LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
2020 06 21/
« On a laissé entendre que dix millions de personnes étaient décédées sous ce régime. Les preuves existent concernant les massacres. Aucun historien ne peut les nier aujourd’hui ».
(Jacob SABAKINU, président du comité scientifique « La Mémoire du Congo », février 2005)
« Une gifle à nos idées reçues, à nos manuels d’histoire, à nos souvenirs de bancs d’école. Léopold II, symbole de la grandeur de la Belgique de bon-papa, n’était-il qu’un tyran sanguinaire, un Hitler des temps anciens, responsable de l’ « holocauste » de dix millions de congolais ? (…) Oui, rares sont les historiens qui osent, aujourd’hui, contester les exactions que nos aïeux ont commises au Congo, au nom du caoutchouc. Oui, les Belges vont être bouleversés par les atrocités énumérées »
(LE SOIR MAGAZINE, Bruxelles, 7 avril 2004)
« Jusqu’à l’apparition de HITLER, Léopold II était un des hommes les plus cruels d’Europe »
(Adam HOCHSCHILD, « Les fantômes du Roi Léopold – Un holocauste oublié »)
« A l’époque, les actes commis au nom de Léopold II ont défini la norme absolue de cruauté, comme cela allait être le cas avec HITLER, un demi-siècle plus tard ».
(Peter BATE)
La base de cet analyse a été publiée dans notre revue LA CAUSE DES PEUPLES (n° 26, 2005). Au printemps 2005, les sénateurs belges débattaient de la question du Génocide arménien. Fort bien (1) ! Ils entendaient faire du négationnisme historique – non plus uniquement celui du génocide des Juifs par les nazis mais ceux concernant tous les génocides – un délit pénal en Belgique. Généreuse idée (2) ! Mais tout ceci serait plus convainquant si deux problèmes – troublants – ne venaient jeter une ombre pesante sur le débat.
Le premier, c’est le soutien officiel du premier ministre belge Verhofstad à la Présidente lettone Vaira Vike-Freiberga, au moment même où celle-ci tient des propos négationnistes concernant le génocide des juifs en Lettonie (3), qui lui vaudraient des poursuites criminelles en Belgique ou en France.
Le second, c’est que la Belgique doit balayer devant sa porte avant de débattre des génocides commis par d’autres.
Car la Belgique porte la responsabilité directe d’un génocide : celui de 10 millions de Congolais par l’expédition coloniale du Roi Léopold II dans le dernier tiers du XIXe siècle.
10 millions, selon les estimations des historiens anglo-saxons, deux fois le nombre des victimes juives du génocide nazi !!! Massacrés systématiquement par la répression des colonnes infernales colonialistes. Ou dans les camps de concentration léopoldistes (4).
Quinze ans plus tard, le problème, celui de la reconnaissance du génocide de Léopold II au Congo, n’est toujours pas résolu …
LE COLONIALISME « MADE IN LEOPOLD II »
La particularité – unique – de l’expédition coloniale du Congo, c’est qu’elle est une entreprise privée : celle du roi Léopold II, au travers d’organismes non-étatiques et avec l’aide d’aventuriers et de soudards sans scrupules. La Belgique ne recevra la colonie, dûment et étroitement tenue en mains par les Saxe-Cobourg Gotha, que quatre décennies après que le rapace monarque belgicain s’en soit emparée pour son profit personnel.
