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REVUE DE PRESSE – PRESS REVIEW – ГАЗЕТА/
ENTRETIEN DE LUC MICHEL
AVEC JEAN-MARC LARBANOIS
(UNIVERSITE DE LIEGE – WALLONIE – AOUT 2004) (ARCHIVES 2005)

Publié dans / Issued in
LA NATION EUROPEENNE-
THE EUROPEAN NATION-LA NAZIONE EUROPEA,
#1 (2005)
&
Annexe, in « THESE LARBANOIS »
SUR L’ANTI-AMERICANISME RADICAL
(UNIVERSITE DE LIEGE – 2004)

ENTRETIEN DE LUC MICHEL
AVEC JEAN-MARC LARBANOIS
(Université de Liège – Wallonie – Août 2004)

Dans le cadre de cet entretien, Luc MICHEL répond aux questions de Jean-Marc Larbanois, dans le cadre de la présentation d’un Mémoire de Licence en Histoire (Université de Liège – Wallonie – Année académique 2003-2004) sur « L’anti-américanisme dans les mouvements radicaux ».

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Comment finalement vous définissez-vous aux niveaux idéologique et politique ?

Luc MICHEL : Personnellement, je me définis comme un militant révolutionnaire. J’ai engagé ma vie dans la politique activiste révolutionnaire.
Je suis un cas maintenant devenu très rare en Europe, c’est-à-dire que je suis un révolutionnaire professionnel, comme le concevait Lénine : je n’ai pas de vie professionnelle en dehors de mes activités politiques, je n’ai pas de vie sociale en dehors de celles-ci. J’ai consacré ma vie depuis vingt ans à développer le PCN. Evoquant la partie activiste de sa vie politique, dans les Années 1920-33, Ernst Jünger disait : « Nous ne vivions que pour l’idée ». Je vis depuis plus de trente ans pour cette idée. Quand j’ai commencé à militer en politique, au début des Années 70, on trouvait encore beaucoup de cas comme le mien, maintenant je suis un des derniers.
Donc je me définis avant tout comme un militant qui est en lutte pour le renversement d’une société bourgeoise et d’un Système que dominent les USA, et qui est celui du Capitalisme et du Libéralisme. Tout simplement parce que je crois à un autre type de société, je crois au Socialisme — je suis aussi un militant socialiste —, et beaucoup de politologues sérieux considèrent que notre idéologie que l’on appelle le « Communautarisme européen » et le PCN appartiennent à l’Ecole socialiste.

Mes modèles en politique, ce sont tout d’abord les révolutionnaires du XIXème siècle : les Blanqui, les Mazzini. Vous savez que Giuseppe Mazzini était un grand penseur de l’Europe unie. Le logo interne de notre Organisation transnationale, qui est un cercle avec cinq flambeaux, était le logo de la « Jeune Europe » de Mazzini en 1830, l’une des toutes premières Organisations révolutionnaires paneuropéennes. Mes modèles, ce sont aussi les révolutionnaires russes : Lénine, Staline, les militants du Komintern.
Si je dois me définir idéologiquement, je suis comme je vous l’ai dit, un militant communautariste européen.

Je voudrais à propos de notre Communautarisme ouvrir une parenthèse, pour qu’il n’y ait pas de confusion. Le terme de « Communautarisme » a été créé par le fondateur de notre Organisation, Jean Thiriart en 1960. Il s’agissait pour lui de définir une idéologie socialiste post-communiste. Pendant près de trente ans, personne d’autre n’a utilisé ce terme, et le vocable anglais de « Communitarianism », qui n’existait pas en langue anglaise, a été forgé par le traducteur anglais de Jean Thiriart en 1964.
Nous avons donc vu avec surprise, au début des Années 90, surgir aux Etats-Unis un autre « communautarisme », qui a été utilisé notamment par le politologue Emitai Etzoni et bien d’autres. Et il s’agissait tout à fait d’un mouvement différent, c’est-à-dire que là c’est le « communautarisme » tel qu’on l’utilise notamment depuis dans les media, c’est le repli sur soi de petites communautés à base ethnique ou à base sociologique.
Notre Communautarisme, que nous avons dû surqualifier d’ « européen », c’est exactement l’inverse ! Pourquoi ? Le Communautarisme, chez nous, fait référence à la communauté européenne, il s’agit donc exactement d’une idéologie inverse, puisque nous voulons une grande communauté qui supprime les différences.

Il y a aussi une définition que je n’aime pas, parce qu’elle est réductrice, mais qui a l’avantage d’être plus parlante, c’est une définition par défaut, c’est ce qu’on appelle le « National-communisme ». Lorsque nous avons été représentés dans plusieurs parlements belges, notamment au Parlement wallon entre 1995 et 1999, la questure du Parlement wallon, non pas à notre demande, mais suite à la consultation de politologues, nous avaient étiqueté comme « nationaux-communistes ». Nous soulignons par exemple que le « Front National » belge était catalogué « extrême-droite ».
Pour l’anecdote, le terme a été utilisé par Trotski dès 1930 contre le « programme de libération nationale et sociale » du KPD en Allemagne. Dans le « National-communisme » qui n’est pas un phénomène isolé, les politologues sérieux — il y en a d’autres malheureusement ! — placent le « Parti Communiste de la Fédération Russe » de Ziuganov, le KPRF, le « Parti Socialiste Serbe » de Milosevic, le SPS, le Système politique du Belarus du président Lukashenko, et également la République Populaire de Corée, en compagnie du PCN. Vous devez savoir qu’en ce qui concerne les Serbes, le Belarus ou les Communistes russes, ce n’est pas le PCN qui les a imités, mais bien l’inverse. C’est un mouvement idéologique que nous avons lancé au début des Années 80 et qui a essaimé en Europe, avec un succès beaucoup plus important en Europe de l’Est. La démarche de créer un mouvement « national-communiste », c’est-à-dire de combattre pour une société communiste ou socialiste dans un cadre national, a été initiée par le PCN. Il y a eu d’ailleurs en 1993 un grand article dans l’hebdomadaire belge « TÉLÉ-MOUSTIQUE », où l’on expliquait que nous étions bien les initiateurs de ce mouvement.
Dans la même mouvance, on place également un mouvement révolutionnaire arabe qui est le Parti Ba’ath arabe socialiste, qui a été au pouvoir en Irak et qui est au pouvoir en Syrie et où il existe une même démarche, c’est-à-dire une société socialiste dans un cadre national.
Nous considérons les communistes russes, le SPS de Milosevic, ou encore le parti Ba’ath comme des partis-frères, et leurs idéologies, comme des idéologies-soeurs de notre Communautarisme européen.
Le Système libyen, avec ses « Comités révolutionnaires » présente aussi des aspects proches de cette synthèse. En 1982, un politologue français présentait la Révolution de Kadhafi comme « un socialisme entre Marx, Allah et Robespierre ».

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Quels sont les penseurs les plus importants pour vous ?

Luc MICHEL : Je vais devoir vous répondre assez longuement, parce que je suis un militant qui raisonne selon des thématiques idéologiques. L’idéologie vertèbre mon combat politique et vertèbre ma vie. Un journaliste italien de LA STAMPA m’a un jour demandé à Milan « ce qu’était finalement la patrie ou la nation pour moi », parce que, m’a t’il dit, « votre Nation européenne n’existe pas ». Et je lui ai fait la réponse qui avait été celle de certains militants du Komintern dans les Années 20 : « dans l’attente de la fondation d’une Nation européenne, ma nation ou ma patrie, c’est mon idéologie ».
Notre idéologie est une idéologie complexe, une doctrine, une école de pensée portée par une vision du monde. C’est une idéologie de synthèse ; donc nous avons plusieurs lignées originaires. Je vais essayer de vous les définir autour de trois grandes lignées idéologiques et de deux grandes figures.
La première lignée de penseurs qui, pour moi, est importante, ce sont les théoriciens de l’Etat unitaire. Le Communautarisme européen prône un Etat unitaire européen et nous croyons à l’unitarisme dans la vie politique parce que, pour nous, c’est la seule façon de mettre un terme justement aux divisions, aux ghettos, aux confessionnalismes, aux replis ethniques, et de créer une communauté politique unifiée et solidaire. C’est une très longue lignée, puisque l’on trouve à l’époque grecque le grand penseur athénien Isocrate, qui a été le théoricien de l’expansion gréco-macédonienne en Asie. C’est lui qui a pensé, théorisé l’aventure de Philippe de Macédoine et d’Alexandre le Grand. On y trouve les théoriciens de l’Empire romain, à commencer par Jules César. On y trouve à l’époque moderne bien entendu Machiavel, qui est le grand penseur de l’unitarisme moderne. On y voit aussi les Jacobins. Vous savez que Jean Thiriart a appelé un de ses livres « LA GRANDE NATION : L’EUROPE UNITAIRE », en référence explicite aux théories de Sieyès, qui était le grand théoricien des Jacobins. Il y a également Mazzini, qui est un grand penseur de l’unitarisme.
La deuxième lignée de pensée, ce sont les théoriciens du Parti révolutionnaire. Je crois au Parti révolutionnaire. Je pense que c’est l’outil par excellence, le seul outil possible, pour la Révolution. Je ne crois pas à la spontanéité des masses et je ne crois pas à la politique en dehors d’un Parti révolutionnaire. Donc vous y retrouvez bien entendu Blanqui. Vous y trouvez aussi ce qu’on a appelé les Babouvistes en France, c’est-à-dire l’aile d’extrême-gauche de la Révolution française. Ce sont des gens comme Babeuf, comme Buonnaroti. On y retrouve à nouveau Mazzini, parce que Mazzini est également un penseur de la révolution. On y trouve bien entendu les fondateurs de l’Internationale, c’est-à-dire Marx et Engels. Et Lénine, Staline, et bien d’autres.
Nous avons une troisième lignée qui est importante pour moi, ce sont les théoriciens de ce qu’on pourrait appeler la « théorie du Prince », c’est-à-dire la théorie de l’action politique qui dérive de Machiavel et qui conçoit le Prince non plus, comme au temps de Machiavel, comme un individu, un dynaste, mais comme un « Prince collectif », le Parti révolutionnaire. Et là, on découvre Gramsci, et bien entendu Jean Thiriart.

Il y a également de grandes figures de la pensée politique : il y a pour moi Lénine, bien entendu, qui est le créateur du Parti léniniste. Le PCN est issu du « QUE FAIRE ? » de Lénine ; si vous lisez nos textes, c’est clair et évident. Donc nous sommes évidemment tout à fait dans la lignée des héritiers du Léninisme et de ce combat là.
Il y a un deuxième penseur, qui lui est un penseur typiquement national-révolutionnaire et qui se place en marge du National-bolchévisme allemand, c’est Ernst Jünger. Pourquoi Jünger ? Parce que Jünger est le théoricien de l’ « Etat universel » : il l’a défini dans deux livres importants, « LE TRAVAILLEUR » (« DER ARBEITER »), et puis « L’ETAT UNIVERSEL ». Jünger a été un des grands opposants au Nazisme, il ne faut pas l’oublier. Quel est le concept de l’Etat universel chez Jünger ? Jünger pense que au XXIème ou au XXIIème siècle, le combat politique va se résumer au combat pour deux ou trois visions du monde incarnées dans des Etats : la civilisation américaine, probablement une civilisation collectiviste qu’il voyait à l’époque en Russie ou en Chine, et une civilisation européenne — celle que nous défendons —, qui prône la primauté de l’individu mais dans un cadre socialiste. Que dit Jünger ? C’est qu’à la fin la lutte verra un des systèmes s’imposer sur la planète et arriver alors l’Etat universel. Nous plaçons la perspective du Communautarisme européen dans cette perspective du combat pour l’Etat universel. C’est la raison pour laquelle, nous sommes des socialistes et pas des nationalistes. Pourquoi ? Parce ce que, pour nous, la nation, c’est le cadre dans lequel on va développer une vision du monde et un projet de société, le projet communautariste, le socialisme, l’Homme nouveau. Cet Homme nouveau qui est l’objectif ultime des théories de Thiriart.
Ce cadre est un cadre de départ, mais on peut parfaitement appliquer notre Communautarisme dans le monde entier ou dans le monde arabe. On peut parfaitement appliquer le Communautarisme dans le monde sud-américain, latino-américain. Certains analystes arabes au sein du Parti Ba’ath, par exemple, ont souligné la communauté de pensée entre notre Communautarisme européen et le Ba’athisme. Si vous lisez les textes, vous changez « arabe » par « européen », ou l’inverse, et vous découvrez la même pensée.
Nous avons aussi en Amérique Latine bien entendu une grande personnalité comme le général Peron qui a été, avant Castro et avant Che Guevara, la grande figure de la résistance latino- américaine aux Etats Unis. Le général Peron a apporté dans les Années 60 son soutien officiel à notre Organisation, en précisant que notre doctrine représentait aussi l’avenir des autres continents !
Nous avons encore un phénomène plus récent et qui est intéressant, vous savez, ce n’est pas un secret, que le PCN est proche de l’Etat libyen. Nous avons notamment des structures de coopération avec le « Mouvement des Comités révolutionnaires », que nous représentons en Europe, et nous travaillons donc depuis de nombreuses Années avec énormément de mouvements africains. La pensée de Jean Thiriart est actuellement étudiée dans certains pays africains comme le Congo, le Togo, ou d’autres pays. Cela aussi vous donnera un éclairage sur ce que nous représentons réellement.

Il y a enfin pour terminer deux grandes figures historiques, pour moi, qui sont importantes. Ce sont Frédéric II Hohenstaufen et le maréchal Staline.
Pourquoi Frédéric II Hohenstaufen ? Parce qu’il représente la tentative d’une union euro-arabe face aux Mongols. Il représente, à une époque de sectarisme et de croisades, la tentative de refaire une unité des peuples autour de la Méditerranée. Et c’est aussi un personnage qui est un des grands théoriciens de l’Etat unitaire. En Sicile, il avait défini au XIIIème siècle, il faut le souligner, une Constitution, qu’on appelle « les Constitutions de Melfi ». C’est la première Constitution d’un Etat unitaire moderne et dont les Jacobins se sont inspirés.
Et Staline ? Parce que, comme vous avez dû le comprendre, je me situe dans une perspective qui est à la fois léniniste et national-communiste, et parce que Staline justement représente la plus éminente figure de ce courant. Et aussi, je tiens à le souligner, parce que je pense que Staline est LA grande figure historique du XXème siècle. Car sans lui, ce Siècle aurait été celui d’Hitler !

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Quels héritages idéologiques reconnaissez-vous ?

Luc LICHEL : Je viens un peu de vous les tracer : donc, l’Ecole socialiste, dans laquelle nous plaçons le PCN et le Communautarisme européen, le Léninisme bien entendu, puisque notre parti est issu de « QUE FAIRE ? » et les théoriciens de l’Etat unitaire bien entendu. Et il y a aussi une spécificité du PCN, c’est-à-dire que nous nous reconnaissons dans l’héritage idéologique des Nationaux-bolcheviques russes et allemands.

On parle souvent du National-bolchévisme allemand mais on oublie le Russe, et on l’oublie pour une raison très simple : parce qu’il va à l’encontre des théories du monde universitaire français. Le grand professeur qui étudiait en France le National-bolchevisme allemand, c’est Louis Dupeux. Et Louis Dupeux a travesti l’Histoire, en ne tenant pas compte du National-bolchevisme russe qui a précédé et qui a influencé l’Allemand. Et il n’a pas tenu compte de l’histoire du mouvement allemand après 1933. Pourquoi ? Parce que Dupeux veut placer le National-bolchevisme allemand dans la perspective de ce qu’il appelle la « Révolution conservatrice », c’est-à-dire d’un mouvement qui va des lisières du National-socialisme jusqu’à la droite conservatrice. Il appelle ça « la galaxie conservatrice », et il y aussi place les Nationaux-bolcheviques et les Nationaux-révolutionnaires. Nous ne sommes pas d’accord avec cette classification, et pour une raison très simple : il suffit de regarder ce que sont devenus les Nationaux-révolutionnaires et les Nationaux-bolcheviques après 1933. Ce sont ceux qui ont le plus participé, par rapport à leur poids humain, à la lutte contre le Nazisme. Les résistants de « l’Orchestre Rouge » étaient dirigés par des Nationaux-bolcheviques. Le « réseau Niekisch », le « groupe Hielscher », le « groupe Stauffenberg-Treskow » qui a fait le putsch du 20 juillet 44 et qu’il ne faut pas confondre avec les généraux conservateurs du « groupe Goerdeler-Canaris ». C’étaient des Nationaux-révolutionnaires et des Nationaux-bolcheviques ! Tout ça a été occulté.
Le National-bolchevisme russe naît à la fin du XIXème siècle. C’est une des fractions du Parti bolchevik : la fraction « V Period » (« En avant ! », en Russe) — c’est la fraction notamment de Lunatcharsky qui va être Commissaire bolchevik à la culture dans les Années 1920. Et il est intéressant de noter une chose fondamentale : c’est que ces gens ne sont pas l’extrême-droite du Parti bolchevik, mais son extrême-gauche, la fraction bolchévique la plus à gauche à l’époque ! Ensuite, le National-bolchevisme russe se développe à la fois en dehors du Parti, dans l’immigration, et dans le Parti, où il triomphe avec Staline, qui l’impose peu à peu. Cette analyse n’est pas une création in abrupto du PCN, ce sont les résultats les plus modernes de la recherche universitaire anglo-saxonne qui est plus sérieuse que l’européenne : il y a des écoles universitaires qui n’étudient que le National-bolchévisme russe et elles disent aujourd’hui exactement ce que nous disions déjà il y a dix ou vingt ans. Il y a deux chercheurs particulièrement. Tout d’abord, le professeur Mihaïl Agurski, qui est un « refusnik », un Juif russe qui a immigré en Israël. Il est le fils du responsable de la section juive du PCUS, le Parti Communiste de l’Union Soviétique. Et il a été le premier à étudier largement le phénomène dans un livre qui s’appelle « LA TROISIÈME ROME », qui n’a jamais été traduit en français, tout simplement parce qu’il dérange l’Université française. Il y a ensuite un professeur américain qui s’appelle David Branderberger, et qui vient de sortir un livre qui s’appelle « STALINISM AND MASS CULTURE » et qui définit le National-bolchevisme russe comme l’instauration par Staline d’un « marxisme-léninisme russe dans un cadre national soviétique ». On est tout à fait dans la problématique qui est celle du PCN depuis vingt ans.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Quel est la part de rapport critique à vos références idéologiques ?

