dans la gauche française une empreinte marxiste (ou guesdiste) originelle qui explique certains de ses traits jusqu’à récemment.

« Les références idéologiques à Marx servent bien d’abord à gauche à faire de la politique, du moins au début ».

Ce rapport à Marx change-t-il avec la révolution bolchévique de 1917 ?

Oui. C’est dans les années 1920 seulement que beaucoup de marxistes français se rallient au bolchévisme. Avec la rupture du parti lors du Congrès de Tours en décembre 1920, la majorité de la SFIO passe alors chez les communistes sous l’appellation SFIC, bientôt le PCF. Mais figure majeure de la SFIO, Léon Blum est un antibolchévique qui fait partie de ceux qui ne se rallient pas et il entend bien ne pas laisser Marx aux communistes.

Mais quel marxisme représente-t-il alors ?

En 1920, il se réclame de la « dictature du prolétariat ». C’est un dreyfusard ardent, ébloui par Jaurès, qui s’était lancé avec passion dans le combat pour le socialisme. Il sera en quelque sorte le seul poète dandy à devenir une grande figure d’un congrès du PS ! Il n’y en a qu’un par siècle, et c’est lui… Mais s’il pense qu’il faut faire la révolution et que la lutte de classes est l’un des moteurs explicatifs de l’histoire, son socialisme s’oppose aux 21 conditions du Komintern, qui soumettent les décisions politiques du parti communiste français au parti communiste soviétique. Pour lui, c’est une inféodation et une remise en cause inacceptables des traditions du parti socialiste français.

Quelles traditions ?

Par exemple le fait d’être marxiste et franc-maçon : pour les bolchéviques, comme pour les guesdistes sur ce point, il faut se couper du monde bourgeois, et la franc-maçonnerie est considérée comme bourgeoise. Trotsky, qui connaît très bien la France qu’il est chargé de suivre au sein du Komintern, va ainsi en profiter : il veut se débarrasser des modérés et il a bien compris que le meilleur moyen pour le faire, c’est d’exclure les francs-maçons, beaucoup de membres de la SFIO étant alors initiés.

À partir des années 20, la vision de Marx en France change-t-elle ?

C’est le PCF, profondément inspiré par le « marxisme-léninisme » stalinien, qui va diffuser alors massivement les thèses de Marx. À partir de la prise de pouvoir de Staline, à la fin des années vingt, en Union soviétique, on a commencé à réécrire l’histoire, et celle du marxisme. Ce sera l’Histoire du parti bolchévique publiée sous le contrôle de Staline en 1938, et qui fera la loi pendant vingt ans. Dix pages vont être particulièrement commentées et diffusées, celles sur le marxisme historique et le marxisme dialectique, une invention de Staline. Par la suite, les textes les plus lus chez les marxistes francophones, notamment en Afrique, seront ceux du « Petit Père des peuples » sur la question nationale. Même si Marx ne se serait sûrement pas reconnu dans cette pensée stalinienne, l’œuvre qui est alors diffusée et publiée sous son nom sera bientôt la seule partout dans le monde à pouvoir concurrencer la Bible pendant cette période (…)

Que lit vraiment le militant communiste de base qui fait les « trois huit » en usine ?

« Le Manifeste du parti communiste a longtemps été le livre le plus lu avec la Bible »

Vous le montrez dans votre livre, ce Marx des Français est un philosophe aux cent bras. Il existe des dizaines de marxismes différents…

Il suffit pour s’en rendre compte de reprendre les publications des collections 10/18 et Maspero, les deux éditeurs qui ont publié les marxistes extérieurs au Parti communiste, comme Che Guevara, Fidel Castro, Mao, Rosa Luxembourg, Trotski, Gramsci, Amilcar Cabral ou Enver Hodja. Tous ces gens là se déchiraient au nom de Marx.

N’ont-ils pas contribué un peu à le tuer ?

Quand elle a été connue, la réalité des régimes qui se réclamaient du marxisme a provoqué beaucoup de débats à propos de la pensée de Marx lui-même. Chacun y allait de son interprétation et de ses accusations, ce qui a fini par faire dire à Raymond Aron : « Lisez Marx ! » Mais ces discussions, ces remises en cause ont aussi fait lire Marx comme jamais on ne l’avait lu auparavant. Les tirages de ses œuvres dans les années soixante-dix sont délirants. Le Manifeste du parti communiste a longtemps été le livre le plus lu avec la Bible.

Après la mise en quarantaine d’après 1989 et la chute du mur de Berlin, peut-on dire qu’il revient en grâce ?

Après la crise des subprimes de 2008, les ventes du Capital par Gallimard ont augmenté énormément, mais ce rebond est sans comparaison avec ce qui s’est passé dans les années soixante-dix. Aujourd’hui, Marx est plutôt une affaire d’universitaires et d’étudiants au risque de voir se multiplier les interprétations. « C’est les mille marxismes », pour reprendre l’expression d’André Tosel. Les États-Unis sont ainsi le pays qui compte le plus d’intellectuels marxistes brillants ou d’autres qui en sont les spécialistes. Or il n’existe pas de culture marxiste dans les organisations de gauche de ce pays, ou très marginalement, et les Américains ont quand même élu eu Bush 1 et 2 et Trump…

Et dans la vie politique française ?

La société française est imprégnée par l’idée de lutte des classes, ce qui explique sa tradition de conflictualité et l’importance de la grève comme moyen de lutte. Ce n’est pas Marx a inventé la grève, mais ce sont les organisations marxistes qui l’ont ancrée dans la culture nationale.

En 2018, pourtant, ses concepts ont-ils toujours du sens ?

Pour certains économistes, son analyse de la plus-value est irremplaçable. Mais des notions comme la conscience de classe, par exemple, ont perdu de leur pertinence avec le développement de la nouvelle économie. Toute une série de chercheurs essayent cependant de repenser ces concepts à la lumière du monde contemporain. La passion française a du plomb dans l’aile, mais n’est pas éteinte.

* Voir l’Entretien intégral sur :

http://www.lepoint.fr/dossiers/culture/marx-200-ans-bon-pied-bon-oeil/karl-marx-en-version-francaise-10-05-2018-2217407_3563.php

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