Lucas CATHERINE, dans son livre explosif « LEOPOLD, LA FOLIE DES GRANDEURS », rappelle les étapes et la logique du processus colonialiste : « En 1892, Léopold divise le Congo en trois zones : le domaine privé, qui constitue la plus grande partie et 96 % du territoire, une zone libre au Kasaï où tous les Européens peuvent être actifs et une concession réservée à quelques très grandes entreprises. Les deux principales sont l’Anversoise, essentiellement financée par le capital du port d’Anvers, et l’Abir, dont le capital est belgo-britannique. Abir signifie Anglo-Belgian Indian Rubber. Toutes deux s’occupent principalement de caoutchouc, matériau qui a détrôné l’ivoire en tant que principale richesse commerciale après la fabrication des premiers pneus pour voitures en caoutchouc par Dunlop, en 1898. En 1906, les trois futurs joyaux de la colonisation voient le jour : l’Union minière du Haut-katanga, la Forminière (Société internationale forestière et minière du Congo) et la Compagnie des Chemins de fer du Bas-Congo et du Katanga. Jusque-là., la politique économique de Léopold pouvait se résumer au terme « exploitation ». Il n’en sera plus question désormais. Il s’agit maintenant de pillage à l’échelle industrielle, d’un mode de production qui détruit tout : le capitalisme dans toute sa splendeur. Ou plutôt dans toute son horreur, si l’on considère ses conséquences pour la population. Entre 1892 et 1900, les actions de l’Abir grimpent de 500 à 25 000 francs. Et l’on voudrait que les gains deviennent plus grands encore, de même que le Congo si possible (…)
Mais le profit est mortel pour les Congolais. Entre 1880 et 1920, la population congolaise diminue de moitié. Selon Daniel Vangroenweghe, auteur d’un livre intitulé Rood Rubber (1985), certaines tribus sont même réduites à un tiers. En 1971, Julien Weverbergh avait déjà donné des détails concrets dans Leopold II van Saksen Coburghs aller-GROOTSTE ZAAK (La plus grande affaire de Léopold II de Saxe-Coubourg). Voici quelques-unes de ses statistiques : « La population dans la région de Bokongo : 50 000 habitants en 1890, moins de 5 000 en 1903. A Bolobo, 40 000 en 1887, 8 000 en 1903. sur la côté méridoniale de Stanley Pool, 5 000 en 1887 et 500 à peine en 1903 ». Weverbergh continue ainsi pendant trois pages (…) ». Le résultat : au moins 10 millions de victimes !
LE COLONIALISME EST L’ENFANT NATUREL DU CAPITALISME
« Léopold n’est pas un cas isolé, il fait partie d’un système que nous appelons tantôt colonialisme, tantôt capitalisme ».
Les grandes fortunes de la bourgeoisie belgicaine – celle qui est encore aujourd’hui aux affaires – s’élèvent alors. Avec les mêmes méthodes et la même absence de pitié et de scrupules que celles de Léopold II (5).
Le colonialisme belgicain n’est pas une exception. Il s’inscrit dans le processus général qui caractérise le capitalisme dans sa phase impérialiste (décrite par Lenine dans « L’IMPERIALISME, STADE SUPREME DU CAPITALISME »).
Ainsi la France se comporte d’une manière similaire en Algérie. « La population algérienne a diminué de moitié entre 1830 et 1870, sous le poids de la guerre, des spoliations, des famines et des épidémies. Et certains ont annoncé, voire souhaité a disparition », dénonce Claude LIAUZU (6).
DU SANG SUR LE CAOUTCHOUC :
LE GENOCIDE OCCULTE DU COLONIALISME BELGICAIN
Ce Génocide – longtemps occulté en Belgique mais dénoncé dès la fin du XIXe siècle en Angleterre et aux USA notamment – est maintenant bien connu du grand public en Belgique, après le débat public ouvert par la diffusion en 2004 par plusieurs chaînes de télévision belges du film britannique « Du sang sur le caoutchouc » (« Roi blanc, caoutchouc rouge, mort noire » pour son titre anglais) (7), qui fait le procès de Léopold II. Le cinéaste Peter BATE y dénonce les 10 millions de morts du colonialisme belgicain. Chiffre qu’il associe avec justesse au nom d’HITLER et aux mots de génocide et d’holocaute.