Luc MICHEL : Nous sommes extrêmement critiques pour une raison très simple, c’est-à-dire que, contrairement à beaucoup de petits partis révolutionnaires, nous ne sommes pas des gens sectaires. Si vous allez dans des groupes comme les anarcho-maoïstes belges PTB, ou dans certains groupes trotskistes, c’est très sectaire. Ca fonctionne comme une religion, avec une idéologie qui sert de vérité révélée. Au PCN, nous essayons de former des hommes, des hommes critiques, des hommes qui savent se prendre en main. Nous pratiquons beaucoup l’autocritique et nous pratiquons beaucoup l’autodérision aussi. Il y a un humour interne : nous savons rire de nous-même, parce que c’est la seule façon, quand vous êtes engagés dans un combat minoritaire, de ne pas tomber dans le sectarisme.

Le temps passe, les idéologies vieillissent. J’ai le plus grand respect pour Marx, par exemple. Mais vous avez pu voir que je ne place pas Marx au sommet du « panthéon communautariste », tout simplement parce que Marx est pour moi totalement dépassé. Jean Thiriart définissait parfois notre Communautarisme Européen comme un « communisme post-marxiste ». Donc nous devons et nous savons prendre une certaine distance.
Nous sommes également au sein de notre propre Organisation critiques par rapport à ses débuts. Vous savez que notre Organisation transnationale existe depuis 1962 ; en 1984 elle a pris un nouveau départ avec la fondation du PCN. Nous sommes très critiques sur les premières Années de l’Organisation, surtout sur le mouvement « Jeune Europe », parce que Jeune Europe n’était pas à ses débuts un mouvement homogène. Il y avait une aile révolutionnaire avec Jean Thiriart, dont nous nous revendiquons, et il y avait une aile opportuniste et droitière. Jean Thiriart a mis plusieurs Années à éliminer ces gens-là. Ils ont été éliminés fin 64. En 1965, immédiatement après que Thiriart impose sa seule ligne et contrairement à ce qu’on oublie souvent, « Jeune Europe » disparaît pour un parti qui s’appelle le « Parti Communautaire Européen », le PCE. A ne pas confondre avec le « Parti Communautaire National-Européen » qui est le nôtre. Le PCE va exister de 1965 à 70, et nous nous en revendiquons directement.
Nous nous plaçons dans une ligne Organisationnelle : l’Organisation qui existe depuis 40 ans et qui a pris diverses formes, divers noms successifs : « Jeune Europe », le « PCE » et enfin le « PCN », à partir de 1984. Nous sommes très critiques sur la période « Jeune Europe ».

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Quels sont les personnages et les événements historiques les plus emblématiques pour vous ?

Luc MICHEL : Je pense que vous avez déjà pu discerner un peu la réponse avec les penseurs auxquels nous faisons référence. Je ne fais pas de différence entre l’Histoire et l’idéologie. Je suis de ceux qui pensent que l’idéologie, en fait, a existé bien avant la période moderne. Gramsci, par exemple, parlait du « Jacobinisme précoce » de Machiavel. Moi, je vois aussi — et je ne suis pas le seul — dans l’œuvre de Jules César également un Jacobinisme et un socialisme précoces. Donc nous allons très loin en arrière dans l’Histoire.

La première série, c’est une série de personnages historiques. Ce sont en fait ceux qui ont voulu la constitution de l’Empire Romain ou sa restauration. C’est Jules César, ce sont les grands empereurs et généraux romains qui ont étendu la citoyenneté romaine aux marges de l’Empire en dépassant l’égoïsme républicain. Ce sont ensuite ceux qui ont essayé de restaurer l’Empire romain. L’historien français René Grousset parlait du « tourment de Rome » pour ces grandes figures. Ce sont des personnages comme Charlemagne, Otton III, Frédéric II de Hohenstaufen, bien entendu, Charles Quint à l’époque moderne, la dynastie bourguignonne. Donc c’est la première lignée. J’y reviendrai plus tard parce que l’Empire romain occupe une place importante dans notre idéologie.

La deuxième lignée bien entendu, c’est le combat du mouvement socialiste et deux grands événements, importants pour nous et dont nous nous revendiquons : la Commune de Paris et la Révolution d’Octobre. La Commune de Paris, parce que c’est la première fois qu’un pouvoir populaire moderne anti-bourgeois se dresse contre le Système. Et le « Grand Octobre », parce que c’est la première fois qu’un Etat socialiste existe, l’Union Soviétique — mais que nous critiquons beaucoup. Nous l’avons critiquée notamment avant sa disparition, dans un but de réforme. Mais dans un esprit de critique positive, parce qu’elle représentait pour nous l’événement majeur du XXème siècle, la seule alternative crédible à l’idéologie bourgeoise qui domine le monde moderne.

Nous parlions de la cohérence de notre idéologie : nous sommes très cohérents ; nous n’avons pas de thématiques disparates. Et Rome occupe une place importante pour nous. Nous nous revendiquons comme vous le savez du National-bolchevisme. Je vous ai parlé du professeur Agurski qui parlait de la « Troisième Rome ». La Troisième Rome, c’est quoi ? Au départ, c’est un terme panslaviste. La première Rome, c’est la Rome originale ; la deuxième Rome, c’est Byzance, et la troisième Rome, c’est Moscou. Et Moscou avait pour les panslavistes une mission universelle qui était de répandre dans le monde l’égalité. On méconnaît trop souvent le fait que l’Orthodoxie est une religion très égalitaire. C’est une des raisons pour lesquelles elle a été un des piliers du National-bolchevisme russe et qu’elle est encore un des piliers actuellement de la restauration national-bolchevique en Russie ou dans les pays limitrophes. L’Orthodoxie est basée sur la notion de communauté, sur des notions communautaires comme le « mir » ou le « sobornosk ».
Nous parlons nous d’une « Quatrième Rome » qui sera la grande Europe Unitaire et Communautaire, l’Empire socialiste d’Europe, l’Etat communautariste. Et idéologiquement, j’ai attiré votre attention sur le fait que des théoriciens comme Gramsci et d’autres voyaient dans Machiavel et dans le Césarisme des formes précoces de Jacobinisme et d’idéologie révolutionnaire. Donc nous sommes dans un univers pour nous cohérent et nous nous battons in fine pour un mythe politique au sens où Sorel l’entendait, c’est à dire le mythe de la restauration de l’Empire Romain.

J’attire votre attention sur le fait que l’Empire romain n’était pas un empire européen, c’était un empire centré sur la Méditerranée. C’est un empire qui a regroupé des peuples dans des provinces comme la Syrie, l’Afrique, l’actuelle Turquie, les Balkans. Il y a eu des empereurs d’origine africaine, d’origine syrienne, d’origine balkanique, d’origine arabe. Et pour nous évidemment, c’est très éclairant au regard du modèle politique que nous définissons. Puisque l’Europe telle que nous la concevons, c’est une Europe étendue aux deux rives de la Méditerranée : elle va de Reykjavík à Vladivostok, et du Québec au Sahara, elle inclut bien entendu les populations d’Afrique du Nord, les populations arabes, les populations turques, les populations d’Asie centrale.
Et elle ne les inclut pas dans un rapport colonial ou de conquête ; elle les inclut comme citoyens d’une Grande Patrie eurasiatique unie. Ce qui suppose les mêmes droits politiques pour tous, sans distinction d’origine, et bien entendu que les Arabes, que les Africains puissent demain accéder aux plus hautes fonctions militaires et civiles de l’Empire qui sera établi, qui sera au départ un Empire Européen, mais au départ seulement.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : En quoi vos positions idéologiques peuvent-elles être considérées comme d’avant-garde ?

Luc MICHEL : Pour une raison très simple parce, et ce n’est pas de l’orgueil ou de l’arrogance, nous avons eu souvent raison avant beaucoup d’autres ! Jean Thiriart particulièrement, que certains ont appelé le « prophète de l’Europe », était plus qu’un idéologue : un visionnaire. C’est quelqu’un qui projetait sa pensée politique à très long terme. On s’est moqué de lui dans les Années 60 et 70. Lorsque Yannick Sauveur a présenté sa thèse à l’Université de Paris sur l’idéologie de Thiriart dans les Années 60, un docte professeur a parlé de « délire rationnel », parce qu’il parlait de « grande Europe », etc. Or, depuis 10 ans, tous les grands thèmes qui ont été les nôtres et que nous étions les seuls à défendre sont devenus les thèmes de la problématique européenne : « où arrêter les frontières de l’Union Européenne ? », « faudra-t-il un jour — c’est à l’ordre du jour — inclure la Russie dans l’Europe ? », « le problème du partenariat euro-méditérranéen », « la question de l’Europe comme Europe-puissance », « la question de l’armée européenne », « de l’arme nucléaire européenne ». Tout ça a été énoncé, défini par notre idéologie entre 1960 et 1967.

Nous sommes aussi une idéologie d’avant-garde, et j’y reviendrai dans l’une de vos questions suivantes, parce que nous avons été les premiers à porter l’anti-américanisme moderne et radical. Ce n’est pas non plus de l’arrogance. Si vous suivez la plupart des gens qui sont aujourd’hui anti-américains, ils ne l’étaient pas ni dans les Années 60, ni dans les Années 70, ni encore pour certains dans les Années 80. Et nous disons, nous, que l’Europe se fera contre les Etats-Unis et que l’anti-américanisme va servir de vecteur à l’idéologie européenne ! Nous sommes une idéologie d’avant-garde, parce que nous sommes les seuls à dire cela actuellement, aujourd’hui comme hier. Nous sommes les seuls à dire que l’anti-américanisme va déboucher sur une Europe véritablement indépendante.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Comme vous le dites vous-même, le PCN et la revue « CONSCIENCE EUROPEENNE » ont, dans les Années 80, pris et défendu des positions très originales. N’étiez-vous pas à l’époque et encore aujourd’hui, une sorte d’ « OVNI politique » dans le paysage politique ?

Luc MICHEL : Je n’aime pas le terme « OVNI » ! Mais, si vous aimez un vocabulaire de science-fiction, je préfèrerais « Alien ». Vous avez sans doute vu les films « Alien », et c’est vrai que le PCN a été et est encore souvent un « Alien ». Mais si vous les avez vu, vous savez ce que la créature fait à ses victimes. Je crois que ça représente assez bien notre projet politique.

Nous avons été un mouvement très isolé, nous l’avons été après 1965 en Europe et nous l’avons été dans les dix premières Années du PCN après 1983. Nous étions un mouvement isolé et nous étions un mouvement qui était maintenu dans l’isolement. Ce que nous énoncions était trop radical ou trop nouveau. Mais nous savions que nous semions pour récolter. Nous sommes à partir du début des Années 90 totalement sortis de notre isolement. Nous avons un peu partout — c’est-à-dire en Afrique, dans le monde arabe, en Amérique Latine, aux Etats Unis également, c’est peu connu —, essaimé idéologiquement. Nous avons répandu notre thématique, nous avons répandu nos idées-force.
Nous avons organisé, avec le « Mouvement des Comités Révolutionnaires libyens », deux Universités d’été pour les mouvements verts, pacifistes et alternatifs en 2002 et 2003. Si vous voyez la liste des participants, des mouvements qui apportent leur soutien, et qui viennent de trois continents, vous pouvez constater que nous ne sommes plus du tout isolés.

Nous sommes par contre, c’est exact, totalement maintenus dans un ghetto politique artificiel, en Belgique et un peu moins en France. Il faut comprendre une chose, nous sommes pour le Système des ennemis monstrueux. Nous sommes des gens qui ne voulons pas composer : nous voulons abattre le Système et le régime. Nous représentons, non pas même un autre type de régime, mais bien une alternative idéologique. Et, bien entendu, dès le début, le Système a compris ce que nous étions et a lancé diverses campagnes contre nous.
Maintenant, lorsqu’on sort de l’Europe Occidentale, en Europe de l’Est, dans le monde arabe, en Afrique, en Amérique Latine, en Russie particulièrement, bien au contraire d’être isolés, nous avons non seulement de nombreux contacts, mais nous avons dans de nombreux cas essaimé idéologiquement. Notre plus grand succès étant la Russie.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : En quelque sorte chaque numéro de votre revue « CONSCIENCE EUROPEENNE » se voulait une sorte de coup de tonnerre visant un sujet (comme par exemple la question Russe à travers le numéro intitulé « la Russie, c’est aussi l’Europe ») ou une clientèle politique particulière (comme les communistes avec le numéro « Les communistes de Washington »). Qu’en est il ?

Luc MICHEL : Je pense que vous avez très bien cerné quel était le but de la revue « CONSCIENCE EUROPEENNE », publiée entre 1983 et 1987.
Nous avons dès le départ conçu notre action à très long terme. Lorsque je dis à très long terme, c’est sur plusieurs décennies. Nous ne nous sommes jamais fais d’illusions : ce que nous représentons est très radical, nous avons peu de moyens, nous nous battons contre un système puissant. Donc nous avons tiré la leçon de nos prédécesseurs idéologiques qui ont mis des décennies à émerger. Nous avons donc établi ce que l’on appelle dans le langage du monde des affaires un « plan de carrière » pour le PCN. Nous avons aussi tiré les leçons de l’échec politique, et non pas idéologique, de notre Organisation dans sa première mouture qui était : « Jeune Europe » et le PCE. Nous avons donc planifié sur le long terme.

Mais dès le départ, et ça, ça n’a pas été remarqué par la plupart des politologues, le PCN, quand il se lance en 1984, est directement à maturité idéologique. Vous savez que la plupart des mouvements se cherchent, font se que l’on appelle des maladies infantiles. Ca n’a jamais été notre cas. Nous sommes apparus avec notre idéologie, notre Organisation, notre programme constitué. Et, sauf certains changements tactiques liés à l’actualité et à l’évolution du monde, nous avons gardé cette ligne. Si vous prenez les publications du PCN en 1984 et ce que nous disons maintenant, vous pourrez voir que tout est extrêmement cohérent.

Nous étions donc dans un total isolement quand nous avons relancé l’Organisation en 1983, puis le PCN en 1984. Et nous avons donc mis au point une stratégie qui était de lancer une série d’offensives politiques vers les milieux politiques qui nous intéressaient.
Ces milieux, quels étaient-ils ? Les Nationaux-révolutionnaires, tout d’abord, que nous voulions arracher à l’extrême-droite. C’est ce que nous avons toujours fait, avec succès. Notre but, c’est de détruire l’extrême-droite et d’en exfiltrer les éléments nationalistes radicaux. Je voudrais souligner que cette tactique est une des stratégies du KOMINTERN. Ce fut la stratégie défendue par le Parti communiste allemand, le KPD, entre 1930 et 1947. C’est ce qu’ils appelaient la « ligne de libération nationale et sociale pour la libération du Peuple allemand ». Il s’agissait d’arracher les masses nationalistes des mains de la réaction national-socialiste. Le KOMINTERN a développé la même stratégie, sans aucun succès en Italie. Il y a notamment une fameuse « adresse aux fascistes » qui a été faite par Togliatti en 1934. Donc, lorsque nous voulons arracher les nationalistes à l’extrême-droite, nous ne sommes pas dans une problématique d’extrême-droite, mais dans une problématique typiquement national-communiste !
Le second milieu qui nous intéressait, c’était les militants communistes. C’est-à-dire à l’époque, les restes du PCB, le Parti Communiste Belge, qui était à l’agonie et les milieux maoïstes proches du PTB.

Nous avons également voulu mener un certain nombre de mouvements de clarification idéologique, notamment au sein du Nationalisme-révolutionnaire. Nous avons notamment dénoncé le Traditionalisme, Evola, etc., qui sont des gens totalement étrangers pour nous au Nationalisme-révolutionnaire.

