LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
2020 08 01/

Dossier emblématique des Guerres de l’eau en Afrique, la question du barrage éthiopien sur le Nil oppose Addis-Abbeba aux deux Soudan et à l’Egypte. Dossier complexe, où le conflit sur l’eau « entre pays de l’aval et de l’amont » est aggravé par deux agendas impérialistes : celui de Washington qui veut déstabiliser Abiy Ahmed en Ethiopie, devenu trop roche de la Chine ; ensuite celui de Tel-Aviv qui nous replonge dans les guerres de l’eau (confronté à des problèmes, Israël lorgne sur les eaux du Nil éthiopien au détriment de l’Egypte et des Soudan) …

# I-
LE CONTROVERSE BARRAGE ETHIOPIEN SUR LE NIL

La présidente éthiopienne, Sahle-Work Zewde, a estimé ce mercredi que la construction du barrage hydro-électrique avait « désormais atteint un point de non-retour » ! L’Ethiopie a annoncé mardi avoir atteint le niveau de remplissage prévu pour la première année du réservoir du Grand barrage de la Renaissance (Gerd), un colosse de béton de 145 m de haut qui alimente les tensions dans le bassin du Nil depuis près de dix ans. La présidente éthiopienne, Sahle-Work Zewde, a estimé mercredi que la construction du barrage hydro-électrique avait « désormais atteint un point de non-retour », mais les points de contentieux demeurent avec l’Égypte et le Soudan, qui, situés en aval de l’édifice, craignent pour leur approvisionnement en eau.

POURQUOI LE BARRAGE EST-IL SI CONTROVERSE ?

Le barrage est situé dans l’ouest de l’Éthiopie sur le Nil bleu, qui converge avec le Nil blanc dans la capitale soudanaise Khartoum pour former le Nil et poursuivre son cours à travers l’Égypte vers la Méditerranée. Le Soudan et l’Égypte, laquelle dépend à 97 % du fleuve pour son approvisionnement en eau, s’inquiètent des conséquences du Gerd sur le débit du fleuve, notamment en cas de sécheresse. L’Égypte invoque également depuis près de dix ans « un droit historique » sur le fleuve garanti par des traités conclus en 1929 et 1959. Mais l’Éthiopie s’appuie sur un traité signé en 2010 et boycotté par l’Égypte et le Soudan autorisant des projets d’irrigation et de barrages sur le fleuve.

Un peu plus de la moitié des quelque 110 millions d’Éthiopiens n’a pas accès à l’électricité et le Gerd, qui doit devenir le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique avec une capacité de production de 5.150 mégawatts, devrait grandement remédier à cette situation.

L’ÉTHIOPIE A-T-ELLE COMMENCE A REMPLIR LE GERD?

Les tensions régionales sur le barrage se sont envenimées ces derniers mois sur la question du remplissage du réservoir, d’une capacité de 74 milliards de mètres cubes d’eau. L’Égypte et le Soudan réclament la conclusion d’un accord global sur la gestion du barrage avant que l’Éthiopie ne procède au remplissage. Mais l’Éthiopie estime que le début des opérations de remplissage est une étape-clé de la construction du barrage et Addis Abeba a reconnu la semaine dernière que l’eau s’accumulait dans le réservoir. Plusieurs responsables éthiopiens ont attribué cette accumulation à des causes naturelles: gonflé par les fortes précipitations de la saison des pluies en cours, le fleuve a vu son débit excéder la capacité des vannes du barrage à laisser passer l’eau en aval, provoquant le début du remplissage. Ce sont en l’état au moins 4,9 milliards de mètres cubes, soit le niveau prévu pour la première année, qui se sont accumulés dans le réservoir et devraient permettre de tester les deux premières turbines du barrage. L’Éthiopie espère commencer à y produire de l’électricité début 2021 au plus tard.