Il faut souligner que l’establishment belgicain en réponse au scandale soulevé par le film de Peter BATE a adopté une démarche typiquement négationniste, du même type que celle des négateurs du génocides nazi. La classe dirigeante belgicaine faisant preuve exactement du même comportement que les parlementaires belges  – toute honte bue – entendent aujourd’hui reprocher à la Turquie.  Il s’agit – ici comme ailleurs – de mettre en doute les 10 millions de morts congolais. Comme leur réplique Peter BATE, « si scientifiquement, l’on ne peut pas prouver qu’il n’y a eu dix millions de morts, comment pourrait-on alors prouver que ce nombre est inférieur, et de combien ? Et d’ailleurs, ce serait 9 ou 13 millions de victimes, cela changerait-il quelque chose ? »
Il est à noter que si les politiciens turcs ne sont pas les héritiers de l’empire ottoman – car la Turquie kémaliste est née de la rupture totale avec celui-ci -, la famille de Léopold II, celle des Saxe-Cobourg Gotha, est toujours aux affaires en Belgique. Et doit directement son immense fortune à l’exploitation des Congolais et à leur génocide. Que dirait-on si un arrière-petit-neveeu d’Adolph Hitler gouvernait l’Allemagne de 2020. C’est pourtant le cas des héritiers de Léopold II !
LA FORTUNE DES SAXE-COBOURG ASSISE DANS LE SANG DU CONGO
Lucas CATHERINE décrit les origines de la colossale fortune de la dynastie belgicaine issue du « sang et de la sueur du Congo », qui ont multiplié par 3 000 ( !!!) le patrimoine des Saxe-Cobourg Gotha :
 « A sa majorité en 1853, le futur Léopold II avait 250 000 francs-or sur son compte, soit moins de quatre millions de francs ou de 100 000 Euros. A sa mort, sa fortune s’était multipliée par 3 500 et atteignait 14 milliards de francs. Uniquement de l’argent « noir » congolais (…)
Si la période qui précède 1890 est très documentée, celle qui débute lorsque l’Etat du Congo commence à rapporter de grosses sommes souffre d’un hiatus d’information. Sans doute la Couronne, ou plutôt les comptes bancaires, ne peuvent-ils pas être dévoilés. En 1853 – Léopold est à peine majeur à l’époque –, il y a 250 000 francs-or sur son compte à vue (valeur actuelle: 3 750 000 FB). En 1858, sa fortune a déjà atteint 3 588 000 francs-or. En 1864, un an avant son avènement sur le trône, il possède cinq millions de francs-or (75 millions de FB). En 1880, sa fortune a décuplé : il possède 50 millions de francs-or (750 millions de FB).  En 1890, juste avant que le Congo ne devienne réellement rentable, la fortune privée de Léopold (…) s’élève à 39 millions de francs-or, soit 624 millions de FB ou 16 millions d’Euros. Nous pouvons faire le compte car, rappelons-le, « toutes les caisses se confondent ». La croissance spectaculaire de cette fortune s’explique principalement par des placements. Pour ceux-ci, Léopold s’appuyait sur la famille Rothschild, fondatrice de la banque Bruxelles Lambert. Nathan et James Rothschild aidaient d’ailleurs son père, Léopold Ier, lorsqu’il occupait le trône de Belgique. Il fit aussi quelques placements via André Langrand-Dumonceau, Empain et Jonathan Bischoffsheim. Ce dernier avait fondé la Banque nationale de Belgique, la Caisse générale d’épargne et de retraite et le Crédit communal. Léopold possédait des obligations d’Etat et des actions dans les chemins de fer et les mines de charbon. Il a également beaucoup investi dans son aventure congolaise, qui dans les premiers temps, lui coûta très cher (10,5 millions de francs-or entre 1879 et 1885, soit quatre millions d’euros !).
A partir de là, les choses deviennent moins claires. En 1901, la superficie du domaine de la Couronne est de 25 millions d’hectares, soit un dixième de la Belgique, et le sol vaut 1 326 milliards de francs. D’après les sources royalistes, Léopold a consacré six milliards de francs à des travaux d’urbanisation. On peut donc estimer qu’à sa mort, il a dépensé un bon sept milliards de francs. Comparez avec l’état de sa fortune en 1890 : 624 millions de francs. On peut donc en déduire que presque tout cet argent est venu du Congo !