Nous avons aussi voulu avoir une démarche qui pouvait déboucher sur ce qui est pour nous la raison d’être du PCN, c’est-à-dire la constitution d’un front uni qui regroupe ce que le politologue français Christophe Bourseiller a appelé les « ennemis du Système ». Nous pensons que le Système a des ennemis à l’extrême-droite et à l’extrême-gauche. Il a des ennemis hors système et c’est la démarche du PCN. Il a des ennemis dans certaines franges de l’écologie radicale, dans certaines franges des milieux régionalistes ou anarchistes. Et l’intelligence du Système, c’est de dresser notamment les extrêmes les unes contre les autres : pendant que les communistes perdent leur force dans le combat anti-fasciste, ils défendent le Système. Pendant que l’extrême-droite mène un combat anti-communiste, elle défend le Système.
Nous, nous voulons réunir les militants dans la lutte véritable qui est celle de faire la Révolution, c’est pour ça que nous parlons d’un « front uni à la base ». Nous n’avons jamais proposé, dans les pays où nous étions implantés, d’accord à des Organisations existantes. Tout simplement parce que ce que nous voulons c’est leur arracher leurs militants. Nous n’avons jamais essayé, contrairement à ce qui a été raconté par exemple par Manuel Abramovitz dans le quotidien belge LE SOIR en 1995, « de prendre des accords avec le PTB ». Mais nous avons mené et nous menons encore des opérations contre le PTB, avec certains succès. Des gens du PTB sont passés chez nous comme militants. Mais nous n’avons jamais cherché un accord avec des Organisations, tout simplement parce que nous considérons que le fer de lance, le cerveau ou le cœur du front uni, c’est le Parti révolutionnaire, et que ce Parti révolutionnaire ne peut pas tolérer de concurrents ou de rivaux.

Le but de « CONSCIENCE EUROPEENNE » aussi, ça a été de semer, dans la même perspective qui est celle du long terme. Nous avons dit « il faut jeter des idées et on verra ». Vous avez des thèmes qui ont eu un avenir politique que nous n’espérions pas nous-mêmes. J’ai publié en 1984 une petite brochure qui s’appelait « Orientations national-révolutionnaires », qui était un numéro spécial de « CONSCIENCE EUROPEENNE ». Nous avons vu, pas du tout de notre fait, au début des Années 1990 la brochure traduite en sept langues au total. Plusieurs Organisations que nous avons absorbées ensuite comme « Nouvelle Résistance », par exemple, en France, se sont constituées sur base de cette brochure idéologique. Un autre de nos succès, ça a été bien entendu notre action vers l’URSS et la Russie. Vous savez que « CONSCIENCE EUROPEENNE » a notamment fait des numéros spéciaux et des textes en Russe, et bien nous avons vu après la chute de l’Union Soviétique les idées que nous avions semées servir en partie de base à la constitution du nouveau Parti Communiste de Guennadi Ziuganov.

Donc ça vous dit quel a été notre projet. Notre but évidemment, c’est de récolter, mais nous sommes des gens patients. Nous pouvons attendre longtemps, parce que notre projet et notre structure sont faits pour durer. J’ai à mes cotés actuellement la troisième génération du Communautarisme européen : la première s’est constituée avec Jean Thiriart, la deuxième s’est organisée avec moi et le PCN en 1984. Mais des camarades comme notre actuel secrétaire-général, Fabrice Béaur, qui sont des gens très jeunes, qui ont entre vingt et trente ans, c’est la troisième génération. Le renouvellement est là. Je peux disparaître demain le PCN va continuer. Thiriart est mort depuis 12 ans maintenant, son idéologie est toujours là. C’est une réalité qu’il faut souligner.
Et il faut aussi souligner la permanence, qui est importante pour un Parti révolutionnaire. C’est ce qui fait durer les idées, les structures, les hommes. Certains de nos titres de presse comme « NATION-EUROPE » ou « L’EUROPE COMMUNAUTAIRE » existent depuis le début des Années 60. Certaines de nos structures, comme notre « Ecole de cadres », qui est le CEPSE, le « Centre d’Etudes Politiques et Sociales Européennes », existent aussi depuis les Années 60. Et il existe même des militants qui sont la depuis 1962. Je vais vous donner un exemple, parce qu’il est le plus typique, c’est Jean-Pierre Vandersmissen. C’est à l’origine un Cadre flamand de notre Organisation, « Jong Europa » ; il est allé vivre à Paris à la fin des Années 60, il est devenu le directeur administratif du PCN en France. Le PCN n’est en effet absolument pas structuré sur base des États actuels. Nous sommes structuré sur base de réseaux linguistiques. Il y a donc un réseau francophone et, en France, il y a diverses sections : dans le Sud, à Paris et en Ile de France, dans l’Ouest, dans le Nord, etc. Mais nos activités françaises étant aujourd’hui plus importantes que les belges, nous sommes arrivés à un moment donné où il fallait une tête administrative unique, notamment pour les rapports avec l’État, la poste, la diffusion de la presse. Notre presse en France qui est diffusée en kiosque par exemple. Donc nous avons créé une « direction administrative du PCN en France » dont s’occupe Vandersmissen. Vandersmissen est là depuis 1962. Ca, ça explique — il n’est pas le seul, mais c’est un cas visible —, la présence d’un cadre pendant toute la durée de vie de l’Organisation. Vous avez un autre Cadre qui est Karel Huybrechts. C’est un pseudonyme, je vous le dis tout de suite, c’est un journaliste flamand connu, c’est également un cadre de « Jong Europa » qui collabore à notre presse et également à notre service d’information, depuis le milieu des Années 80. Ca, ça vous donne un exemple de ce qu’est un parti révolutionnaire, et ça vous indique quelle a été la démarche de « CONSCIENCE EUROPEENNE » : c’était de semer à très long terme.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Avez-vous donc une stratégie complexe au niveau éditorial ? Vous la poursuivez avec les nouvelles revues que vous avez éditées dans les Années 90 et actuellement dans ces Années-ci.

Luc MICHEL : Tout à fait ! Vous devez comprendre quelque chose : pour nous, il n’existe pas de presse, il existe ce que l’on appelle de l’ « agit-prop », organisée par une « direction européenne Presse/Propagande/Agit-prop ». Nous sommes, je vous le rappelle, des léninistes. Dans l’agitation et la propagande, il y a les campagnes de tracts, il y a des opérations politiques plus ou moins spectaculaire, il y a — et je vous donnerai des exemples — la presse bien entendu, il y a aussi l’activité sur Internet sur laquelle nous reviendrons.
La presse pour nous ce n’est pas un but : nous ne sortons pas une revue pour remplir du papier, ou pour admirer, comme certains petits-bourgeois qui confondent militantisme et narcissisme, notre prose et notre signature sur une revue. Pour nous, une revue, ou une newsletter sur Internet, ou encore un site Internet correspondent à une opération tactique ou stratégique précise. Ce media sort tant qu’il a un intérêt. Lorsqu’il n’a plus d’intérêt, nous le suspendons ou nous l’arrêtons. Vous voyez ainsi certaines publications de notre Parti être sorties un an ou deux ans, s’arrêter, reprendre. Ce n’est pas du tout de l’incohérence de notre part, ce n’est pas lié à des problèmes internes, c’est tout simplement qu’à un moment donné l’utilité de cet organe de presse n’existe plus et nous passons à autre chose.
Le PCN est basé sur une stratégie à long terme qui est la constitution du Parti révolutionnaire et du Front uni anti-système. Ce que nous appelons « le Front quadricontinental pour la cause des peuples », c’est à dire l’unité d’action avec les mouvements révolutionnaires des autres continents dans lequel nous sommes très largement engagés et qui représente actuellement notre activité principale. Dans ce cadre-là nous avons bien évidemment une stratégie éditoriale qui consiste à adapter nos organes de presse, nos newsletters, classiques ou numériques en ligne, notre propagande à ce que nous faisons.

Nous avons également une activité importante en Belgique, c’est la diffusion de toutes-boîtes, mini-journaux ou tracts. Le PCN est une structure autofinancée. Nous avons, et là aussi c’est la leçon de Lénine, une structure commerciale parallèle et, dans cette structure commerciale, nous avons notamment un outil professionnel de distribution de toutes-boîtes. Le PCN a toujours fait d’énormes campagnes de toutes-boîtes. Je vais vous donner un exemple : à l’occasion des élections communales belges d’octobre 2000, nous avons fait une vaste campagne pour la destruction du « Front National » belge, qui est un de nos adversaires principaux en Belgique. Et nous avons distribué à Bruxelles et en Wallonie plus de 600 000 exemplaires de notre mini-journal grand public « PCN-ALTERNATIVE ».

Tout ça fait partie d’une stratégie complexe, dans laquelle rentre également l’édition de brochures, dans laquelle est rentrée dans les Années 80 l’activité des « Editions Machiavel ». Nous publions des travaux universitaires, des analyses, des études historiques et idéologiques. Cette activité va reprendre bientôt parce qu’elle correspond à un nouveau stade de notre action. Et tout ça et bien entendu planifié.

Le centre de notre activité, c’est une équipe intellectuelle. Il y a un noyau central qui est « franco-belge » et autour, nous avons des collaborateurs qui maintenant existent dans 17 pays, qui vont parfois très loin : il y a des camarades arabes, turcs, nord-américains, des traducteurs. Actuellement, nous publions régulièrement sur Internet en trois langues : l’Espagnol, le Français et l’Anglais. Mais vous pouvez trouver sur notre site Internet principal des textes en 8 langues. Tout ça, c’est une équipe intellectuelle qui travaille, qui traduit…
Nous sommes en train de reprendre la production de livres : plusieurs livres vont bientôt sortir, sur l’histoire du PCN pour ses 20 ans, sur le parti Ba’ath, sur le National-communisme, sur la Démocratie directe de Kadhafi.
Et nous avons, autour de nous, dans notre activité que nous appelons transnationale — je n’aime pas le terme « international », je préfère « transnational » —, des compagnons de route en Serbie, dans le monde arabe, des Africains… Nous travaillons beaucoup avec des camarades africains, au Tchad notamment. Tout ça a créé une communauté intellectuelle et militante, dont on ne parle pas parce qu’elle dérange.
Mais, si vous allez sur Internet, il est très difficile de trouver un site consacré à la politique, même parfois très loin, où on ne parle pas du PCN. J’ai été très surpris, il y a quelques semaines par exemple, de découvrir que dans un débat de fond sur un site intellectuel des USA consacré aux élections présidentielles américaines, il y avait une page complète sur le PCN et notre Communautarisme européen. Quelques jours auparavant, nous avions fait la Une du quotidien LE SOIR d’Alger. Et celle d’un quotidien communiste brésilien en ligne ! Pour rester au Brésil, il y existe un PCN, le « Parti Communiste National » qui s’est récemment transformé en « Parti Communautaire National ». Et, pour l’anecdote, ce PCN brésilien a pour concurrent un « Parti du Travail Brésilien », un autre PTB… Et, en Irak, a été créé fin 2003, un « Parti Communautaire Irakien » qui regroupe certain ba’athistes pro-syriens, des Nassériens et des communistes. Cela peut vous donner une idée de notre impact.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Aujourd’hui vous avez, semble-t-il, en bonne logique léniniste (QUE FAIRE ?), depuis l’apparition d’Internet, mis au point une nouvelle stratégie d’agit-prop et d’Organisation révolutionnaire.

Luc MICHEL : Oui, tout à fait ! C’est-à-dire que nous avons, nous, compris dès le départ l’outil fantastique qu’était Internet, que ce soit pour un mouvement qui a une vocation transnationale ou que ce soit pour un mouvement minoritaire qui n’a accès ni à la radio, ni à la télévision, ni à la grande presse du Système. Nous avons été le premier parti belge à avoir un site Internet ! Cela est peu connu. Et, ça vous amusera peut-être de savoir que nous étions hébergés sur un site officiel de l’Agence nord-coréenne d’information. Cela vous situera aussi donc quelle est notre position réelle.
Nous avons aussi été un des tous premiers partis en France à être sur Internet. Nous avons dès le départ développé un site central et une certaine série de sites périphériques. Nous éditons actuellement régulièrement plus de vingt newsletters différentes. Et nous avons édité pendant deux ans « LE QUOTIDIEN DU PCN EN LIGNE », en trois langues. C’est par ailleurs une opération qui va bientôt redémarrer.

Nous nous sommes régulièrement heurtés à des problèmes techniques. Récemment, l’envoi par des moyens artisanaux est devenu quasiment impossible. Donc nous sommes en train, de revoir l’aspect technique. Il y aura dans les mois qui vont venir un nouveau site central très moderne, le nôtre est vieillot d’aspect, parce qu’il a été créé en 1996, et est étendu jusqu’au bout de ses limites, qu’il est en train d’atteindre.
Nous allons avoir un atelier de propagande en ligne, où les gens vont pouvoir charger en plusieurs langues des tracts, des autocollants, des affiches. Nous allons avoir une librairie en ligne et nous allons devenir hébergeur. Nous avons de nombreux correspondants, en particulier aux États-Unis, c’est surprenant, mais nous avons aussi une activité là-bas. Il y a des ennemis du Système aussi aux États-Unis. Et depuis le « Patriotic Act », ils ont énormément de problèmes. On leur fait sauter leurs sites Internet à longueur d’année. Nous allons donc devenir hébergeur pour pouvoir aider des gens comme ça.

Notre stratégie d’Internet, depuis le départ est très simple. Contrairement à beaucoup de politiques, nous n’avons pas considéré Internet comme un média supplémentaire, comme quelque chose qui viendrait à côté des tracts ou des journaux, mais bien comme un outil à part. Nous considérons qu’Internet est devenu pour nous un Organisateur collectif, celui dont Lénine parlait dans « QUE FAIRE ? », à propos de son organe de presse de l’époque qui était « L’ISKRA », (« l’étincelle », en Russe).
Pourquoi ? Tout simplement parce que grâce à Internet vous touchez des gens dans le monde entier, vous les touchez instantanément. Vous pouvez développer et échanger vos idées. Et autour de cet Organisateur collectif nous sommes en train depuis plusieurs Années de structurer une communauté militante. Communauté constituée autour du noyau central PCN, avec nos organisations annexes, les comités où nous militons, les compagnons de route, les mouvements amis. Tout cela fait des cercles concentriques, un méta-réseau.
Un journaliste américain du « FINANCIAL TIMES » que j’ai rencontré à l’occasion du Procès Milosevic et qui ne nous aimait pas beaucoup, m’a dit : « tout ça me fait plutôt penser aux métastases d’un cancer ». Si ce cancer doit emporter le Système, puisse-t-il être prophétique !
Nous avons donc une politique très élaborée sur Internet, et je pense qu’elle est unique parce, pour y passer de nombreuses heures, pour y faire de nombreuses recherches, je n’ai vu personne d’autre développer sur le Réseau mondial une activité sur cette base, c’est-à-dire comme un Organisateur collectif et une communauté.

Nous avons donc une stratégie qui s’est développée et qui a débouché sur un impact très important. La formation politique isolée que nous étions au début des Années 1990 ne l’est vraiment plus du tout aujourd’hui ! On peut nous étouffer en Belgique ou en France, on peut mentir sur nous, mais avec Internet on passe au dessus. Je vais vous en donner bientôt des exemples.
Nous avons des contacts de plus en plus loin. Nous sommes une référence, un « think tank », comme on dit en politique yankee. Nous donnons l’impulsion à un très vaste mouvement idéologique. Nous fournissons des idées, parce que nous considérons que notre Organisation, avant d’être un parti politique, est aussi une Ecole de pensée.

Je voudrais ouvrir une parenthèse là-dessus, parce que parfois le PCN est très mal compris ou très mal jugé. Le Système a l’habitude de nous juger sur des résultats électoraux qui sont médiocres. Nous faisions entre 0.2% et 3 % aux élections belges ou françaises. Pourquoi ces résultats sont-ils médiocres, comme le sont ceux de tant d’autres formations radicales ? Parce que tout simplement le système est cadenassé. Nous n’avons pas accès à la télévision, nous n’avons pas accès à la radio, nous n’avons pas accès aux médias… Quand on parle de nous, c’est pour mentir ou nous salir. Nous n’avons pas accès aux financements publics. En Belgique, en 2003, les partis traditionnels, y compris l’extrême-droite, se sont partagés 40 millions d’Euros, et les petits partis n’ont rien reçu ! Nous prenons donc des claques électorales, comme toutes les petites formations, tout simplement parce que nous n’avons pas accès au financement public et pas les moyens de défendre notre programme aux élections.

Je voudrais vous ajouter également à ce sujet qu’un journaliste m’a dit un jour : « votre idéologie n’a aucune chance ». Ce n’est pas vrai ! Nous avons fait un test électoral grandeur nature, c’est dans la commune de Fleurus (Wallonie), entre 1988 et 1994. Nous en avions fait notre section pilote. Notre secrétaire-générale de l’époque s’y était établie. Nous y avons mené une campagne importante, et aux élections de 1994 nous avons raté de quelques dizaines de voix un siège. Nous avons dépassé les 4 %.
Nous avons raté ce siège municipal parce qu’il y a eu des magouilles lors du dépouillement, des manipulations électorales. C’est-à-dire qu’on a détruit beaucoup de bulletins de vote en notre faveur sous des procédés divers.
Il y a eu aussi une campagne scandaleuse de presse qui a été menée à trois jours des élections, donc trop tard pour publier un droit de réponse, une campagne menée dans des journaux toutes-boîtes locaux, inspirée par le Parti socialiste et payée par un organisme dépendant des services du Premier ministre belge, le pseudo « Centre pour l’égalité des chances », que certains dans la Communauté arabe de Belgique appellent « le ministère des colonies ». Cette campagne disait textuellement « ne votez pas pour le PCN ; ils sont des nazis et, si vous votez pour eux, ils feront expulser les réfugiés ». Le problème, c’est que la tête de liste du PCN était née apatride et réfugiée et que le second candidat de la liste qui s’appelait Marcellin Lallemand était le plus jeune engagé volontaire de la Brigade Piron, en 1944, à l’âge de 17 ans. La Brigade Piron, ce sont des belges qui ont combattu, dans le cadre d’une brigade belge intégrée à l’armée britannique, les nazis les armes à la main. Voilà le genre de mensonges immondes que le régime belgicain peut répandre sur nous.