Le début du remplissage du réservoir est-il lié aux fortes précipitations ou les Éthiopiens ont-ils accéléré le processus en fermant les vannes du barrage ? La question n’est pas tranchée. Pour Kevin Wheeler, un ingénieur de l’Université d’Oxford qui a étudié le Gerd, interrogé par l’AFP, « l’Éthiopie n’a pas eu besoin de faire quoi que ce soit pour que le barrage commence à retenir de l’eau », au vu notamment « des abondantes précipitations cette année » et de « l’élévation actuelle de la structure ». A mesure que le barrage gagne en hauteur, son déversoir (ou évacuateur de crue) est également positionné plus en hauteur, ce qui implique que l’édifice retient plus d’eau.

L’Éthiopie entend remplir le réservoir en cinq ans, tout en se disant prête à envisager d’étendre cette période à sept ans.

QUID DES NEGOCIATIONS ?

« La question du début des opérations de remplissage ne doit pas faire oublier les autres points de contentieux », soulignent les observateurs. Les questions centrales de la résolution des différends et du fonctionnement du barrage en période de sécheresse n’ont toujours pas fait l’objet d’un accord, malgré de nombreuses réunions entre les parties prenantes.

L’Union africaine a récemment pris la tête des pourparlers et lors de leur dernier sommet par visio-conférence mardi, les trois pays ont simplement accepté de poursuivre les discussions. Pour Mostafa Kamel el-Sayed, professeur de sciences politiques à l’université du Caire, les récents développements constituent « une débâcle pour la diplomatie égyptienne ». « Il est très surprenant de voir que le gouvernement égyptien a accepté de reprendre les négociations » alors que l’Éthiopie n’a montré « aucun signe d’assouplissement de sa position », a ajouté le professeur.

QUE SIGNIFIE LE BARRAGE POUR L’ÉTHIOPIE :
UNE SOURCE D’ORGUEIL NATIONAL

C’est une source d’orgueil national en Ethiopie depuis des années. Les travaux ont débuté en 2011 sous l’égide du Premier ministre de l’époque Meles Zenawi, qui en avait fait un instrument d’éradication de la pauvreté. Les fonctionnaires avaient alors donné un mois de salaire et le gouvernement a ensuite émis des obligations pour contribuer au financement de ce projet de plus de 4 milliards de dollars (3,5 milliards d’euros), presque entièrement payé par l’Éthiopie. Près d’une décennie plus tard, le barrage est l’un des symboles des aspirations de l’Éthiopie au développement et un des rares facteurs d’unité nationale dans un pays traversé par des fractures politiques et ethniques marquées.

# II-
LES AGENDAS IMPERIALISTESS EN ACTION

Depuis que l’Éthiopie a démarré les travaux de construction d’un méga-barrage sur le Nil bleu, le plus grand fleuve d’Afrique en 2011, Addis-Abeba et Le Caire ont eu de multiples négociations sur le sujet contentieux. Des négociations qui ont capoté jusqu’à présent. Entre les deux pays de la Corne de l’Afrique, on dit qu’il y a une impasse sur le Nil et le différend pourrait même conduire à un conflit militaire.

COMMENT ISRAEL CIBLE ET DESTABILISE L’ETHIOPIE

Et si cette impasse était une œuvre israélienne? Après tout, Israël « cherche à s’emparer des eaux du Nil pour satisfaire les besoins des futures colonies dans les territoires occupés ».
La crise de l’eau, Israël la connaît depuis des années. D’où ses efforts destinés à détourner par Éthiopie interposée les eaux du Nil : une obligation pour en alimenter les colonies de peuplement à venir. Les médias israéliens ont rapporté ces dernières années que « bon nombre de lacs, de fleuves et de sources d’eau souterraines sur les territoires occupés ont atteint leur niveau le plus bas en 20 ans ; le lac de Tibériade qui fournit une grande quantité de la consommation des colons a dangereusement atteint un niveau virant au rouge. Quelque 600 millions de mètres cubes d’eau par an sont nécessaires pour altérer les colonies actuelles et à venir sans quoi l’entité sioniste connaîtra une crise économique et sociale majeure à franchir ».

Quoi de mieux donc que de créer un différend interafricain et d’en profiter pour atteindre son but : la divergence éclatée entre l’Égypte et l’Éthiopie sur le barrage de la Renaissance a été donc saisie comme du pain béni. En Éthiopie, Israël maintient une forte présence ce qui lui permet de revenir sur le projet du transfert des eaux du Nil vers les territoires occupés, sans susciter trop de susceptibilité…

COMMENT L’ÉTHIOPIE QUITTE LE CAMP AMERICAIN ?