Léopold disposait encore d’autres sources de revenus, mais celles-ci étaient relativement mineures et ne dépassaient pas 10% de sa fortune. Il s’agissait de placements en Chine, où, entre 1900 et 1905, il avait fait onze millions de bénéfice en investissant 14 millions. La source principale de sa fortune était donc le Congo. Nous ne savons pas combien la colonie lui a effectivement rapporté. L’estimation minimale est de sept milliards de francs belges, soit 800 millions d’euros, puisque qu’il a dépensé cette somme en terrains et en constructions. A combien s’élevait la part qu’il a placée ou dépensée d’une autre façon, nous l’ignorons. Mais on peut estimer qu’elle était au moins équivalente ».
PILLAGE ET EXPLOITATION
Cette fortune colossale est issue et la mise au pillage du Congo et de l’exploitation sanglante et inhumaine de ses peuples, comme l’expose sans fard Lucas CATHERINE : « Le mécanisme suivant lequel il tirait l’argent du Congo est connu dans les grandes lignes. En 1892, 96 % du territoire de l’Etat du Congo devinrent propriété privée du roi. Les revenus de l’huile de palme, de l’ivoire, du caoutchouc, des bois tropicaux et autres cultures allèrent entièrement à Laeken.  Léopold était également actionnaire de la Compagnie du Congo pour le commerce et l’industrie, qui appartenait à Albert Thys, son ancienne ordonnance, ainsi que de sa filiale, la Compagnie des chemins de fer du Congo.
La Compagnie des chemins de fer du Congo supérieur aux Grands Lacs, qui appartenait au baron Empain, fut reprise par Van Eetvelde, secrétaire général de l’Etat du Congo, et gérée par Auguste Goffinet (intendant du fonds Afrique). Dès lors, 47,4 % des bénéfices de cette société allaient également à l’Etat du Congo, et donc, à Léopold.  Il y avait encore l’Anversoise, qui appartenait pour une moitié à Léopold et pour l’autre au capital du port d’Anvers, et l’Abir, qui était à moitié financée par Léopold, à moitié par des capitaux britanniques. En trois ans de temps, l’Anversoise fit un bénéfice six fois supérieur à son capital. L’action de l’Abir, grimpa de 500 francs à 25 000 francs entre 1892 et 1900. Les deux sociétés vendaient principalement du caoutchouc. Or, un kilo de caoutchouc valait 25 cents à Anvers et quarante fois moins au Congo (chiffres de 1906).
Citons quelques autres grandes compagnies :
– la Compagnie du Kasaï (50 % propriété de l’Etat du Congo, donc de Léopold). En 1902, le dividende s’élevait à 250 francs, en 1906 à 1 750 francs. Le bénéfice net s’accrut de 1 210 000 francs en 1902 à 8 033 000 francs en 1906
– la Compagnie de Lomami (25 % Etat du Congo, 75 % groupe Thys)
– la Compagnie du Kwango (33 % Léopold)
la Compagnie du Katanga (66 % Léopold)
En 1906, Léopold II ajoute une réussite financière à son palmarès grâce à Hubert Droogmans, secrétaire général des Finances de l’Etat du Congo, et Jean Jadot, de la Société générale. Ensemble, ils fondent les trois compagnies soeurs qui domineront désormais l’économie du Congo : l’Union minière, qui appartient pour une moitié à la Société générale et pour l’autre à Tanganyika Concessions, la Forminière, qui appartient à 50 % à la Société générale et à 50 % au groupe Ryan-Guggenheim, et la Compagnie des chemins de fer du Bas-Congo au Katanga, qui appartient pour 50 % à la Société générale et pour 50 % à l’Union parisienne.
Dans tous les cas, c’est la Société générale qui détient le pouvoir. Le capital étranger est attiré afin de disposer favorablement les Français, les Américains et les Anglais envers l’Etat du Congo. Comme la monarchie est l’un des principaux actionnaires de la Générale, de l’argent circule encore par ce biais entre l’Afrique et Laeken » (la résidence des rois belgicains).
« L’UNION MINIERE FAIT LA FORCE » 
L’exploitation colonialiste du Congo se poursuivra sans pitié sous les successeurs de Léopold II. « Cela continuera d’ailleurs sous Albert Ier et Léopold III, écrit ironiquement Lucas CATHERINE. Ils ne considèrent pas l’intérêt général, mais ce qui est bon pour la Société générale. Leur devise pourrait être : « L’Union minière fait la force » ».