L’impact du PCN, vous ne devez pas le juger sur ses résultats électoraux, vous devez le juger sur son impact idéologique ! Le PCN représente à ce niveau la pointe d’un énorme iceberg. Nous influençons idéologiquement de gros partis comme le Parti Communiste de la Fédération de Russie. Nous avons de l’influence dans de très nombreux pays, nous sommes les principaux représentants en Europe actuellement de la Résistance ba’athiste irakienne par exemple. Ceci vous donne une idée de ce que nous sommes capables de faire.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Grâce à Internet, êtes-vous donc plus à même de créer ce parti unitaire, intégré, et marqué par son ubiquité que désirait tant Thiriart ?

Luc MICHEL : Oui, mais vous oubliez sa principale caractéristique ! Ce parti est surtout transnational. Pour nous, le but c’est de faire un parti transnational. Depuis le début des Années 60, notre idéologie veut un parti unique au delà des frontières.
Nous avons été copiés par deux formations politiques qui se sont directement inspirées de ce que nous avons fait, mais sans l’avouer : la première c’est le Parti Radical en Italie, qui est devenu le Parti Radical Transnational, mais qui lui s’inscrit dans une perspective totalement atlantiste, philo et pro-américaine. Et une seconde formation a un peu copié ce que nous avons fait, c’est la tentative, fausse à mon sens, des « Verts » de créer un Parti des Verts européens, qui s’est constitué pour les élections européenne de 2003. On a dit dans les media à ce moment-là que les « Verts » étaient le premier parti à dépasser les frontières en Europe. Non ! Notre Organisation le fait depuis 40 ans !
Le PCN c’est quoi ? C’est un parti qui a un « Bureau politique européen » unique, un « Comité central européen » unique. A certains moments, nous avons eu 8 nationalités dans notre comité central. Notre précédente secrétaire-générale était hongroise, l’actuelle secrétaire-général est français, moi j’ai un passeport belge. Nous avons des cadres arabes, africains, turcs. Nous sommes actuellement présents de façon structurée dans 4 pays, et nous sommes présent avec des adhérents et une activité politique dans 11 pays au total.

Tout ça n’a été possible que par Internet. Lorsque nous avons pour la première fois relancé une Organisation au niveau européen en 1993, nous nous sommes étendus en France et en Hongrie. Avec la France, il n’y a eu aucun problème. La langue était la même et Bruxelles est à 300 kilomètres de Paris. Le problème des distances s’est pourtant déjà posé alors en France. Nous avons eu d’énormes perspectives politiques dans le sud de la France ou en Espagne, nous n’avons pas su les exploiter. C’était trop loin, il fallait trop de temps.

Nous avons aussi eu une section hongroise, qui a fait ce qu’elle a pu. Mais, nous n’avons pas pu la développer pour les mêmes raisons : les lettres mettaient quinze jours à arriver, la traduction des textes — il n’existait pas tous les outils informatiques —, c’était quasiment impossible. Pas impossible à traduire, mais très difficile à éditer. Notre section hongroise a été importante psychologiquement. Elle nous a donné une dimension en Europe de l’Est. Elle a montré que nous pouvions aller très loin. Elle a donc joué un rôle important dans le développement du Parti, mais pas quantitativement ou humainement. Internet a changé tout ça !
Je vais vous donner quelques précisions supplémentaires sur l’implantation du PCN en Hongrie. Ca s’est fait à l’été 1993, à l’occasion d’une tournée politique à l’est. Nous avons rencontré en fait un petit groupe d’anciens membres du Parti communiste hongrois, le PSOH, qui n’appréciaient pas le virage social-démocrate et capitaliste du régime. C’étaient des gens assez âgés : la moyenne d’âge était au-delà de 60 ans. Et ça explique que la section n’ait jamais connu un développement important, d’une part parce que ces gens étaient âgés et d’autre part, Internet n’existant pas encore, en raison des problèmes de communication, de traduction, etc. : les fax n’étaient pas répandus à l’époque ; eux n’en avaient pas ; une lettre mettait quinze jours-trois semaines… Ca n’a pas eu un impact politique important, mais ça a eu par contre un impact psychologique déterminant, puisque c’est à la même époque que nous nous sommes réimplantés en France et le PCN en s’implantant également en Hongrie, c’est-à-dire très loin de la Belgique, et en Europe de l’Est a reçu une impulsion psychologique très importante dans le cadre du projet du Parti transnational que nous voulons développer. Une expérience politique, lorsqu’on est dans un Parti révolutionnaire, n’est jamais inutile, même si elle n’apporte pas tout ce qu’on peut attendre d’elle. Dans le cadre du projet qui est le nôtre, rien n’est inutile, rien n’est négligeable, rien n’est dérisoire.

Dès que nous avons vu ce qu’Internet permettait — certains d’entre nous on été branchés vers 1994-95 —, nous avons tout de suite tiré les conclusions et nous avons commencé à développer cet outil. Avec Internet maintenant, nous pouvons faire travailler les adhérents isolés. Il n’y a plus d’adhérents isolés au PCN ! Un adhérent qui se trouve seul en Serbie ou en Espagne travaille directement, diffuse, rediffuse, intervient sur les forums. C’est une des raisons pour laquelle on voit beaucoup le PCN sur Internet.

Le deuxième aspect c’est que le Net nous a permis de diffuser notre idéologie très loin, à très grand niveau.
Cela nous a permis aussi de répondre à nos adversaires. Vous savez peut être que nous sommes une des formations politiques qui a été la plus attaquée, la plus salie, la plus calomniée depuis 20 ou 30 ans. Dans l’ancienne structure de presse, il était difficile de répondre. Vous savez qu’il est facile de refuser un droit de réponse, qu’il est très difficile et très coûteux d’avoir un droit de réponse en justice, que ce soit en France, en Belgique, ou ailleurs. Donc nous avons subi pendant deux décennies des insultes, nous avons pris des claques que nous ne savions pas toujours rendre. Il y a eu des exceptions, quand certains ont été trop loin dans la région de Charleroi en 1994 par exemple. Nous avons lancé une offensive judiciaire contre des journalistes, contre des responsables syndicaux et politiques et on les a remis à leur place. La presse belge parlait en 1995 de notre « réputation légendaire » à ce sujet. Mais on ne pouvait pas faire ça partout, pour des raisons financières tout simplement.
Internet a changé les données du problème !
Parce que maintenant, quand on nous attaque, nous pouvons répondre et nous pouvons répondre directement chez l’adversaire, sur ses propres forums. Je vais vous donner deux exemple : deux groupes nous ont particulièrement sali et ont menti sur nous en Belgique. Le premier, c’est la mouvance du PTB. Le second, c’est le groupe soi-disant anti-fasciste, mais en fait qui est devenu une annexe des services du premier ministre belge, « Résistances ». Avec un « s », parce que « Résistance ! » avec un point d’exclamation et sans « s », c’est une revue néo-nazie française…
Qu’est ce que nous avons fait dans ces deux cas-là ? Et bien, dans le cas du PTB par exemple, depuis maintenant plusieurs mois, nous sommes en train de rendre les claques. C’est-à-dire que nous sommes en train de révéler dans l’ensemble de l’Europe et en plusieurs langues les compromissions des militants du Parti du Travail de Belgique avec certains milieux néo-nazis européens, avec certains milieux antisémites, avec une certaine mouvance de l’extrême-droite islamiste. Dans le cas de « RésistanceS », nous avons contré les campagnes qui étaient menées contre nous sur le Net. Et ça a été très loin parce que le groupe « RésistanceS » avait un forum sur Internet qu’on appelait le « forum CAF », pour Coordination Anti-Fasciste. Au bout d’un mois et demi, ils l’ont fermé. Parce que nous les remettions à leur place jour après jour. Ca vous donne une idée de ce qu’on peut faire avec Internet.

Avec Internet, nous avons aussi lancé de grandes opérations de solidarité transnationale. C’est-à- dire par exemple que nous sommes intervenus pour défendre l’Opposition national-patriote serbe après le coup d’Etat rampant de 2000 qui a renversé le président Milosevic. Nous nous sommes investis dans la défense des prisonniers serbes à La Haye. Nous nous sommes aussi engagés dans le soutien à la Résistance ba’athiste irakienne. Nous animons le « Comité international de défense du président Saddam Hussein », avec un impact gigantesque, qui est dû à Internet. Lorsque je vous dis impact gigantesque, cela veut dire que vous retrouvez certains de nos textes dans des publications arabes, africaines, latino-américaines, ou encore nord-américaines ! Très récemment, au mois de mai par exemple, « LE SOIR D’ALGER » a fait sa une sur notre mise au point sur le soi-disant gazage des kurdes à Halabja par Saddam Hussein, qui, et tout le monde le sait, parce qu’il y a des études notamment de la CIA, de médecins, de l’ONU, c’est en fait un gazage d’un village sur le front irano-irakien par l’armée iranienne et ses supplétifs kurdes. Ca a fait la une d’un journal algérien.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Quelles ont été les réactions des milieux politiques, tant au niveau des grands partis que des milieux situés aux extrêmes ?

Luc MICHEL : Je vais vous faire une réponse en deux parties, parce que la perception ou les réactions au PCN des partis traditionnels n’est pas évidemment la même que celle au niveau des partis que vous appelez extrémistes et que nous, nous préférons appeler radicaux.

Prenons tout d’abord la question du Système lui-même. Je vous ai parlé d’un livre de Christophe Bourseiller qui s’appelle « LES ENNEMIS DU SYSTÈME ». Il aurait pu être écrit par le PCN. Il nous consacre d’ailleurs de nombreuses pages. Pour les gens du Régime belge, nous sommes l’Ennemi, avec un grand E. Le résultat ? On a employé contre nous tout ce qui était possible pour nous détruire. Il faut savoir que dans notre soi-disant « démocratie » belge, comme dans d’autres « démocraties » européennes, il existe des moyens de pression, des moyens d’étouffement. Il existe des polices politiques. Les moyens qui ont été employés contre nous n’ont été employés que contre une autre Organisation, mais à beaucoup plus grande échelle évidemment. Ce sont les moyens que les Américains et la droite belge ont employés contre le Parti Communiste Belge (PCB), entre 1945 et 1950, alors qu’il était un des plus gros partis belges. Il y a un livre là-dessus dont le titre m’échappe, mais qui a été publié aux éditions E.P.O. sur la façon dont a été traité le PCB entre 1945 et 1955. J’ai lu à grande échelle ce que moi j’avais vécu en plus petit.

Qu’est ce qui est employé contre nous ?
Tout d’abord le flicage, les surveillances, les interceptions de courriers, les écoutes téléphoniques. Ca a été employé plusieurs fois d’ailleurs. Et nous sommes allés en justice pour faire arrêter ce cirque.
On a employé contre nous l’envoi d’agents provocateurs infiltrés. Vous devez savoir que ça nous a conduit à prendre des mesures internes. Je vous en reparlerai dans une de vos questions où vous parlez des polices politiques. Mais nous avons réagi à ça, notamment par un service de sécurité interne. A deux reprises, on a fait rentrer chez nous des flics, qui ont mis des Années à être découvert et qui faisaient évidemment du fichage et du sabotage. Thiriart dans les Années 60 a vécu la même chose.
Pour que vous compreniez bien ce qui s’est passé, voici des exemples. Nous avons viré un cadre à Charleroi au début des Années 90. Nous avons tout simplement découvert sa présence dans le cadre d’une « guerre des Polices ». Celle que se livrent les multiples polices politiques belges. Figurez-vous que lui dépendait apparemment de la « Sûreté de l’Etat » et la BSR, le service politique de la Gendarmerie, avait fait rentrer un autre indicateur. Pour que vous compreniez pourquoi, je dois vous fournir quelques explications. Dans les Années 1988-1994, nous avions une énorme activité politique locale à Charleroi. La presse locale parlait beaucoup de nous. Nous étions très actifs contre les pseudo-« socialistes » locaux et ceux-ci nous envoyèrent les flics politiques. Le problème, c’est que les deux infiltrés ne se supportent pas et le type de la gendarmerie vient me voir un jour, il me dit « tu sais que X (je ne vous donnerai pas de nom, mais je vais vous dirai ce qu’il est devenu) travaille pour la Sûreté ? ». Nous avons évidemment discrètement fait vérifier par un de nos avocats, et effectivement le bonhomme était tenu par un dossier de mœurs. On le vire. On a retrouvé ensuite ce type au PTB, d’où il a été viré. A la FGTB, le syndicat de gauche, où il a été viré, et puis il est passé à l’extrême-droite où il est devenu député maintenant !
Au milieu des Années 90, nous avons eu une autre canaille – ces types sont des ordures morales, des déchets humains – qui provenait de la Nouvelle droite belge. C’est le seul cadre du PCN qui soit venu des milieux de la Nouvelle droite. Et au bout de cinq ans, de nouveau dans le cadre d’un dossier pénal non politique, on a découvert que le type était un infiltré et il a été viré. Vous devez savoir qu’entre 1982 et 1987, les mêmes milieux de la Nouvelle droite avaient fourni à Jean Thiriart une traductrice. Cette traductrice s’est fait également prendre en train de voler et de photocopier des dossiers. Tant de « coïncidences », ça interpelle évidemment …

Une seconde façon, ce sont les pressions et les interdictions professionnelles : nous avons des militaires de carrière membres du PCN qui ont été virés de l’Armée belge pour avoir été candidats sur nos listes. A la même époque les gens du WNP, une milice néo-nazie liée à la Sûreté belge, avaient toutes les accréditations locales et travaillaient à l’Etat-major général ! Au sujet du WNP, vous devez savoir que nous avons relancé l’affaire du WNP dans un numéro de « CONSCIENCE EUROPEENNE » en 1985. Nous avons révélé comment des gens du WNP, qui était censé ne plus exister depuis de nombreux mois, étaient utilisés pour nous filer et surveiller nos locaux.

Les autres choses, c’est quoi encore ? Vous savez qu’à un moment donné nous éditions des journaux publicitaires. Eh bien, des journalistes, mais qui comme par hasard ont fait leur service militaire au SGR ou au SDRA, les renseignements militaires belges, prenaient leur téléphone pour dire à des annonceurs publicitaires : « vous savez que vous financez un mouvement subversif ». Voilà comment on travaille contre nous.

Ca ne s’est pas arrêté là. Quand ils ont vu que ça ne marchait, on est passé à pire. C’est-à-dire qu’à un moment donné nous avons eu une campagne de diffamation scandaleuse qui est venu des milieux néo-nazis de Margueritte Bastien du FNB, une des nombreuses scissions du FN belge, qui a répandu les pires saloperies sur nous. Tout ça s’est effondré devant les tribunaux, il n’y avait rien du tout. Mais l’appareil d’État belge, y compris le président du parlement belge, a aidé à la diffusion de cette campagne. C’est l’époque où nous venions d’accéder au Parlement wallon.
En France nous sommes aussi surveillés, mais ça se passe un peu plus calmement. Vous devez savoir qu’en France le PCN a une particularité : nous ne sommes pas suivis par les « Renseignements généraux » mais par la DST.

Le reste, ce sont les listes de proscription bien entendu. Qu’est-ce que les listes de proscriptions ? Ce sont les interdictions professionnelles, ce sont les pressions, ce sont des gens dont on essaye de casser le ménage. J’ai un excellent militant qui malheureusement pour lui trompait sa femme. Sa femme a reçu une enveloppe avec les photos prouvant l’adultère. Il n’y a pas de raison que ça vienne d’ailleurs. Un militant dont le ménage est en l’air devient un très mauvais militant.
Ca c’est toute une série de choses que nous avons vécues. Il y a eu aussi des agressions physiques. Elles se sont mal passées pour les agresseurs, car nous savons nous défendre. Mais il y en a eu.

Nous avons été à deux reprises expropriés de nos locaux. Nos locaux de Liège (Wallonie) ont été fermés sur injonction de l’administration communale. Il a fallu trois ans pour les rouvrir, avec un recours au conseil d’État. On a fait aussi casser le bail commercial des précédents locaux de notre secrétariat- général à Bruxelles. Nous avions des locaux plus petits que ce que nous occupons actuellement, mais qui étaient parfaitement aménagés. C’était tenu par un bail commercial qui a été cassé par un cabinet d’avocats proche de la mouvance libérale et les tribunaux, contrairement à toute la jurisprudence, nous ont donné tort. Voilà les méthodes extra ou para-légales employées.

Une autre méthode – les turpitudes du Système sont sans limites – qui est employée contre nous, ce sont les campagnes de presse. Nous allons en parler plus longuement lors de votre question sur l’extrême-droite. C’est la façon de mentir systématiquement sur ce qu’est le PCN, sur ce que nous faisons, etc. Ca c’est la réaction des partis traditionnels du Régime.

