Selon l’écrivain, Maël Renouard signe avec « L’Historiographe du royaume » le premier portrait sans concession de Hassan II. Alors, fiction ou réalité ?

* « L’Historiographe du royaume »,
de Maël Renouard
(Grasset)

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La présentation de l’éditeur :
« Je fus en grâce autant qu’en disgrâce. De l’un ou l’autre état les causes me furent souvent inconnues. À l’âge de quinze ans j’avais été placé au Collège royal, dans la classe de l’aîné des princes… » Celui que le destin projette ainsi dans l’entourage du futur roi du Maroc, Hassan II, aurait tort de trop croire en son étoile et de ne mettre aucune borne à ses ambitions. Il n’est pas sans risque d’avoir systématiquement devancé un prince au tableau d’honneur.
Attend-il d’être appelé au gouvernement ? On l’envoie en exil. Se croit-il perdu à jamais ? On le nomme historiographe du royaume, comme Racine sous Louis XIV, comme Voltaire sous Louis XV. Ce n’est pas pour déplaire à ce conseiller lettré, qui cultive une écriture d’un classicisme achevé. Mais il a appris à redouter dans toute faveur apparente un jeu dont il serait obscurément la proie. Et qu’adviendra-t-il de sa loyauté à toute épreuve, lorsqu’une insaisissable jeune femme viendra lui murmurer les secrets des rébellions qui s’organisent clandestinement dans le royaume ?
Une transposition virtuose des Mille et Une Nuits et des Mémoires de Saint-Simon au xxe siècle, qui nous fait revivre trente ans d’histoire du Maroc, entre le crépuscule du « protectorat » et le début des « années de plomb ».

REVUE DE PRESSE /
TAHAR BEN JELLOUN – « LE ROMAN QUI FERA DU BRUIT AU MAROC A LA RENTREE » (LE POINT, 20 AOUT 2020)

« Voici un roman qui fera du bruit. En tout cas, il en fera beaucoup au Maroc. Car le royaume dont il s’agit dans L’Historiographe du royaume, de Maël Renouard, est bien celui de la monarchie marocaine du temps de Mohammed V et de son successeur, Hassan II. Une tradition bien établie consiste à ce que les princes fassent leurs études primaires et secondaires au Collège royal en suivant le programme de l’école publique.
Quelqu’un ayant la confiance du monarque choisit une quinzaine d’enfants de l’âge du prince pour qu’ils l’accompagnent durant ces années scolaires. Ils sont triés sur le volet. En principe, on tient compte de la composition de la société pour que le prince évolue avec des camarades représentant, autant que possible, les différentes classes sociales du pays.

LE SILENCE DES ANCIENS CAMARADES DE CLASSE DU ROI

Aucun de ceux qui sont passés par le Collège royal ne raconte cette expérience. Peut-être ont-ils reçu la consigne de ne rien révéler de leur vie durant ces années où ils ont eu l’honneur de faire leurs études avec le prince. On sait aussi que, une fois devenu roi, le prince recrute ses conseillers parmi ses anciens camarades de classe. C’est quasi une tradition.
Et voilà que paraît un roman L’Historiographe du royaume aux éditions Grasset, dont l’auteur n’a pas respecté la consigne de la discrétion et du silence. Un roman passionnant, tant la véracité du récit est énorme et précise. On se dit : « Il dit tout, sans complexe, sans censure ! »
Certes, c’est un roman, une fiction écrite dans une langue impeccable. On cherche l’auteur derrière le nom français donné par l’éditeur. On spécule, on imagine, et on ne trouve rien. Quel est ce Marocain qui a osé trahir les secrets de la scolarité avec le prince ? On se dit, cet homme qui raconte doit approcher les 90 ans. Il s’appelle Abderrahman. Il est d’origine modeste. Élève brillant, il se fait tout de suite remarquer par le prince, qui, une fois devenu roi, le nomme « gouverneur académique de Tarfaya et des territoires légitimes ».