Car l’exploitation et les pratiques génocidaires furent aussi continuées sous les règnes des successeurs de Léopold II, Albert Ier, le « roi chevalier » (sic) de la propagande belgicaine, et Léopold III, celui qui serrait la main d’HITLER à Berteshgaden en 1941.
« La reconstruction du chemin de fer MATADI-KINSHASA, de 1923 à 1945, fut, à cet égard, une véritable tragédie et une hécatombe dont on parle peu », précisait l’hebdomadaire bruxellois TELE-MOUSTIQUE (9/02/2005). « Il y eut aussi la chicotte (le fouet) infligée par l’administration coloniale », les « travaux forcés », « la discrimination raciale ».
La fortune des Saxe-Cobourgs est donc directement liée au génocide Congolais. « La totalité des 12 milliards de francs que le bien-aimé roi a laissés à sa mort est placée sur des comptes étrangers, en particulier en Amérique du Nord. En 1999, la fortune totale de la monarchie belge était évaluée à 90 milliards de francs (2 255 milliards d’euros) par le très sérieux magazine Euro Business (…) Et les choses n’en sont pas restées là. Notre dynastie n’est pas obligée de dépenser son héritage pour vivre. En effet, elle reçoit ce que l’on peut appeler, au sens propre comme au sens figuré, une « dotation royale ». Notre maison royale est la plus dotée d’Europe, que ce soit pour le montant ou pour le nombre d’« allocataires ». A l’échelle mondiale, elle n’est devancée que par la dynastie d’Arabie saoudite, qui compte 5 000 princes et s’agrandit de 50 princes par mois. Les enfants des maitresses y sont légaux (…) La monarchie n’a pas besoin de toucher à cette somme pour ses dépenses courantes. La Liste civile y pourvoit largement. Le roi reçoit 270 millions, la princesse Astrid 10 millions et Philippe recevait 15 millions jusqu’à son mariage avec Mathilde. Depuis lors, ce montant est passé à 32 millions de francs. Fabiola continue à recevoir 50 millions.
Cette fortune de 90 milliards de francs (2 255 milliards d’euros) équivaut donc aux bénéfices du Congo ajoutés à ceux de la Donation royale » (8).
LA RESPONSABILITE DE LA BOURGEOISIE CAPITALISTE
Une erreur est souvent commise en Afrique. Celle qui consiste à engager collectivement la responsabilité des peuples européens.
Car les Wallons, les Flamands et les Bruxellois ne sont pas responsables de ce génocide commis par l’establishment belgicain, au moment même où celui-ci réprimait de nombreuses révoltes populaires en Belgique.
Les soudards de Léopold II qui ont commis le génocide des Congolais sont les mêmes qui faisaient tirer à la même époque sur les émeutes ouvrières de Wallonie. ENGELS rappelait en son temps que l’Etat belgicain ne reculait devant aucun massacre.
« Léopold était plutôt rouge que gris, mais en raison du sang congolais, qui lui collait aux mains. Et lorsqu’il n’agissait pas en assassin, il sévissait sur Bruxelles comme un ouragan dévastateur. Il y a détruit plus d’habitations et de quartiers que toutes les guerres, du bombardement par les Français en 1695 à la Deuxième Guerre mondial », écrit Lucas CATHERINE.
Et le racisme de l’exploitation coloniale a pour corollaire direct un racisme social, issu du Darwinisme qui caractérise le Capitalisme. « Dans l’Europe du XIXe siècle et de la première moitié du XXe, les couches basses de la société sont perçues comme des populations inférieures, dangereuses. Quand le chirurgien et sociologue Louis-René Villermé fait la première enquête sur les ouvriers français, en 1840, on croit lire un ethnographe explorant une terre inconnue et ses sauvages. La colonie n’est donc pas une sorte de planète étrangère, elle fait partie d’un système, capitaliste, dont la bourgeoisie est la classe dominante » (9).