Une autre méthode encore, une de plus, qui a été employée contre nous, c’est l’étouffement, qui a été total et radical dès que nous avons été représentés au Parlement wallon en 1996. La plupart des gens qui s’intéressent à la politique, vous le savez, connaissent le PCN. Mais vous ne lirez plus une ligne sur notre Parti dans les journaux belges après 1997.
Comment ça se passe ? Un exemple : nous déposons une liste aux élections européennes, en 1999, et la « LIBRE BELGIQUE », un grand quotidien de Bruxelles, produit un cahier spécial qui présente les listes et leurs programmes. Il y a 12 ou 13 listes. Nous ouvrons le cahier nous ne sommes pas dedans, nous ne sommes même pas repris dans les listes se présentant. Je téléphone au rédacteur en chef, il me dit : « non, on ne parle pas de vous ! »
Deuxième exemple, nous avons fait de Fleurus notre section pilote. Ce sont les élections communales de 1994. Tout le monde pense que nous allons avoir nos premiers élus communaux. Et bien la presse locale qui vomit au même moment sur le PCN dans les autres municipalités, ne nous cite jamais sur Fleurus, ne précise pas que nous nous présentons et annonce longuement une liste écologiste qui n’est pas déposée.
Une fois que les élections sont terminées, LE RAPPEL, un quotidien de Charleroi, par contre, analyse les élections et explique que le « grand danger » était les « nationaux-bolcheques du PCN ». Ca ce sont les méthodes employées par les partis régimistes.

Au niveau des partis que vous appelez extrémistes, que nous appelons radicaux, là c’est la peur. La peur du concurrent ! Tout simplement parce que nous sommes dynamiques, que nous avons une idéologie qui tient la route, qui n’est pas dépassée comme le Marxisme-léninisme ou d’autres. Nous sommes aussi ce qu’un journaliste français a qualifié d’« arrogants ». Appelez ça comme vous voulez, mais nous savons ce que nous voulons et nous n’avons pas peur de le dire !
Donc là ça a été très simple, nous nous sommes heurtés, aussi bien dans les partis d’extrême- droite que d’extrême-gauche, à deux méthodes : la première méthode, ça a été la disqualification. Comment ça se passe la disqualification ? A l’extrême-gauche, on dit ce sont des « fascistes », à l’extrême-droite, on dit l’inverse, on dit se sont des « communistes ».
Je vais vous donner une anecdote, parce qu’elle est très révélatrice : nous sommes au dépôt des listes belges pour les élections européennes en 1999, et nous sommes dans les couloirs du Palais de justice de Namur, chef lieu électoral francophone, où se tient le Bureau électoral principal et où on dépose les listes. Lors de cette élection-là, le régime essaye d’invalider notre liste, c’est-à-dire qu’on essaye d’invalider nos 5.000 signatures de parrainages. Je vous dis tout de suite que j’ai gagné juridiquement et qu’ils ont dû les reprendre, la queue entre les jambes. Il y a une très longue attente et nous passons près de 10 heures d’attente en 2 jours, dans les couloirs du palais de justice. Il y a là les gens du PTB, mais ils sont en train de déposer la liste de Robert D’Orazio, une liste d’extrême-gauche mêlant syndicats et groupuscules — dont le PTB — sous la direction de ce leader syndicaliste bien connu en Belgique. Et malheureusement pour eux, alors que généralement c’est dans ces cas-là un échange d’insultes, le camarade du PCN qui est à côté de moi est un délégué syndical qui participe au mouvement de D’Orazio, ils se tutoient, je tutoie D’Orazio. Il y a eu un tout petit écho dans LA DERNIERE HEURE et il a dit « ils sont comme larrons en foire ». Et le représentant du PTB, qui est un de leurs avocats, est obligé de parler avec nous courtoisement. Je lui dis quand même : « vous savez ce que vous racontez sur nous, ce n’est pas la vérité ; nous sommes des nationaux-communistes ! » Il m’a répondu : « nous le savons parfaitement, vous imaginez quoi ? Nous avons mis 20 ans à nous débarrasser du PCB. Vous croyez quoi ? Que c’est pour sourire à un nouveau concurrent ? ».
Ca s’est passé comme ça dans beaucoup de pays en Europe. Hors d’Europe par contre, bien entendu, ça se passe très bien, il y a des gens de tous les milieux radicaux avec qui nous travaillons couramment.

La technique du mensonge vis à vis du PCN s’est faite en trois parties, et c’est amusant parce que nous avons vu le même schéma à l’œuvre dans les partis traditionnels, et puis dans les formations principalement d’extrême-gauche. Puisque vous savez qu’actuellement dans ce qui reste de l’extrême-gauche européenne — elle est en train d’éclater —, il y a une partie qui se dirige avec les trotskistes vers le mouvement alter-mondialiste et il y a ce que l’on appelle les staliniens et les néostaliniens. Nous sommes actuellement en concurrence idéologique avec le PTB pour le contrôle des derniers mouvements staliniens. Donc, ça vous explique les haines qui peuvent exister.
Le schéma qui a été appliqué est toujours le même. On a commencé à parler beaucoup de nous mais en mentant. Puis, on est passé à l’ironie. L’ironie, c’est quoi ? « Particule, groupuscule, insignifiant », etc. La troisième étape, c’est la plus redoutable : c’est l’étouffement, pour ne plus recruter. Depuis 1997, nous avons chaque année des centaines d’articles de presse sur le PCN, d’études universitaires, d’extraits de livres, un peu partout. En Belgique, vous les comptez sur les doigts de la main. On ne passe plus nos communiqués, on ne parle plus de nous. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons stoppé actuellement les élections en Belgique. Parce que se battre dans des conditions pareilles, ça ne sert à rien.

Un exemple du mensonge employé directement contre moi vaut la peine. Nous donnions la conférence de presse où on lançait le PCN en septembre 1984. Le PCN n’a pas été lancé publiquement lors de son Congrès fondateur de juin 1984. Il a été lancé lors d’une élection sénatoriale partielle à Charleroi en octobre 1984. Les partis traditionnels n’en voulaient pas et nous nous avons voulu la forcer. Nous avons eu, ça a été la seule et dernière fois, les télévisions nationales. J’ai été interviewé sur la RTB. Nous présentions un candidat ex-dirigeant maoïste, donc là on ne rentrait pas dans le schéma classique. Nous avons eu énormément de publicité. Là est sortie l’accusation fallacieuse et diffamatoire de « fascisme », d’ « extrême-droite », contre laquelle nous avons dû nous battre depuis le début.
Qu’est ce que la presse a raconté ? Tout est venu d’une dépêche de l’agence BELGA. La dépêche de l’agence BELGA était basée sur deux mensonges. Le premier mensonge : ils ont dit Luc Michel, « en 1968 à l’ULB » (l’Université de Bruxelles), était « un militant fasciste qui chassait les communistes, les arabes, les nègres et les juifs ». En 1968, j’avais dix ans, même précoce, je n’étais pas à l’université. Cette anecdote fait souvent rire nos camarades arabes et africains.
Le deuxième mensonge : ils avaient vu que nous avions un centre de formation qui s’appelait le CEPSE, le « Centre d’Etudes Politiques et Sociales Européennes », qui avait été fondé par Jean Thiriart en 1964. Et ils ont dit : « le CEPSE vient d’inviter en compagnie de Roger Nols, un politicien libéral belge alors très connu, Jean-Marc Le Pen ». C’est la première visite de Le Pen en Belgique. Ceux qui avaient invités Le Pen à l’époque, c’était une officine de droite, le CEPE (« Centre d’Etudes Politiques Européen »). Nous avons réagi immédiatement, à l’époque ça marchait encore. Je crois que c’est un cas unique. Nous avons eu 37 droits de réponse publiés en 2 jours. Le mensonge n’a jamais cessé depuis !

Le plus lamentable, ce sont les gens qui nous connaissent et qui mentent, parce qu’ils sont attachés au Système. Un exemple lamentable, parce qu’au départ c’était quelqu’un de bien, c’est le cas de Manuel Abramovicz. Abramovicz était un journaliste indépendant et c’est l’homme qui s’est intéressé le plus au PCN en Belgique. Il a publié à partir de 1991 plusieurs articles sur nous. Honnêtes ! Honnêtes, parce que, bien que critique, il expliquait nos idées. C’est lui notamment qui a fait le grand article sur le PCN en 1993 dans « TÉLÉ-MOUSTIQUE ». Les six pages avec photos couleurs qui ont fait beaucoup pour notre développement.
A la fin des Années 90, Abramovicz est devenu fonctionnaire au « Centre pour l’égalité des chances », un organisme para-étatique belge. C’est-à-dire qu’il est devenu un employé des services du premier ministre belge, dont dépend directement le Centre. Le groupe « Résistances » qu’il anime et qui avait parlé plusieurs fois correctement du PCN, notamment en expliquant que nous n’étions pas d’extrême-droite, est devenu une annexe de l’organisme officiel belge. Abramovicz qui avait écrit la même année dans le « COURRIER HEBDOMADAIRE DU CRISP », la référence belge en matière de politologie, que nous n’étions pas un mouvement d’extrême-droite, a commencé à lancer des campagnes diffamatoires contre le PCN sur Internet. Vous avez là quelqu’un qui sait pertinemment bien qu’il ment. Il ment, pourquoi ? Parce que c’est la voix de son maître : il est au service de l’appareil d’État belgicain.

Quelle a été notre réaction ? Dans certains pays européens, la critique a gardé un certain niveau. En France, par exemple, les mesures qui ont été prises contre nous sont des mesures qui sont prises contre tous les petits partis, ce n’est pas spécifique au PCN. C’est correct. Nous avons accès aux journaux, notre presse est diffusée en kiosque. En Italie, j’ai été gravement attaqué devant la commission parlementaire sur le terrorisme. J’y suis présenté, ce qui est exact, comme le « fondateur-idéologue du National-communisme », mais je n’ai rien à voir avec des poseurs de bombe.
Mais en Belgique, là ça a dépassé toutes les limites. Nous en avons tiré les conclusions en 1999, jusque-là, nous étions indifférents à la situation Belge. Vous savez que nous nous battons pour une République européenne. Nous pensons que l’Europe débouchera sur un État européen, et nous étions indifférents au sort de l’État belge. C’est-à-dire que, pour nous, l’État belge et la monarchie, comme l’État français ou italien, ce sont pour nous des formes dépassées de la politique qui vont disparaître avec le temps. C’est un peu comme le grand Duché de Bade en 1840 qui a disparu avec l’unification allemande. Mais l’attitude de l’État belgicain contre nous a fait que nous avons pris des positions républicaines radicales, et depuis le PCN est résolument engagé dans le mouvement républicain en Belgique. Nous sommes maintenant engagés pour la disparition de l’entité belgicaine, contre la monarchie et nous soutenons toutes les formations républicaines quelles qu’elles soient. Ca, ça a été notre réaction de notre côté. Le Pardon des offenses ne fait pas partie des vertus politiques que le PCN pratique.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Vos positions, on l’imagine, ont dû provoquer aussi des réactions à la fois chez les Soviétiques ( que vous incluiez dans vos projets d’Empire euro-soviétique) et chez les Américains et les services secrets de l’Ouest qui devaient se demander pour qui vous « rouliez ». Que pouvez vous nous en dire ?

Luc MICHEL : Il faut tout d’abord partir du climat politique européen dans lequel se crée le PCN. Parce qu’autrement on ne comprend pas les choses. Mais cela n’a été analysé par aucun politologue. C’est l’époque où toute l’Europe est partagée et parcourue par les grandes manifestations pacifistes contre les « Euromissiles » américains.
Il y a une agitation importante et en Allemagne se développe un phénomène intéressant. Il y a ce que l’on appelle la naissance du mouvement « national-neutraliste », la « Gauche nationale-neutraliste ». Beaucoup de politologues on dit que ce mouvement avait des connotations national-bolcheviques, c’est aussi intéressant pour la suite. De ce mouvement vont sortir les « Groenen », les Verts allemands. Mais première version, pas les putains vertes actuelles à la Fischer qui sont au gouvernement allemand. Mais le mouvement radical des Années 80. Le choix des Nationaux-révolutionnaires allemands, qui sont dans la lignée de Niekisch notamment, c’est alors de soutenir et d’entrer dans le mouvement des « Groenen ». Vous aviez par exemple Paul Weber, un ami de Niekisch et de Jünger, l’homme notamment qui a fait peut-être le dessin anti-hitlérien le plus fameux. C’est la couverture du livre de Niekisch, « HITLER, UNE FATALITÉ ALLEMANDE », un squelette en uniforme de S.A. qui conduit une foule à l’abîme. Et qui sera repris sur plusieurs affiches du PCN contre le « Front National » en 1995-99. Paul Weber va dessiner les premières affiches des « Groenen ».
En Belgique, le même mouvement existe mais en beaucoup plus petit. Pourquoi ? Parce qu’il y a moins de pressions psychologiques qu’en l’Allemagne. S’il y a une guerre nucléaire limitée, elle va se passer sur le sol allemand, les Allemands sont directement, profondément concernés. Il y a aussi le problème de la réunification. En Belgique, on brasse des gens moins nombreux. Le mouvement pacifiste se limite à rassembler les gens qui sont déjà politisés dans les mouvements radicaux. L’épicentre de tout ça, c’est la base de Florennes qui est à une vingtaine de kilomètres de Charleroi, et où doivent être installés les missiles nucléaires tactiques yankee. A Florennes, avec le groupe que j’anime à l’époque, national-révolutionnaire, au sens allemand des Années 1920-33, nous allons manifester, nous tractons, nous rencontrons là-bas d’anciens maoïstes qui sont en rupture du PTB notamment. Nous rencontrons des écologistes qui ne sont pas en train de prendre le tournant régimiste que les Verts belges sont en train de prendre, c’est-à-dire de rentrer dans le Système. De ces rencontres qui vont durer environ une année, va naître le PCN.
Vous devez savoir que le PCN en fait est apparu entre son Congrès fondateur de juin 1984 et une élection sénatoriale partielle que nous avons essayé d’imposer à Charleroi en octobre 1984. Mais que le travail préparatoire s’est effectué de nombreux mois avant, en particulier par le développement de la revue « CONSCIENCE EUROPEENNE », mais aussi l’activité d’une ASBL qui s’appelait « Nation-Europe » et qui a servi, si je puis dire, de tremplin au PCN.

Le PCN à sa naissance c’est quoi ? C’est la rencontre de l’idéologie communautariste, appelez ça les idées de Jean Thiriart, avec des militants radicaux qui ne sont plus d’accord de rester dans leurs différentes extrêmes, qui veulent faire un mouvement uni de contestation du Système.
Dès le début, ça a été relevé par le CRISP, ça a été souligné par la plupart des politologues sérieux, il y a les trois composantes de ce que nous nous appellerons le « Front noir-rouge-vert ». Et que je vais théoriser à la fin des Années 80 : « Noir » qui est la couleur des nationaux-révolutionnaires, « Rouge » qui est la couleur des léninistes, des communistes, des socialistes, des nationaux-bolcheviques russes, et « Vert » qui est la couleur des écologistes..
Le PCN, c’est l’enfant du national-neutralisme en Belgique. Ce n’est pas du tout un mouvement d’extrême-droite ou un mouvement d’extrême-gauche. Mais c’est aussi autre chose, tout simplement parce que j’ai rencontré Jean Thiriart en 1982, et nous avons décidé ensemble de relancer son Organisation.

Comment est-ce que ça se passe ? Vous savez que Jean Thiriart dirige un mouvement très important jusqu’en 1969-70, « Jeune Europe », puis le « Parti Communautaire Européen ». A la fin, il est face à un échec politique, le mouvement est exsangue financièrement, Thiriart y a englouti sa fortune personnelle. Thiriart a commis à l’époque une erreur — je vous ai dit que nous étions critiques —, il a cru que la guerre du Vietnâm allait déboucher sur une Troisième guerre mondiale. Il a cru que les Chinois allaient s’engager contre les Américains et que la guerre se poursuivrait en Europe. Toute l’activité de Thiriart entre 1967 et 1970 c’est de créer un outil politico-militaire destiné à encadrer des maquis anti-américains lors de la Troisième guerre mondiale en Europe. Son projet, c’est de créer des « Brigades européennes ».
Quelle est l’origine des « Brigades européennes » ? Le concept théorique — ça ne dépassera pas malheureusement la théorie —, c’est d’une part les Brigades internationales du KOMINTERN, et c’est le mouvement de Garibaldi, les fameuses « chemises rouges » du mouvement d’unification italienne, le Risorgimento.
Le but, c’est de créer des formations militaires européennes qui vont aider à la Révolution anti-impérialiste hors d’Europe. L’idée de Thiriart, c’est d’aller encadrer le mouvement palestinien naissant. Je vais vous dire ce qu’il en a été. A l’époque notre Organisation est la première qui a soutenu le FATAH, c’est la première qui a soutenu le mouvement palestinien — avant l’extrême-gauche. Le premier Européen qui meurt les armes à la main sur le sol Palestinien occupé, donc en Israël, s’appelle Roger Coudroy. C’est un ingénieur belge, il était membre du « Parti Communautaire Européen » (PCE). Il y a donc des liens qui existent. La Résistance palestinienne est naissante, il faut lire les mémoires d’Arafat. Ils ne sont nulle part à l’époque. A la première occasion — une crise politique ou la Troisième guerre mondiale —, les « Brigades européennes » devraient revenir en Europe, encadrer des maquis et créer un mouvement insurrectionnel. Qu’est ce que Thiriart appelle une crise politique ? La mort de Franco ou la mort de de Gaulle. Thiriart part faire une tournée au Moyen-Orient à l’Automne 1968 et il va présenter aux Irakiens son projet de « Brigades Européennes ». Le Ba’ath vient de prendre le pouvoir à Bagdad et il est reçu par le vice-président : Saddam Hussein, que personne ne connaît encore puisque c’est le général Al Bakr qui est le chef de l’Etat. Mais Saddam Hussein est le véritable patron. Les Irakiens sont très intéressés mais ils prennent l’avis des Soviétiques. A l’époque, la révolution ba’athiste est très fragile et elle va l’être encore pendant plusieurs Années, et les Soviétiques mettent un veto immédiat. Voilà pourquoi les « Brigades Européennes » n’ont pas vu le jour. Thiriart revient en Europe et il est confronté à une deuxième crise. C’est important que je vous la raconte, parce que c’est la première fois que je m’en explique pour des raisons qui tiennent à une demande de Jean Thiriart.
Thiriart est donc confronté à une seconde crise. Il y a eu le mouvement étudiant de mai 68. Il considère, lui, que le mouvement étudiant est une farce. Il appelle ça une « éruption de boutons de fièvre ». Mais en Italie, les militants de « Giovane-Europa et du « Parti Communautaire Européen », eux ont été partie prenante du mouvement étudiant et ils ont fait des actions communes avec des marxistes-léninistes en Italie. Ca c’est une des caractéristiques de l’Italie : il y a notamment des tracts communs du « Parti Communiste Marxiste-Léniniste » d’Italie et de « Giovane-Europa », car en Italie, et en Italie seulement, le nom continue à être utilisé. Il y a des affiches communes, des actions communes. En Belgique, à la même époque, c’est la guerre dans la rue entre les maoïstes et les militants de Jean Thiriart, c’est deux monde complètement différents. L’idée des Italiens, c’est de rentrer dans le mouvement étudiant, si vous voulez : de faire de l’entrisme, et Thiriart n’est pas d’accord avec ça. Il y a une réunion qui se passe à Imperia, près de la frontière italo-française. Thiriart y est mis en minorité. Il part en claquant la porte, ça ne lui était jamais arrivé et les cadres se disent « ça va lui passer ». Mais ça ne lui est pas passé.