« Décidément, Abiy Ahmed déçoit Washington : depuis qu’il s’est rapproché substantiellement de la Chine lui demandant aide et assistance, dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, tout en refusant une médiation américaine dans le dossier hautement stratégique du barrage du Nil, le prix Nobel de paix inquiète », analyse Press TV.

Fin mai dernier, des accrochages meurtriers ont eu lieu sur les frontières avec le Soudan. Les Américains et leur appareil de lobby et de pression, n’ont pas tardé à réagir, Amnesty (Réseaux Sorös) accuse l’Éthiopie de crimes et des violations de droits de l’homme, dans cette région frontalière contre les groupes indépendantistes que les Américains et leurs alliés soutiennent et financent à l’effet de démembrer l’Éthiopie. « Le premier accrochage aurait eu lieu jeudi matin autour d’un point d’eau, sur la rivière Atbara qui traverse la frontière entre l’Éthiopie et le Soudan. Un détachement d’une milice éthiopienne Amhara serait rentré en contact avec des soldats de l’armée soudanaise sur le territoire soudanais, selon le communiqué diffusé à la télévision jeudi soir à Khartoum », écrivait RFI à ce sujet. Dans le même temps, ce sont encore les Américains qui provoquent la junte militaire au pouvoir au Soudan d’en découdre avec l’état éthiopien. Au fait, ce Premier ministre musulman que les Américains croyaient pouvoir imposer au peuple éthiopien dans le strict objectif de faire imploser le pays a commis un autre faux pas là aussi terriblement inquiétant pour les Américains. Le 4 mai dernier, un soi-disant avion humanitaire visiblement bourré d’armes et de munitions a été pris pour cible des missiles éthiopiens alors qu’il volait trop bas reliant le Kenya à la Somalie.

À quoi riment ces événements ? Alors que les USA croyaient pouvoir compter désormais l’Éthiopie dans leur camp, et fidéliser par son biais le « trublion » l’Érythrée, la chine les ont doublée, ce qui a d’ailleurs provoqué une colère noire à Washington qui vient de couper toute son aide à l’OMS, dont le président est un éthiopien pro-chinois. Ahmed a réussi à faire la paix avec l’Érythrée tout en refusant de marcher sur les pas des Américains en cherchant à pacifier les tribus. « Les initiatives des nouveaux présidents éthiopien et angolais, Abiy Ahmed et Joao Lourenço, sont également accueillies avec optimisme par l’étude », annonçait en février dernier Le Point. Mais que s’est-il passé pour qu’à peine 3 mois après, la presse mainstream qualifie la présidence d’Abiy Ahmed, d’une année meurtrière ? Tout porte à dire qu’Abiy Ahmed n’a pas marché sur les pas des Américains et a mis à l’eau tout leur plan dans l’Afrique de l’Est » …

COMMENT LES USA VEULENT A NOUVEAU DEMEMBRER L’ETHIOPIE D’ABIY AHMED ?

Depuis qu’Abiy Ahmed a refusé de « marcher sur les pas des Américains », l’Éthiopie, présidée par le Prix Nobel de la paix, se trouve dans la ligne de mire occidentale. Après avoir refusé la médiation des USA dans l’affaire du barrage sur le Nil, s’être rapproché de l’axe de l’Est et avoir réussi à faire la paix avec l’Érythrée tout en refusant de marcher sur les pas des Américains en cherchant à pacifier les tribus, Abiy Ahmed n’est plus le Premier ministre pacifiste et honoré des instances occidentales, mais plutôt le « violateur des droits de l’homme » (sic).