La violence contre les colonisés est la même que celle employée contre les ouvriers. En Belgique comme en France ou ailleurs. « Il est nécessaire de replacer la colonisation dans une histoire plus globale, celle des sociétés occidentales et de l’affrontement de leurs classes sociales : la violence n’est pas propre à la société coloniale, elle irradie  la société toute entière. Ainsi pendant la révolution de juin 1848, qui entraîne l’avènement de la IIe République, les insurgés sont-ils appelés « bédouins » ou « barbares » par les bourgeois. La Commune de Paris, en 1871, est réprimée dans un bain de sang par des chefs et des troupes venus d’algérie. En Espagne, la guerre civile – où des mercenaires marocains ont servi Franco, le cœur rouge du Christ cousu sur leurs burnous – a été une hécatombe. La population civile a été bombardée à Guernica comme dans le Rif en 1925, comme elle le sera à Sétif en 1945 » (10). En Libye ou en Ethiopie, même scénario : guerre coloniale engagée par la Monarchie et poursuivie par le Fascisme, massacre de populations civiles, camps de concentration. Le Nazisme n’a pas été en ce domaine une exception, ou encore une réponse au Bolchévisme comme le laissent croire les historiens révisionnistes, mais il s’inscrit pleinement dans la logique meurtrière de l’ordre capitaliste.
Nous avons évoqué la reconstruction du chemin de fer MATADI-KINSHASA, de 1923 à 1945. Au même moment, dans la colonie française voisine du Congo-Brazzaville, les mêmes méthodes sont employées pour la construction du « Chemin de fer Congo-Océan » (11). Avec pour but réel les mêmes profits capitalistes.
Le débat adéquat à Bruxelles doit être avant tout celui de la reconnaissance du génocide congolais par la Belgique.
Et celui des réparations à verser : non pas par les contribuables belges, mais par la famille royale sur sa cassette personnelle.
Mais gageons que ce débat là n’est pas prêt de s’ouvrir ! (12)
POUR CONCLURE SANS APPEL :
LE BILAN GENOCIDAIRE DU COLONIALISME BELGICAIN
Le TIMES (Londres – 4 février 2005) rappelait sous la titre « COLONIAL VILLAIN RISES AGAIN » en quelques chiffres effrayants le bilan du colonialisme belgicain conduit par Léopold II :
« En 1879, le roi Léopold envoie STANLEY, l’explorateur , créer un « Etat libre du Congo » en Afrique centrale.
Léopold pilla le caoutchouc et l’ivoire pour son compte personnel, assassinant plus de 10 millions de Congolais dans le cadre du processus.
En 1908, la colonie fut annexée par la Belgique après que les abus de Léopold aient conduit à une protestation internationale (…)
Léopold pris le contrôle du Congo en 1885 et mis en esclavage la plupart de ses populations pour collecter le caoutchouc. Les troupes belges et coloniales congolaises massacrèrent des villages entiers qui n’acceptaient pas cette politique. Les officiers belges punissaient les Congolais en les battants et en coupant leurs mains s’ils tentaient de fuir ».
NOTES ET RENVOIS :
(1) Mais nous aurions préféré que ce débat ne soit pas ouvert, non pas au regard de généreuses motivations, mais sur la pression du très xénophobe lobby anti-turc.
Nos compatriotes turcs se grandiraient en ouvrant de concert avec nos concitoyens arméniens le chapitre « réconciliation » de leur histoire commune.
(2) La Belgique est habituée à ces grands élans … sans lendemain. On se souvient de la « Loi de compétence universelle » qui fut vidée de son contenu par les mêmes parlementaires belges qui l’avaient votée, lorsque – après l’inculpation de Sharon pour crimes de guerre et le dépôt de plaintes contre BUSHh pour les mêmes motifs – Washington et Tel-Aviv avaient rappelé à l’ordre made in NATO les troubles-fête de Bruxelles.
(3) La présidente lettone Vaira Vike-Freiberga – issue des milieux de l’émigration pro-nazie lettone – développe directement un discours négationniste, niant le génocide nazi, du même type que celui qui vaut des condamnations pénales aux dirigeants du Front National, ou aux néonazis comme Ernst Zündel.