C’est-à-dire qu’il décide de replier l’Organisation pendant un certain temps sur ses activités syndicales. C’est très peu connu. Jean Thiriart n’a pas été seulement un penseur politique, un chef de mouvement politique, il a été aussi le principal leader syndical dans le monde de l’optique, des opticiens, des optométristes, dans toute l’Europe. Il a notamment fondé le seul syndicat unitaire européen qui s’appelle le « Syndicat d’Optométrie d’Europe » (SOE), dont il a été le patron et le théoricien pendant 20 ans. C’est un syndicat où les dirigeants sont élus au suffrage universel européen direct des membres. C’est notamment Thiriart qui a défendu, face aux médecins, les opticiens et optométristes dans toute l’Europe et qui a négocié avec l’Union Européenne les deux lois qui organisent la profession en Europe. C’est aussi le fondateur de l’enseignement d’optique en Belgique.
A partir de 1964-66, Thiriart a commencé à utiliser ses activités syndicales pour financer ses activités politiques, par exemple LA NATION EUROPÉENNE. Les derniers numéros étaient faits sur les mêmes machines et étaient payés par le syndicat. Tout ça était à la milite de la légalité bien entendu. Il a fait rentrer des cadres du mouvement comme permanents syndicaux. L’idée de Thiriart, c’était de se replier quelques Années, de former une série de cadres, et puis de redémarrer. En 1969, dans le dernier numéro de LA NATION EUROPÉENNE, il publie un article qui s’appelle « L’Europe, un acte d’intelligence » qu’on a pu appeler son « testament politique », à l’époque. Si vous le lisez — il faut le lire entre les lignes —, il explique ce qu’il va faire. Ca vous donne la raison pour laquelle je m’en explique seulement maintenant : Thiriart m’avait fait demander à l’époque de ne pas en parler avant 20 ans. Tout simplement, parce qu’il y avait encore il y a quelques années des anciens cadres du PCE qui étaient encore employés dans ce syndicat, et ils auraient été virés si ça avait été su. Maintenant, il y a prescription, les choses sont terminées.
Le problème qui va se poser, c’est que faire de l’entrisme dans un syndicat si le Parti n’a plus d’activité politique revient en fait à l’euthanasier. Thiriart ne reprendra jamais d’activité politique militante. Son groupe va se réduire de plus en plus, se réduisant à un réseau de contacts et à la diffusion de quelques lettres-circulaires par Thiriart.

Quand je rencontre Thiriart au début des Années 80, il a recommencé à écrire. C’est lui notamment qui crée toutes les théories sur « l’Empire euro-soviétique ». Thiriart ne veut plus militer, il est dégoûté de la vie militante. Il a fait plusieurs prisons politiques, sa femme qui avait vécu une vie d’enfer en 1960-70 n’en voulait plus. Vous devez savoir que son fils n’a pas pu faire ses études universitaires en Belgique, c’était le fils de Thiriart ! Il a été obligé de faire ses études en s’expatriant au Canada. Donc, Thiriart ne voulait pas replonger là-dedans. Quand je l’ai rencontré en 1982 et contrairement à ce qui s’était passé avec d’autres, avec lesquels le courant ne passait pas du tout, nous sommes tombés de suite en empathie. Il a commencé par me donner accès à ses archives et on a rapidement ensemble pris un projet de redémarrage.
Le projet s’est fait sur une base très simple. Thiriart écrivait et avait la totale liberté d’écrire. Donc, il avait un droit de publication sans censure dans notre presse. Moi, par contre, j’étais le seul maître à bord au niveau de la direction de l’Organisation. Donc, lui n’intervenait pas.
Il nous a cédé les archives, il nous a mis en rapport avec quelques anciens, c’est comme ça qu’on a connu ceux dont je vous ai parlé. Il nous a financé les premières années, nous a installé un secrétariat pour l’édition et la presse dans ses bureaux de Bruxelles. On a démarré comme ça, mais Thiriart n’a jamais eu la carte de membre, ne participait pas aux décisions du PCN. Il nous aidé par exemple lors de dépôts de listes électorales en 1985 à Bruxelles. Il nous a assisté dans des opérations, comme l’occupation de l’ambassade des Etats-Unis à Bruxelles, lors du 40éme anniversaire d’Hiroshima. Voilà, pour que vous compreniez comment a démarré en fait notre collaboration.

Nous avons donc directement repris les thèses euro-soviétiques de Thiriart et nous sommes entrés en contact avec l’ambassade de l’Union Soviétique à Bruxelles. Nous avons été aimablement reçus. Vous devez savoir que les Russes étaient très méfiants, mais en même temps on était pour eux un peu une divine surprise, parce qu’ils ne disposaient plus du tout de relais d’agitation en Belgique. Le « Parti Communiste Belge » est alors en voie de social-démocratisation et son quotidien, LE DRAPEAU ROUGE, à l’époque est, comme toute la presse belge, financé par des publicités payantes de l’OTAN. Les anciens communistes s’en vont et LE DRAPEAU ROUGE ne relaie absolument pas. Il y a encore quelques campagnes anti-américaines entre 1980 et 1985, mais sporadiques.
Nous avons fait notamment avec les Soviétiques la grande campagne de diffusion de la brochure « Qui menace la paix ? », qui a servi à faire aussi un numéro de CONSCIENCE EUROPEENNE – dont une édition spéciale en russe. Mais on a surtout diffusé à 100 000 exemplaires la brochure en trois langues dans les manifestations, etc. C’est comme ça que nous avons rencontré les deux traducteurs russes de Thiriart qui étaient des attachés militaires. Nous avons diffusé par les Editions Machiavel des textes « euro-soviétiques » en Russe en quantité très importante.
Il y a eu aussi une traduction directe de l’intérêt que les Soviétiques nous portaient : en 1997, le professeur Kniajinski, le responsable de tout ce qui concernait les affaires européennes, d’unification européenne, au sein du Département idéologique du Parti Communiste de l’Union Soviétique, que dirigeait Boris Panomarev. Le professeur Kniajinski a longuement rencontré Thiriart en 1987 à Bruxelles, et la rencontre a été organisée par le biais des « Amitiés belgo-soviétiques », où Thiriart avait de nombreux amis. Ceci pour vous préciser les relations qui peuvent être les nôtres, qui ne correspondent pas toujours au mauvais costume qu’on veut nous faire porter.

Les réactions au niveau maintenant des polices proprement dites, puisque c’était votre question, eh bien ça s’est passé très simplement : nous avons été, pas uniquement à cause des positions soviétiques, mais aussi de l’affaire des CCC, une des cibles principales des polices politiques belges, entre la fin de 84 et 86. Thiriart et moi-même avons été accusés d’être en fait les véritables idéologues des CCC. Il y a une chose qui est réelle dans tout ça, c’est que nous avions diffusé beaucoup de textes dans les milieux proches d’ « Action Directe » notamment, et qu’un certain nombre de nos thèmes ont été repris dans l’idéologie des « Cellules Communistes Combattantes ». Nous avons donc subi des filatures, des surveillances, etc. Nous y avons mis un terme en révélant publiquement l’utilisation d’anciens militants du WNP, un groupuscule néo-nazi, pour les fonctions de surveillance. A plusieurs reprises ensuite, on a découvert notamment la fameuse secrétaire de Thiriart qui a été virée en 1987
Nous restons surveillés évidemment. Nous sommes une cible des services de l’OTAN, ça c’est clair. Lorsque je franchis un aéroport, j’ai parfois des contrôles plus poussés que d’autres. Lorsque je suis retourné pour la première fois en Russie par avion, après la chute de l’Union Soviétique, ma valise s’est perdue à Frankfort et a été ouverte à Tel-Aviv…, Ca fait partie des risques de nos positions.
Il faut savoir que ces choses existent. Il y a des livres qui ont été écrits, très peu en Belgique, mais beaucoup en France, par exemple, sur la façon dont les « Renseignements Généraux » ou la DST travaillent, tout ça fonctionne comme ont fonctionné toutes les polices politiques des pays totalitaires. Vous devez savoir que la police politique moderne a une origine, c’est la police politique tsariste, l’Okhrana. Toutes les méthodes qui sont encore employées actuellement, la provocation, l’infiltration, la surveillance, etc., tout ça a été mis au point dans la Russie de 1880 à 1917. Les autres services n’ont fait que copier ça.
L’une des techniques qui est employée, elle avait été mise au point par l’Okhrana, c’est la création de groupuscules fantômes concurrents d’un mouvement qu’on veut détruire. Comment fait-on ? Eh bien, soit on pousse à la dissidence ou bien, si ce n’est pas possible, vous avez des agents provocateurs qui créent un mouvement qui reprend une partie des idées et puis qui les déconsidère. C’est le rôle que les groupuscules rouges-bruns jouent en France, ou en Belgique, ou en Russie, par exemple, contre le PCN ou contre le Parti Communiste russe. Il s’agit de présenter une caricature de ce que nous sommes et de l’associer à des scandales. Lénine a parlé longuement de ça, et Lénine disait, et je suis tout à fait d’accord avec lui, et Thiriart aussi était d’accord avec lui, « laissez faire, ils sèment pour nous ». Même si sur le moment ça nous fait du tort, même si c’est énervant, à long terme ils sèment nos idées et ils nous fournissent des cadres. Et c’est ce qui s’est passé. A chaque fois qu’en Belgique ou en France le Système a voulu nous créer des concurrents idéologiques fantômes, leurs militants ont fini par venir nous voir et on les a récupéré. On les a parfois aidé un peu, bien entendu !

Il faut partir d’un certain nombre de précautions. Vous devez savoir par exemple, je ne parle pas pour vous, mais nous avons vu souvent arriver des pseudo étudiants qui n’en étaient pas, dont on ne trouvait pas trace dans les universités, dont on n’a jamais vu les mémoires sortir, ni faire une interview de synthèse. On sait que le courrier, les emails sont interceptés, mais il faut faire avec, c’est tout. Nous ne sommes pas des poseurs de bombes, nous ne sommes pas des terroristes.

La seule chose que nous avons faite, parce que nous avons tiré les conclusions de trop de problèmes, nous sommes revenus en 1999 à la structuration en cellules, c’est-à-dire que le PCN est entièrement structuré en cellules, que les adhérents de cellules, le plus souvent, à part les cadres, ne se connaissent pas. Nous avons dû malheureusement renoncer à certaines activités publiques, comme des meetings, comme des conférences, ou des choses comme ça. Il y a au PCN des gens qui se connaissent ou qui apparaissent, se regroupent, il y a des gens qui ne le peuvent pas, eux ne se regroupent pas.
Et nous avons beaucoup étudié les mouvements trotskistes et nous avons récupéré un certain nombre de leurs techniques, notamment l’utilisation de pseudonymes pour protéger certains membres, certaines méthodes d’infiltration, notamment chez les concurrents, et nous avons conservé surtout une chose qui pour nous est importante, c’est-à-dire ce qu’on appelle la « Section hors-cadre », c’est-à-dire que les militants qui ne peuvent pas apparaître sont repris à part dans le Parti et, comme cela, peuvent rendre service.

Nous avons tiré les conclusions et nous avons aussi rendu les coups ! C’est-à-dire que plusieurs fois des fonctionnaires, des magistrats ou des gens de services de police qui ont été trop loin ont été traînés devant les tribunaux. Vous n’arrivez jamais à des condamnations, mais c’est une page noire dans un dossier, qui vous coûte une bonne carrière.
Et nous suivons à la trace, en permanence, les groupes barbouzards pour les briser.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : En règle générale, les observateurs ont du mal à vous situer sur l’échiquier politique. Comment vous-même résolvez-vous cette délicate question ? Reconnaissez-vous quelque pertinence aux clivages tels qu’ils sont couramment admis ?

Luc MICHEL : Nous ne nous situons pas sur l’échiquier politique. Notre but est de renverser l’échiquier politique et de mettre fin à la partie !
Donc nous considérons que les vielles classifications sur une base linéaire, qui va de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, n’ont aucune pertinence. Vous savez qu’il y a une autre façon de classer les gens politiquement dans les pays anglo-saxons, c’est suivant les tempéraments ou les caractères politiques, et dans ces cas-là, par exemple, un militant national-révolutionnaire ou un stalinien est situé d’un même coté et un gauchiste ou un libéral est situé de l’autre coté. Cette classification a un avantage, elle explique les passages politiques d’une extrême à l’autre. Elle explique comment, fréquemment, des Staliniens sont passés dans les milieux nationalistes, comment des nationalistes sont devenus Staliniens. Elle explique aussi comment beaucoup d’anciens gauchistes sont devenus de bons libéraux. L’exemple typique en Belgique c’est feu Jean Gol, que maintenant plus grand monde ne connaît, mais qui était la star politique des Années 80. Ancien leader gauchiste en mai 68, devenu le ministre le plus pro-américain et le plus libéral de Belgique. Il faut savoir aussi qu’il était sioniste, ça explique beaucoup de choses…

Nous ne nous situons donc pas du tout sur l’échiquier classique, nous aimons citer l’écrivain espagnol José Ortega y Gasset qui disait qu’ « être de droite et de gauche sont deux manières pour l’homme d’être un imbécile, parce que ce sont deux formes d’hémiplégie mentale ».
Le PCN en fait, que ce soit par sa constitution, son origine, mais aussi sa stratégie, c’est-à-dire la constitution du Parti révolutionnaire autour d’un « Front uni anti-Système », évidemment vise à rejeter l’ancien échiquier traditionnel. Et nous ne parlons pas en vain. L’origine de notre Parti, c’est bien clair, le prouve. Nous avons dés le départ regroupé des gens venant de différentes origines.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Donc, on vient de parler des militants, quels sont les types de militants que vous avez recrutés ? Quel est le développement de votre parti de ce point de vue-là ?

Luc MICHEL : Je vous ai un peu éclairé là-dessus lors de la question où j’ai abordé le « National-neutralisme » : dès le début, nous avons été un point de rencontre pour des militants issus de diverses formations révolutionnaires et pas des « militants d’extrême- droite », comme on l’a écrit parfois et qui ne se retrouvent pas dans notre idéologie. Des militants venus de la Gauche, du Socialisme, du Maoïsme, du syndicalisme — beaucoup dans les années 80 — et des militants écologistes radicaux. Toute notre histoire, toute notre stratégie de recrutement et de développement a été de régulièrement aller chercher dans ces trois mouvances nos cadres et nos militants.

Nous l’avons fait sur une base individuelle vis-à-vis de gens d’extrême-gauche. On occulte trop souvent la présence de militants d’extrême-gauche au PCN ! Jje vais vous donner un exemple, parce qu’il est typique, c’est hélas le regretté secrétaire-régional du PCN wallonie, Jacques Vassamillet, puisqu’il est prématurément décédé il y a deux ans. Il nous a rencontré en 1994, dans le cadre d’une action antifasciste contre le « Front National » belge. Il était entré au Parti venant directement du Parti Communiste Belge. C’était aussi un dirigeant des mouvements patriotiques liés à la Résistance. Et il a été l’un des piliers du PCN pendant les Années 1994-2000. Ce parcours est significatif, et il y en a beaucoup d’autres. Et pas seulement en Belgique. Le premier secrétaire-régional du PCN à Paris était un ancien maoïste de L’HUMANITÉ ROUGE, Jacques Boussaboua.