UN NARRATEUR TOUR A TOUR EN GRACE ET EN DISGRACE

Il comprend très vite que c’est là le signe d’une disgrâce, une sorte de poste où il n’y a rien à faire, une charge pour l’éloigner de Rabat. Il passera sa vie entre des moments de grâce et d’autres de disgrâce. Le roi a ses raisons. Personne ne les connaît ni n’ose poser des questions. On ne discute pas une décision royale. C’est ainsi. Pour être certain que l’auteur français n’a pas été « le nègre » d’un ancien camarade de classe de Hassan II, j’ai demandé à l’éditeur de me mettre en contact avec Maël Renouard, celui qui signe cette confession de 330 pages.
Je me suis trouvé face à un homme d’une quarantaine d’années, normalien, agrégé de philosophie, ayant déjà écrit un petit livre sur la Chine, La Réforme de l’opéra de Pékin (Rivages), et traduit Ainsi parlait Zarathoustra, de Friedrich Nietzsche, également publié par Rivages. Il a aussi écrit une pièce de théâtre sur le coup d’État du 10 juillet 1971, Skhirat.

Dans L’Historiographe du royaume, tout un long chapitre est consacré à ce coup d’État là. Le narrateur faisant partie des invités de Sa Majesté. Il suivra le souverain quand il s’était caché dans la salle de bains. Des passages drôles et assez burlesques, où des hommes puissants se retrouvent cachés dans des toilettes. Après cette épreuve racontée avec moult détails, il est nommé « historiographe du royaume ».
Renouard a tout imaginé à partir des documents auxquels il a pu avoir accès.
Maël Renouard n’a jamais mis les pieds au Maroc. En revanche, il connaît sur le bout des doigts l’histoire de ce pays. Plusieurs pages évoquent Moulay Ismaïl et le vœu du Makhzen (la tradition monarchique) de célébrer le tricentenaire de ce souverain qui a marqué l’histoire du Maroc.
Le résultat est étonnant. Ce jeune normalien, discret et même un peu timide, aime travailler à partir des documentations. La rédaction de ce roman, lui a pris plusieurs années. Il avait voulu rencontrer Driss Snoussi, ami personnel de Hassan II et parfait connaisseur de cette époque. Refus.

On apprend par de petites touches quelques aspects du caractère de Hassan II. Il relate, par exemple, une promenade face à la mer en sa compagnie. Le roi s’arrête et dit : « Le silence infini de ces espaces éternels… », se tourne vers son historiographe et lui dit : « Elle est bien de Pascal, celle-ci, n’est-ce pas ? » L’autre lui répond en s’excusant : « Oui, Majesté, mais les mots sont dans un autre ordre : Le silence éternel de ces espaces infinis. » Insolence impardonnable. On se demande : a-t-il inventé cette anecdote ou bien a-t-elle réellement eu lieu ? En tout cas, elle est plausible.

D’EGAL A EGAL

Le roman est plein de ces détails qui en disent long sur le tempérament d’un grand roi, intelligent, lettré qui méprisait les courtisans et ne supportait pas plus intelligent que lui. Le narrateur osait parfois, tout en mettant en avant les qualités du roi, certaines remarques.
Il rapporte une discussion avec une amie d’un militant d’extrême gauche, passé par la case prison, fils d’un ancien Premier ministre : « Il méprise ceux qui le flattent, il déteste ceux qui lui résistent. […] Qu’il ait affaire à un courtisan de basse espèce, et il est impatient de trouver quelqu’un avec qui exercer son intelligence d’égal à égal ; mais qu’il soit en compagnie d’un homme qui ne lui cède en rien par l’esprit, et il est impatient de l’anéantir, car personne ne doit risquer de lui faire de l’ombre. »
C’est probablement la première fois qu’un portrait sans concession est tracé du monarque qui a marqué de manière forte l’histoire de la monarchie et du pays. Ce roman est passionnant, pas uniquement parce qu’il parle de mon pays natal. Il est remarquable à tous points de vue.

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