Evoquant le camps de concentration de Riga, qualifié fort justement de petit « Auschwitz letton » (plus de 100.000 morts et des expériences sur des enfants), elle parle dans un ouvrage officiel – parrainé par le Gouvernement américain – de « camps de rééducation par le travail » !
Pour plus d’information : http://resistanceeuropeenne.online.fr/cp/050502.htm
(4) Car les premiers camps de concentration ne sont pas ceux des Britanniques – contre les Boers – en Afrique du Sud ou ceux des colonialistes allemands au Sud-Ouest africain, comme l’écrivent trop d’historiens, mais ceux de l’expédition coloniale de Léopold II.
(5) Un exemple donné par Lucas CATHERINE, celui du Baron EMPAIN :
« C’est au Congo qu’il signera ses plus beaux succès. Le 24 décembre 1901, la Compagnie des Chemins de fer du Congo supérieur aux Grands Lacs Africains est fondée à Bruxelles. Deux actionnaires se partagent les actions à parts égales : l’Etat indépendant du Congo, de Léopold, et le groupe Empain. L’objectif de la compagnie est d’installer des lignes de chemin de fer en direction du lac Albert (ce qui ne se fera jamais) et du lac Tanganyika. Cette dernière ligne sera bien réalisée et des ferry-boats assureront Ia liaison vers Kigoma, sur la rive orientale du lac et, de là, vers Dar es Salaam. C’est en fait l’ancien itinéraire des caravanes arabes, qui est à présent converti en voies ferrées. En échange, la compagnie reçoit une concession de 4 000 000 ha le long de la rivière Aruwimi. Des plantations de caoutchouc et d’huile de palme y sont établies et, plus tard, des mines d’or et de diamant. C’est une très bonne affaire pour Empain, mais aussi une catastrophe pour la population locale, car les hommes sont déportés en masse pour aller travailler à l’aménagement de voies, à des milliers de kilomètres de chez eux. Moins d’un pour cent de ces hommes survivront, prétend E. Morel, un adversaire acharné de l’Etat du Congo. Dans le conseil d’administration de la compagnie, on trouve, aux côtés d’Empain, Van Eetvelde, secrétaïre général de l’Etat du Congo, et Renkin, futur ministre des Colonies (…)
Ces nombreux investissements à l’étranger n’empêchent pas Empain d’être un bon patriote. Il finance un grand journal catholique intitulé Le XXe siècle, dans lequel Hergé lancera plus tard la série Tintin. Pendant la Première Guerre mondiale, Empain, qui est un fervent défenseur de l’expansion territoriale belge, met son personnel au service de de Broqueville, le ministre de la Guerre. Il s’implique personnellernent dans le transport, le ravitaillement et l’armement des troupes. Elevé au grade de général, il dirige la commission d’achats et du service technique de l’armée belge ».
(6) Claude LIAUZU, « Crimes contre l’humanité », in « La France coloniale deux siècles d’histoire », HISTOIRE & PATRIMOINE, Toulouse, n° 3 (2005).
(7) Débat qui a vu notamment sur la télévision RTBF en 2005 des historiens belgicains venir défendre Léopold II et minimiser – sur une base négationniste typique – le génocide des Congolais. En 2020, le lobby colonial belgicain publie toujours, notamment dans LA LIBRE Belgique (qui ose donner des leçons à la RDC et au Burundi dans son édition africaine LA LIBRE AFRIQUE), pétitions et tribunes pro colonisation en défense de Léopold II …
(8) Si Léopold II et ses successeurs s’y entendaient pour exploiter le Congo, ils font preuve des mêmes talents pour pressurer avec habilité les populations de Belgique.
« La « Donation » n’était rien d’autre qu’un tour de passe-passe de notre roi bâtisseur, qui refusait que sa grande et belle œuvre soit morcelée à l’infini par les héritages successifs, expose Lucas CATHERINE. C’est pourquoi, il déshérita ses filles en faisant à l’Etat belge une « Donation royale ». Le mot « donation » est à prendre avec certaines réserves. L’héritier de la donation, l’Etat, doit en fait gérer et entretenir les propriétés et veiller à ce que les bénéfices aillent à la monarchie.