Généralement nous allons chercher les gens à la base, mais dans deux cas, un cas général et un cas particulier, nous sommes sortis de là.
Le cas particulier, c’est celui de l’Association « Europe écologie », une association qui a été créée en Wallonie, dans la région de Charleroi, au début des années 80. Et qui se situe en rapport avec ce que les Anglo-Saxons appellent la « Deep Ecology », ce que nous nommons nous l’ « Ecologie radicale », ce sont des mouvements comme « Earth First », les « éco-guerriers », etc. C’est un mouvement que nous avons rencontré dans le cadre d’actions dans la région de Charleroi, de nature écologique. Je suis devenu leur conseiller juridique et nous avons pris un accord d’association en 1987. Ils ont formé ce que nous appelons la « Fraction verte » du Communautarisme européen. Pourquoi « fraction » ? Parce que contrairement à toutes les autres structures du PCN, ils ont un pied dedans et un pied dehors, c’est-à-dire que « Europe écologie » a aussi des activités hors du PCN. Plusieurs cadres ont la double appartenance.

Dans un autre milieu qui est celui des mouvances national-révolutionnaire et national- bolchevique, nous avons mené des opérations de récupération à grande échelle. Parce que nous exerçons une hégémonie idéologique dans ces milieux. Nous sommes les fondateurs du courant, nous sommes les plus forts et les plus anciens. Nous avons récupéré de nombreux groupes, comme le « Partisan européen » en France, le groupe « Partisan », en Belgique, ou encore « Nouvelle Résistance » en France en 1996. Tous ces mouvements ont été absorbés par le PCN.

Je dois aussi vous dire un mot sur l’activité électorale du PCN en Belgique et en France, parce qu’elle a été très importante jusqu’en 1999. Depuis nous faisons une pause, parce que ça ne correspond plus aux possibilités politiques belges, où tout à été fait pour limiter l’émergence de petites formations, et à ce que nous faisons à d’autres niveaux plus utiles et plus féconds au PCN.
Nous avons toujours présenté beaucoup de candidats, nous avons présenté des listes au Sénat, au Collège francophone, au parlement européen, dans la plupart des arrondissements belges, au niveau fédéral le plus élevé. Tout ce que je vous dis là est constatable, il suffit d’aller voir les listes. Une des caractéristiques du PCN — il y a des études universitaires là-dessus —, c’est qu’avec le PTB, nous sommes le mouvement qui a présenté entre 1980 et la fin des Années 90, le plus de candidats d’origine étrangère en Belgique. Nous avons présenté des candidats d’origine hongroise, polonaise, italienne. Nous avons présenté des candidats d’origine arabe et africaine. Vous devez savoir que nous avons présenté la première tête de liste d’origine arabe en Belgique aux élections. Nous avons présenté la première tête de liste africaine noire aux élections en Belgique. Tout cela est dissimulé évidemment dans la presse lorsque l’on parle de nous. Et nous avons aussi, pour qu’il n’y ait pas d’équivoque, puisque le PCN est radicalement antisioniste, mais totalement opposé à l’antisémitisme que nous combattons, à plusieurs reprises en France et en Belgique, présenté des candidats de confession ou d’origine hébraïque.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Souvent situé à l’extrême droite, vous rejetez pourtant totalement cette position mais en même temps les milieux d’extrême-gauche refusent de vous reconnaître comme faisant partie des leurs. Comment expliquez-vous cela ?

Luc MICHEL : La formulation de votre question n’est pas tout à fait exacte en ce qui concerne le volet extrême-gauche, mais je vais m’en expliquer.
La classification à l’extrême-droite, qui est extrêmement incapacitante, est évidemment une des armes développées par le Système contre nous. Je vous ai expliqué comment elle avait été employée dès les débuts du PCN, elle a été employée bien entendu largement contre Thiriart. Elle ne correspond évidemment ni à la réalité de notre ligne politique, ni à notre idéologie, ni à notre pratique. Vous devez savoir qu’en Belgique, et dans une moindre mesure en France, nous sommes l’adversaire principal du « Front National ». Nous avons pendant 10 ans ramené le FN belge au stade d’un groupuscule. Je l’ai notamment en 1995 privé d’un sénateur, de trois députés, du financement public de l’état, 1.250.000 Euros en monnaie équivalente de l’époque par an. Nous animons un collectif antinazi : le collectif « Résistance européenne – Europaische Widerstand ». Nous nous situons dans la ligne de la résistance allemande national-bolchevique, contre le Nazisme, qui a été très importante.
Donc la classification à l’extrême-droite est une insulte, mais surtout une arme. Il faut souligner qu’à l’extrême-droite on dit exactement l’inverse : nous sommes traités de « communistes ». C’est une arme particulièrement redoutable vis à vis du PCN, puisque notre champ de recrutement inclut largement l’extrême-gauche, et les milieux écologistes, et qu’évidemment une qualification d’extrême-droite est destinée à nous empêcher d’y progresser.

Face à cela, il faut voir ce que les politologues sérieux, et pas les journalistes, disent du PCN. Je ne veux pas être trop long mais je vais vous citer quelques analyses qui ont été faites sur lui.
Christophe Bourseiller, spécialiste reconnu du sujet, situe le PCN dans son livre « LES ENNEMIS DU SYSTÈME » parmi les « nationalistes de gauche ».
Le journal LE MONDE (5 mai 1998), classe la candidature du PCN à l’élection partielle de Toulon d’avril 1998 parmi « l’extrême-gauche ». VAR-MATIN précise que cette liste s’intitulait « Les jeunes contre Le Pen et pour l’interdiction du FN ».
François Heinderyckx, professeur à l’Institut des Sciences politiques de l’Université Libre de Bruxelles, classait le PCN à l’occasion des élections européennes de 1999 parmi la « gauche révolutionnaire » (Dossier spécial Elections 1999, analyse des campagnes, consulté sur le site internet d’INFONIE, Belgique).
Le COURRIER HEBDOMADAIRE DU CRISP (n° 1598-1599 . 1998), revue scientifique belge de sciences politiques — la référence en Belgique — écrivait sur le PCN en 1999 ce qui suit : « Le programme et les actions du PCN sont en opposition avec les thèses racistes des formations d’extrême-droite classiques. Ce parti se revendique du « Communautarisme européen » et est constitué, selon un document interne, de 7 tendances politiques (nationale-bolchevique, léniniste européenne, syndicaliste révolutionnaire, nationale-révolutionnaire, vert radicale, socialiste radicale et démocrate européenne) ». Les auteurs de ce « rectificatif » sont Manuel Abramowicz, dirigeant du site antifa « RésistanceS » et Win Haelstermann, du Front Antifasciste, qui étiquettent aussi le PCN comme « parti national-communiste ».
Dans son édition consacrée aux élections législatives belges de 1999 (n° 6, printemps 1999), RÉSISTANCES dressait la liste exhaustive de toutes les formations d’extrême-droite belges. Le PCN n’y figure pas et est repris parmi les « formations alternatives susceptibles d’enlever des voix à l’extrême-droite ».
A noter aussi que L’ANTISEMITISM WORLD REPORT 1993, publié à Jérusalem par l’Institute of Jewish Studies, dans son édition anglaise, s’il reproche au PCN son antisionisme, précise que « The PCN is not a far-right organisation ».
Enfin, le CVIPMA, proche du PCF, nous classe comme « antifascistes idéologiques » et « staliniens aigus ».
Je crois que l’avalanche de citations venant d’autant de sources ne permet pas d’équivoque.

Vous me parlez de l’extrême-gauche. Il est exact que le PCN est considéré comme un adversaire par l’extrême-gauche institutionnelle belgo-française : en gros les milieux trotskistes, les milieux du PTB, la mouvance du PCF. Mais, c’est tout simplement parce que nous sommes pour eux des concurrents idéologiques, en lutte justement pour le contrôle des restes de la mouvance stalinienne. Une analyse du site antifasciste CVPMA français, proche du PCF, publiée en 2002, l’explique très bien.
Plusieurs mouvements d’extrême-gauche, ailleurs dans le monde, travaillent régulièrement avec le PCN. C’est vrai en Afrique, c’est vrai dans le Monde arabe , en Amérique latine. Si vous voyez la liste des participants aux 3ème et 4ème « Universités d’été pour les mouvements verts, pacifistes et alternatifs en Europe », que le PCN a directement co-organisées en 2002 et 2003, vous verrez un nombre important de représentants de formations d’extrême-gauche, notamment britanniques, comme le « Socialist Labour Party ». Nous avons particulièrement des rapports de travail, d’amitié et de camaraderie avec un mouvement tchadien marxiste-léniniste qui s’appelle l’ « Actus ».
Même dans l’Espace francophone, nous avons accès à certains milieux d’extrême-gauche. Un site, qui est en marge du PCF, « Politique-Info », un site français qu’il ne faut pas confondre avec le « Politique-Info » belge, a publié plusieurs de mes textes. Une liste pro-cubaine, comme le « Cuba Solidarity Project », que vous connaissez peut-être sur Internet, publie régulièrement nos interventions. Je crois que l’arme qui vise à faire croire que le PCN est une formation d’extrême-droite est une arme de moins en moins opérante.

C’est aussi une arme redoutable pour ses utilisateurs. Elle peut éliminer évidemment des gens qui n’iront pas voir plus loin. Mais ceux qui se renseignent, qui viennent voir ce que nous sommes vraiment, ont dans la bouche un goût très désagréable, le goût amer des gens dont on s’est payé la tête. Et, beaucoup de nos contacts, beaucoup de gens avec qui nous travaillons, sont des gens qui, au début, sont venu voir qui nous étions vraiment.

Nous avons souvent fait des droits de réponse. Moi je ne suis pas du tout embêté par ça, mais nous avons une « réputation légendaire », comme le disait un hebdo belge en 1995. Nous ne laissons pas passer ce genre d’attaques. Sur le site du collectif antinazi « Résistance européenne », allez voir nos actions depuis 10 ans ! Je le dis sans orgueil, nous sommes le mouvement antinazi qui a obtenu le plus de résultats au cours des 10 dernières années. Nous avons brisé pendant 10 ans le FNB, nous avons renvoyé des tas de groupuscules dans les poubelles de la politique. C’est aussi une des raisons de la haine contre le PCN dans certains milieux d’extrême-gauche et antifascistes, car nous sommes la preuve du succès et nous sommes le révélateur de leur échec. Nous les appelons d’ailleurs les « antifascistes de salon ».
Nous avons aussi inscrit notre combat dans le cadre de la résistance national-bolchevique et national-révolutionnaire au nazisme. Nous avons rappelé à tous des militants exemplaires qui étaient volontairement oubliés comme les animateurs de l’ « Orchestre rouge », le « Réseau Niekisch », et bien d’autres. Je pense que ça aussi, c’est une indication de ce que nous sommes réellement.

Ce qui caractérise l’extrême-droite partout en Europe, c’est qu’elle est vertébrée autour de la xénophobie. C’était déjà le cas dans l’extrême-droite à la fin du siècle précédent, c’était le cas avant la guerre de 1939-45, après, puis maintenant. Tous ces mouvements tournent autour de la xénophobie : on désigne un ennemi qui est l’étranger. Cela évolue évidemment, vers des positions qui peuvent même aller jusqu’au racisme.
Le PCN lui, a une idéologie fondamentalement antiraciste. Comment pourrait t’il en être autrement ? Premièrement, nous concevons notre Communautarisme européen comme une idéologie à vocation universelle. Notre conception de la Grande-Europe, incluant les peuples des deux côtés de la Méditerranée avec égalité des droits politiques, empêche tout racisme. Nous avons des militants africains, arabes, nous travaillons avec des mouvements africains ou arabes. Prétendre après cela que le PCN est d’extrême-droite, c’est de la mauvaise foi absolue, crasse !
Je vais vous donner une dernière anecdote, parce qu’elle est révélatrice. Aux élections européennes et régionales belges de 1999, nous avons été contactés par la TV locale de Charleroi qui s’appelle Télésambre. Ils voulaient filmer une réunion électorale du PCN. Il s’agissait de « présenter les petites listes ». En fait les journalistes nous mentaient, il s’agissait de présenter l’extrême-droite à Charleroi. Ils sont donc arrivés plein de préjugés et de mauvaises informations, et le problème pour eux, parce que ça ne cadrait plus avec le sujet, c’est que la réunion avait lieu dans les locaux de l’ « Amicale des Algériens en Europe » de Charleroi, que l’assistance était composée uniquement de militants, à part moi, arabes et que nos candidats arabes, dont la tête de liste à Charleroi, présentaient notre programme, notamment en matière de droit de vote et d’égalité des droits civiques, pour tous ceux qui vivent et travaillent en Europe.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Vous avez, à travers la personne de Jean Thiriart, pris à Moscou des contacts avec la Russie. Comment et pourquoi ce voyage a-t-il été organisé et qu’en a-t-il résulté ?

Luc MICHEL : La Russie est chère à notre cœur, pour des raisons pratiques, car nous y avons eu un succès que nous n’escomptions pas. Vous savez que nous avions des contacts, que de nombreux textes de Thiriart étaient diffusés en Union Soviétique et, lorsque l’Union Soviétique s’est effondrée, l’opposition patriotique, c’est-à-dire des mouvements qui allaient des nationalistes aux communistes et à l’extrême-gauche, se cherchait, au niveau de l’organisation et au niveau de l’idéologie. C’est dans ce cadre-là que le voyage de Jean Thiriart à Moscou a été organisé.

Je voudrais ouvrir une parenthèse pour vous dire qu’il ne faut pas confondre le voyage de Thiriart avec les deux voyages qui ont été organisés en Russie par des animateurs de la Nouvelle droite à la même époque. Ces voyages ont été organisés tout à fait par des canaux différents, et ils n’ont pas rencontré le même succès. De Benoist et ses compères ont rencontré des personnalités de second rang et, comme l’a souligné LE MONDE DIPLOMATIQUE, mais en faisant une erreur, puisqu’il y assimilait Thiriart, leurs idées ont été totalement rejetées à partir de 1993. La dernière activité que j’ai faite avec Thiriart, puisqu’il est décédé malheureusement quelques semaines après son retour de Moscou, en novembre 1992, ça a été d’envoyer une série de droits de réponse, notamment dans la presse russe, pour bien expliquer qu’il n’avait rien à voir avec la Nouvelle droite.
L’ampleur du succès de Thiriart s’explique car ses idées étaient déjà connues et par les contacts qu’il y avait. Il a notamment été reçu en entretien privé par Igor Ligatchev, qui était l’ancien numéro deux soviétique, rencontre qui fut très amicale. Et il a rencontré ainsi Guennadi Ziuganov, qui était à l’époque l’homme qui essayait de relancer le Parti Communiste qui venait d’être interdit, et qui a créé quelques temps après le « Parti Communiste de la Fédération de Russie ».
Concernant l’idéologie et le programme de ce Parti, et c’est particulièrement dissimulé en France et en Belgique, le Communautarisme européen a exercé une grande influence. J’ai personnellement fourni la base du programme économique du KPFR, qui est directement le programme économique du Communautarisme, ce que nous appelons l’ « économie pluridimensionnelle ». Jean Thiriart a fourni les thèses géopolitiques. Encore actuellement Guennadi Ziuganov fait référence à l’ « Empire euro-soviétique ».
Dans la préface du dernier livre de géopolitique de Ziuganov en italien, « DHERZAVA » – Etat et Puissance -, on fait explicitement référence à la dette qu’il a envers Jean Thiriart. Comme le note Marco Montanari dans son introduction à l’édition italienne d’ « ETAT ET PUISSANCE », « Zouganov a recueilli, renouvelé et développé la leçon de Jean Thiriart, qui dans les dernières années de sa vie avait travaillé à un traité de géopolitique qui devait avoir pour titre « L’Empire euro-sovietique de Vladivostok à Dublin ». Avant de mourir, en 1992, le fondateur de « Jeune Europe » a rencontré Zouganov à Moscou et avait eu avec lui de longues conversations. « Etat et Puissance » est le résultat des ces entretiens entre Zouganov et Thiriart ».

Vous devez savoir une dernière chose : la géopolitique est très importante en Russie, elle fait partie notamment de ce qu’est enseigné aux jeunes officiers russes, dans les écoles de cadets. Et bien, dans le Manuel de géopolitique à l’usage des officiers russes, il y a un chapitre sur les théories de Jean Thiriart et sur l’Empire euro-soviétique.

Cela ne s’est pas arrêté là : vous devez savoir que la scène politique russe a été bouleversée, notamment avec l’arrivée de Poutine. Et il y a un phénomène particulier, c’est-à-dire que le Parti communiste russe de Ziuganov – parce qu’il y a cinq autres, mais qui pèsent peu – le KPRF est en plein déclin. Parce que ses idées ont essaimé dans presque toutes les formations politiques russes. Dans le parti de Poutine, mais aussi dans un autre parti qui a été créé pour les élections de 2003, qui est proche du Kremlin, et qui s’appelle « Rodina », on défend les thèses eurasiennes qui étaient celles de Jean Thiriart.

Notre impact à l’Est ne s’est pas exercé uniquement là, puisque nous avons d’importants contacts politiques et nous sommes reconnus en Serbie, au Belarus, et dans d’autres pays. Nous en avons fait fourni la base idéologique sur laquelle se sont créés différents mouvements qu’on appelle « nationaux-communistes ».
Et nous nous sommes nous-mêmes impliqués à l’est, puisque moi-même, mais aussi d’autres militants du PCN, nous sommes actifs dans différentes structures : dans la Diaspora serbe, mais aussi dans un mouvement transnational qui s’appelle le « Congrès panslave ». En Russie le Congrès panslave est contrôlé par le KPRF, il a l’appui de Poutine. Et au Bélarus, il a l’appui du président Lukashenko. Aux différentes réunions et congrès du Congrès panslave, nous prenons la parole, exposons notre programme, et une grande partie de nos thèses eurasiennes sont reprises.
Ceci pour vous dire qu’il ne faut pas juger le PCN sur ses mauvais résultats électoraux, qui sont ceux de tous les petits partis en Belgique, mais sur son influence idéologique qui est infiniment plus importante.