C’est dans ce cadre que RFI parle « de la volonté de l’État du Tigré, dans le nord du pays, d’organiser les élections visant à élire un nouveau Parlement, et ce en dépit du fait que ce scrutin a été repoussé au niveau national ». « Le comité exécutif du Front de libération du peuple du Tigré s’est réuni le week-end dernier et son communiqué final est un réquisitoire. Réquisitoire contre le Premier ministre Abiy Ahmed d’abord et son tout nouveau Parti de la prospérité, un parti fait à sa main que les Tigréens ont refusé d’intégrer ; et réquisitoire ensuite contre le report des élections du 29 août pour cause de Covid-19, décidé par les autorités fédérales et jugé “inconstitutionnel” », affirme RFI. Après avoir échoué à monter les tribus éthiopiennes les uns contre les autres, c’est désormais autour d’une tentative de démembrement du pays à travers des régions indépendantistes du nord de l’Éthiopie que la force d’occupation a longtemps songé à séparer de ce pays.

Le rêve occidental de démembrement des États africains a déjà échoué dans plusieurs pays : le Mali, le Cameroun ou encore la RDC. Reste à savoir si face à une population éthiopienne vigilante, la force d’occupation réussira oui ou non à mettre en œuvre ce plan de démembrement.

LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE

(Sources : AFP – Time of Israel – Press TV – EODE Think Tank)

Photos :
décembre 2019, Workey Tadele, le Grand barrage de la Renaissance (GERD), à proximité de Guba en Ethiopie.

* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
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(FILES) In this file photo taken on December 26, 2019 Workey Tadele, a radio operator, at the Grand Ethiopian Renaissance Dam (GERD), near Guba in Ethiopia. - African leaders are expected to hold a summit on July 21, 2020 to discuss a controversial mega-dam on the Nile River that has caused tension between Egypt, Ethiopia and Sudan, the South African presidency said on July 20, 2020. The meeting will be organised under the auspices of the African Union (AU), which South African President Cyril Ramaphosa currently chairs. (Photo by EDUARDO SOTERAS / AFP)
(FILES) In this file photo taken on December 26, 2019 Workey Tadele, a radio operator, at the Grand Ethiopian Renaissance Dam (GERD), near Guba in Ethiopia. – African leaders are expected to hold a summit on July 21, 2020 to discuss a controversial mega-dam on the Nile River that has caused tension between Egypt, Ethiopia and Sudan, the South African presidency said on July 20, 2020.
The meeting will be organised under the auspices of the African Union (AU), which South African President Cyril Ramaphosa currently chairs. (Photo by EDUARDO SOTERAS / AFP)
(FILES) In this file photo taken on December 26, 2019 A general view of the Grand Ethiopian Renaissance Dam (GERD), near Guba in Ethiopia. - African leaders are expected to hold a summit on July 21, 2020 to discuss a controversial mega-dam on the Nile River that has caused tension between Egypt, Ethiopia and Sudan, the South African presidency said on July 20, 2020. The meeting will be organised under the auspices of the African Union (AU), which South African President Cyril Ramaphosa currently chairs. (Photo by EDUARDO SOTERAS / AFP)
(FILES) In this file photo taken on December 26, 2019 A general view of the Grand Ethiopian Renaissance Dam (GERD), near Guba in Ethiopia. – African leaders are expected to hold a summit on July 21, 2020 to discuss a controversial mega-dam on the Nile River that has caused tension between Egypt, Ethiopia and Sudan, the South African presidency said on July 20, 2020.
The meeting will be organised under the auspices of the African Union (AU), which South African President Cyril Ramaphosa currently chairs. (Photo by EDUARDO SOTERAS / AFP)
(FILES) In this file photo taken on December 26, 2019 Kafule Yigzaw (L) check iron bars at the Grand Ethiopian Renaissance Dam (GERD), near Guba in Ethiopia. - African leaders are expected to hold a summit on July 21, 2020 to discuss a controversial mega-dam on the Nile River that has caused tension between Egypt, Ethiopia and Sudan, the South African presidency said on July 20, 2020. The meeting will be organised under the auspices of the African Union (AU), which South African President Cyril Ramaphosa currently chairs. (Photo by EDUARDO SOTERAS / AFP)
(FILES) In this file photo taken on December 26, 2019 Kafule Yigzaw (L) check iron bars at the Grand Ethiopian Renaissance Dam (GERD), near Guba in Ethiopia. – African leaders are expected to hold a summit on July 21, 2020 to discuss a controversial mega-dam on the Nile River that has caused tension between Egypt, Ethiopia and Sudan, the South African presidency said on July 20, 2020.
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