En réalité, c’est l’Etat qui supporte les frais et les Saxe-Cobourg qui reçoivent l’usufruit. Les conditions dans lesquelles la donation a été faite impliquent la persistance éternelle de la monarchie. Si ce n’était plus le cas, les conditions en question seraient annulées et tout retournerait au propriétaire initial, la maison royale. Les membres de la famille Saxe-Cobourg et leurs conjoints n’ont rien à craindre de l’instauration éventuelle d’une république. Ils n’en souffriraient pas financièrement, peut-être même serait-ce l’inverse. La Donation est gérée par le grand maréchal de la cour et d’autres anciens hauts dignitaires, par des managers de la haute finance – les mauvaises langues disent qu’il s’agit encore du groupe Rothschild – et par des fonctionnaires de la TVA, de l’Enregistrement et des Domaines. Ils disposent pour cela d’un portefeuille de plus de 750 000 francs de moyens propres (…)
Que reçoit le citoyen en échange : un solide supplément d’impôt annuel, des sottises dans les journaux à chaque visite du roi à ses très honorés sujets et un espoir d’hystérie collective à la naissance ou à la mort de l’un de nos profiteurs royaux ».
(9), (10) Claude LIAUZU, opus cit.
(11) Ecoutons à ce sinistre sujet Claude LIAUZU : « Entre 1921 et 1934, au Congo, des dizaines de milliers de travailleurs africains, recrutés de force, construisent les 502 Km de voie ferrée reliant Brazzaville à Pointe-Noire. Mais, en 1925, les travaux ralentissent. Le ravitaillement aléatoire, les mauvaises conditions de travail et les maladies font des milliers de morts chez les ouvriers. « Il faut accepter le sacrifice de 6000  8000 hommes », déclare alors le gouverneur général Antonetti. Pour les 300 Km de voie restant à construire, on recrute à nouveau des ouvriers partout en Afrique centrale. La rumeur court que le chantier coûte un homme par traverse posée. La construction du chemin de fer s’achève en 1934, après avoir fait, estime-t-on, 18000 morts. Soit près de 36 par kilomètre ».
(12) Car il pose directement la question de la monarchie belgicaine. Un débat que Lucas CATHERINE esquisse timidement : « la monarchie est une institution tout aussi peu démocratique et aussi obsolète que la papauté. Sans avoir été élue, pas même par un cercle très fermé, et sans devoir rendre de comptes à qui que ce soit, la famille royale a relevé quelques défis particulièrement éclatants, comme lancer une entreprise coloniale, soutenir l’assassinat du Premier ministre de l’ex-colonie et agacer une bonne partie de la population en imposant sa propre morale bigote ».
Bibliographie sommaire :
– Lucas CATHERINE, « LEPOLD II. La folie des grandeurs », Ed. Luc Pire, Bruxelles, 2004.
– dossier de l’hebdomadaire « TELE-MOUSTIQUE », « Congo. La Belgique et ses trous de mémoire », Bruxelles, 9 février 2005.
– Daniel VANGROENWEGHE, « ROOD RUBBER », Bruxelles, 1985.
– « Le Dossier noir de Léopold II », « LE SOIR MAGAZINE », hebdo, Bruxelles, n° 3746, 7 avril 2004.
– Adam HOCHSCHILD, « LES FANTOMES DU ROI LEOPOLD – UN HOLOCAUSTE OUBLIE », 1998.
LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE
* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
Géopolitique – Géoéconomie – Géoidéologie – Géohistoire –
Géopolitismes – Néoeurasisme – Néopanafricanisme
(Vu de Moscou et Malabo) :
PAGE SPECIALE Luc MICHEL’s Geopolitical Daily
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* Luc MICHEL (Люк МИШЕЛЬ) :
PAGE OFFICIELLE III – GEOPOLITIQUE
* EODE :

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