La Russie est importante pour nous, comme l’était l’Union soviétique, pour des raisons très simples, qui sont pratiques, et pour des raisons idéologiques. Les raisons idéologiques sont très simples. Le national bolchevisme s’enracine dans le mythe de la « Troisième Rome », c’est l’une de ses sources importantes. Il est donc difficile d’être national-bolchevique ou même d’être léniniste, sans être favorable à la Russie.
La seconde raison, pragmatique, et elle est très importante, c’est que actuellement une Europe est en train d’émerger, mais cette Europe est encore un satellite américain Les pays qui ont des velléités d’indépendance, même la France, n’échappent pas à cette satellisation. Le seul qui l’a fait pendant quelques années, c’était de Gaulle, et actuellement il n’existe qu’un seul pays réellement indépendant en Europe par sa puissance, par son arme nucléaire, par son armée, par sa dimension, par sa population, c’est la Russie. Nous pensons donc qu’il existe un rôle politique de la Russie en Europe qui sera celui d’être l’État tremplin de la libération de l’Europe. Lorsque nous voyons comment évolue notamment le succès de ce que l’on appelle l’idéologie « nationale patriotique » ou « étatiste », qui est la nôtre en fait en Russie, nous sommes également optimistes.

Je voudrais vous dire une dernière chose, à titre personnel. C’est que je suis moi-même philo-slave. je voyage depuis 30 ans dans tous les pays de l’Est européen. J’ai vécu, bien avant que ce soit la mode, avec ce que l’on appelle des « filles de l’Est ». Mon épouse est Russe de Riga. Elle appartient à la communauté russe de Lettonie et je suis moi-même très engagé dans la campagne qui a lieu depuis plusieurs années pour la défense des droits civiques des Russes en Lettonie et dans tous les pays baltes. Vous devez savoir que les Russes sont officiellement un tiers, mais en réalité près la moitié de la population, ils sont plus de 80 % dans la capitale Riga et dans les villes principales, et ils ne disposent pas de droits civiques, pas de droits politiques, n’ont pas le droit de voyager, ont un passeport qui n’est pas reconnu internationalement ! Tout ça a été accepté par l’Union européenne, lorsque la Lettonie est entrée en mai dernier dans l’Europe. C’est un scandale ! Puisque la législation lettonne est une législation qui s’inspire directement de la législation nazie de Nuremberg, c’est une législation qui est basée sur le droit du sang et qui réserve la nationalité sur une base ethnique. Voilà un des aspects méconnus de l’Union Européenne et de la « nouvelle Europe » à l’Est ! La situation est la même en Lituanie, et, de façon moindre, en Estonie.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Il y a aussi un personnage qui se fait connaître à l’ouest et qui est Alexandre Douguine. Quels sont vos liens intellectuels et personnels avec lui ?

Luc MICHEL : Nos rapports sont complexes. Ils sont complexes parce que Douguine a développé et fait connaître une partie de nos idées, mais il a développé d’autres idées qui nous sont totalement étrangères et opposées. C’est un individu remarquable, très intelligent, polyglotte, et je pense aussi à la place qu’il occupe en Russie, où il est un des intellectuels qui compte. Cette place, il la mérite amplement. Il a su aussi se dégager de certains milieux politiques extrémistes marginaux avec lesquels, malheureusement, il s’était lié dans les Années 90. Il a été, vous ne le savez peut-être pas, conseiller du dernier président communiste de la Douma, et il est actuellement très lié aux milieux eurasistes. Des milieux idéologiquement très proches des idées que défend le PCN, et qui traversent toute la classe politique russe non pro-occidentale, c’est-à-dire, aussi bien le parti de Poutine que Rodina, le KPRF, ou des formations extra-parlementaires.
Douguine a eu un mérite immense et nous le saluons pour cela, c’est d’avoir fait largement connaître Jean Thiriart en Russie après 1992. C’est notamment lui qui a écrit le fameux Manuel d’instruction des cadets de l’armée russe, dans lequel on parle de Thiriart pour la géopolitique.

La vision de Douguine est proche du PCN sur les fondements à long terme, c’est-à-dire, la conception d’une Grande-Europe sur la base de l’Eurasie, l’alliance avec le monde arabe, le refus du racisme, thème qui est très important parce qu’il existe aussi en Russie, l’alliance avec la Turquie. Je dirais que globalement nous sommes d’accord sur la vision globale sur l’ennemi américain, sur les grandes conceptions géopolitiques de l’Europe.
Ce qui nous sépare par contre, et là c’est un fossé, de Douguine, et nous ne nous en cachons pas mutuellement, ce sont ses conceptions philosophiques. Douguine est un personnage très religieux, il a développé une vision du monde ésotérique depuis Evola, Guénon, c’est-à-dire un monde qui est tout à fait étranger au rationalisme jacobin, léniniste et matérialiste qui sous-tend la pensée de Thiriart et la mienne.

La deuxième chose qui nous sépare de Douguine, malgré le vocable, c’est la conception qu’il a du « National-bolchevisme ». Pour Douguine, le fondement du « National-bolchevisme », c’est une « métaphysique » qui repose un peu sur ce que je viens de vous expliquer et c’est une certaine conception qu’on pourrait expliquer en termes russes, par l’alliance des Rouges et des Blancs, c’est-à-dire des anciens ennemis de la guerre civile de 1917-21. Douguine pense que l’extrême droite et l’extrême gauche doivent s’unir dans la lutte contre le Système. Le projet du PCN est évidement idéologiquement et tactiquement différent. Nous pensons que seules les forces révolutionnaires doivent s’unir et qu’il faut, justement, arracher les nationalismes de l’Extrême-droite et la détruire. Ca, c’est ce qui nous sépare.
Maintenant, la pensée de Douguine est en évolution constante, et ce que nous lisons de lui, de plus en plus, tend à diminuer les différences qui pouvaient exister au départ.

Une autre chose que je dois souligner, c’est l’extrême honnêteté intellectuelle de Douguine. Sur les sites de Douguine, on trouve des textes de Thiriart, certains de mes textes, d’autres textes communautaristes, qui sont publiés avec mentions d’auteur, avec mentions d’origine. Cela fait un contraste flagrant avec les méthodes employées par d’autres, comme la « Nouvelle Droite » par exemple. Il y a notamment un groupuscule barbouzard français, qui est assez proche de la « Nouvelle Droite » belge, et qui n’hésite pas à diffuser dans un but de provocation, certains de mes textes mais sans mon nom par exemple. Ce sont des méthodes que je juge scandaleuses et je ne soulignerai jamais assez l’honnêteté de Douguine.

Je pense que Douguine va jouer un rôle de plus en plus important en Russie. Son problème actuel, et ça c’est la critique que je lui fais, c’est que le rôle qu’il veut jouer, c’est-à-dire d’intellectuel organique et de maître à penser, cadre mal avec, en même temps, sa volonté qui est de toujours se lier à une organisation ou à un parti. Et malheureusement, il perd de son influence en étant lié à des formations marginales. Il a lancé un parti qui s’appelle le « Parti Eurasie », qui a malheureusement éclaté en deux fractions. Il y a donc deux « partis Eurasie », celui de Douguine et celui de Pavel Borodine, qui est l’ancien intendant du Kremlin et le secrétaire-général de l’ « Union Slave », organisme étatique qui unit la Russie et le Belarus du Président Lukashenko. Cette Union vise à regrouper le Belarus, la Russie et d’autres puissances slaves dans une unité.
Douguine, dans le cadre de son « parti Eurasie », a renoué des contacts qui avaient été longtemps distendus avec nous, notamment en raisons de querelles politiques non-russes, franco-belges. Et nous avons envoyé un message de soutien au dernier congrès de son « parti Eurasie ». Je pense donc qu’il y a un phénomène intéressant, parce qu’il y a maintenant en Russie même, un pôle politique et idéologique qui est sensiblement sur les mêmes positions que notre PCN.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Après presque 20 ans d’activités politiques, quel bilan tirez-vous de l’antiaméricanisme et de la lutte pour l’édification de l’Europe ?

Luc MICHEL : Je pense que nous avions raison ! Nous avions raison dans notre démarche et la preuve que nous avions raison, c’est que nous sommes encore là, c’est notre succès ! Et croyez-moi, quand on milite dans un parti comme le PCN, il n’y a pas beaucoup de raisons de croire au succès. Pour une raison très simple, c’est que nous sommes en butte à une répression sournoise, voire directe. Nous devons avant de faire de la politique trouver les moyens d’en faire, financiers notamment. Ça veut dire des sacrifices : sacrifices de vie privée, sacrifices humains importants. Pour qu’un militant reste dans des conditions pareilles, il faut qu’il pense qu’il est sur le bon chemin : notre succès depuis plusieurs années fait que les militants restent, continuent à rester. Nous avons la députation, elle nous a été faite par Manuel Abramovicz d’ « épuiser les militants » et d’avoir un « turn over » important. Ce n’est pas tout à fait exact. Ce qui est réel, c’est qu’il y a un écrémage important. Ce que nous demandons un militant est important. Nous avons par contre une base de sympathisants fidèles, avec évidemment moins d’obligations, ils restent plus longtemps. Mais la plupart de nos dirigeants ou de nos cadres ont dans l’organisation 40 ans, 20 ans, 15 ans, 10 ans de présence. Donc parler de « turn over » est tout à fait inexact.
Nous sommes conscients que le Système est solide et nous sommes conscients que pour le renverser il faut une longue marche. C’est aussi Abramovicz qui a été longtemps – je suis fort déçu de son évolution actuelle, parce qu’elle est due à des raisons alimentaires, et je suis très méprisant pour les gens qui se vendent – un bon suiveur de l’action du PCN. il a parlé de la « longue marche du PCN », et c’est exact ! Nous sommes maintenant à la troisième génération de militants communautaristes : la première génération, a été celle de Thiriart et de certains de nos cadres. La deuxième génération, a été la mienne, celle de 1984. Le PCN vient d’avoir 20 ans au mois de juin. Et la troisième génération, ce sont ceux qui sont arrivés à partir du milieu des Années 90. Il y en aura probablement une quatrième : on commence à voir des universitaires, à voir des jeunes.

Tout cela n’est pas facile, mais nous le savons et nous l’avons choisi ! Nous savons que le Parti bolchevique, par exemple, en octobre 1917, est la résultante d’un mouvement qui a commencé avec Babeuf et les guillotinés babouvistes de 1793 en France. Donc nous avons le temps, notre idéologie le permet ! Nous ne cherchons pas à faire carrière, nous ne cherchons pas tout simplement parce que l’argent n’est pas notre motivation. C’est ce que nous reprocherons à ce monde que nous trouvons gris, triste et laid : c’est ce culte immonde de l’argent. Nous sommes engagés dans quelque chose d’autre.

Nous pensons que ce Système ne durera pas éternellement pour deux raisons. La première, c’est parce qu’il a en dessous de lui des bombes sociales. L’économie capitaliste, tout simplement parce qu’il n’y a plus de nouveaux marchés à conquérir, est pour nous une économie en fin de cycle, même si elle va encore durer longtemps. Le capitalisme va se maintenir comment ? En multipliant les laissés-pour-compte ! C’est ce qui se passe aux États-Unis, c’est ce qui arrive chez nous. En liquidant la couverture sociale. Donc, il va y avoir une base sociale pour la révolution : il n’y a pas révolution s’il n’y a pas une situation de détresse.
Qu’est-ce que c’est le projet léniniste ? Qu’est-ce que c’est le projet de Thiriart ? Qu’est-ce que c’est le projet du PCN ? C’est de construire un Parti de cadres – Jünger appelait ça les « officiers de la révolution ». Lorsque la situation de crise arrive, les « officiers de la révolution » — ils n’ont pas besoin de troupes — vont encadrer les masses, ils apportent la conscience politique aux masses, et font la révolution. Notre projet s’inscrit dans la décadence inévitable du capitalisme.

La deuxième chose, c’est que les États-Unis, comme l’explique très bien le politologue Emmanuel Todt, dans son dernier livre sur l’empire américain, est un empire sur le déclin, ce n’est pas un empire en pleine expansion. Les Américains n’ont plus les moyens de ce qu’ils sont en train de faire. C’est une des raisons pour laquelle notre activité principale est actuellement au plan transnational.
C’est notamment le soutien à la Résistance ba’athiste irakienne. Nous connaissons depuis longtemps le parti Ba’ath. Notre Organisation a des rapports avec le Ba’athisme irakien depuis 1968. Nous savons que les ba’athistes sont les bolcheviks arabes. Lorsque vous étudiez l’histoire du Parti Ba’ath, c’est un parti de lutte, de combat, qui a l’habitude de la clandestinité, de la répression. Lorsque Bagdad est tombée par trahison — on le sait maintenant — le 9 avril, tout le monde disait « c’est fini ». Moi j’ai écrit un éditorial le même jour disant que nos camarades ba’athistes allaient être en tête de la Résistance. Nous avons été les premiers, hors du Monde arabe, dès la fin avril 2003, à soutenir la Résistance, à publier des communiqués. Un an après, il y a beaucoup de groupes maintenant qui veulent soutenir la résistance, mais à l’époque nous étions les seuls. Et pourquoi ? Parce que le Ba’athisme, Saddam Hussein lui-même, parce que la résistance a été préparée avant l’invasion américaine, savait qu’il allait être renversé, savait qu’il ne pourrait pas se battre, et il a prévu un mouvement de guérilla avec son financement, ses caches d’armes et ses cadres, la Résistance ba’athiste a mis un coup d’arrêt aux projets américains au Moyen-Orient. Ca devait continuer en Syrie, ça devait continuer au Liban… Tout ça est arrêté. Ils ont mis un coup d’arrêt à l’impérialisme américain et ils lui ont donné un coup d’arrêt aussi dans le monde. Vous devez savoir que l’Irak devait en fait servir de modèle aux Américains. Le pétrole irakien devait servir à payer l’occupation.
Avec les sabotages de la Résistance, le pétrole n’est pas produit suffisamment. Les Américains ont mis le doigt dans un engrenage, ils n’ont plus assez de troupes. Ils ont dû dégarnir des troupes en Corée pour aller occuper l’Irak. Ils ont dû dégarnir des troupes ailleurs aussi, et cela a des conséquences planétaires. Et cela Saddam Hussein en était conscient : il le disait dans ses interviews avant la chute de Bagdad et dans ses messages après !
L’échec yankee en Irak face à la Résistance ba’athiste a conduit à des conséquences mondiales ! Le fait qu’on ait dégarni des troupes fait que la Corée du Sud se rapproche la Corée du Nord. Ce qui est un échec pour les Américains. Tout cela est dû à l’existence de militants qui se battent sur le modèle du Parti léniniste. Le parti Ba’ath, c’est une version arabe du Léninisme. Lorsque, en 1991 ou 1990, on a vu les statues de Lénine déboulonnées à l’est, quelques journalistes libéraux, qui ne connaissent ni l’histoire ni la politique, ont dit « Lénine est mort ». Lénine n’est pas mort ! Ce sont les idées de Lénine qui animent le parti Ba’ath ! C’est la preuve qu’une idéologie peut survivre à beaucoup de choses. Et c’est la raison pour laquelle nous sommes des réalistes, mais aussi des optimistes : nous savons que la Révolution viendra un jour ! Inévitablement !

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Les milieux de droite et de gauche radicales n’ont pas attendu l’arrivé de George Bush au pouvoir pour critiquer les Etats-Unis. Que pensez-vous de leurs positions ?

Luc MICHEL : Je vais vous répondre deux choses. La première, c’est que nous avons vu avec satisfaction ces milieux, qui en fait sont les milieux alter-mondialistes, à gauche, et de la « Nouvelle droite », à droite, et aussi certaines franges du Lepénisme, adopter l’anti-américanisme. Nous avons été satisfaits, parce que nous avons été les précurseurs. L’antiaméricanisme, tel qu’il existe actuellement, a été défini, esquissé et proposé par nous, dès 1962.
Lorsque nous voyons des gens de la « Nouvelle droite », qui étaient pro-Américains jusqu’à la fin des années 70, lorsque nous voyons des gens comme ceux du PTB, qui étaient anti-soviétiques, et qui appelaient jusqu’au milieu des Années 80, à « lutter aux côtés de la bourgeoisie nationale et de l’OTAN contre le danger soviétique », devenir tous antiaméricains, nous sommes évidemment très satisfaits. Lorsque nous voyons l’antiaméricanisme cesser d’être l’apanage de militants formés, et devenir l’idéologie de masses, comme dans le cas du mouvement anti-mondialiste, nous sommes satisfaits.

Mais nous sommes aussi critiques. Nous sommes critiques pour deux choses. Tout d’abord parce que l’antiaméricanisme de ces mouvements est un antiaméricanisme qui reste timide ; il suffisait de voir au soir du « 11 septembre » les réactions. On a vu des tas de gens qui se disaient « antiaméricains » présenter leurs condoléances, dire « nous regrettons », soulever le mythe du « bon peuple américain ». Nous pas ! Je vous le dis franchement. Nous ne nous sommes pas réjouis des morts civiles — parce nous ne nous réjouissons des morts civiles nulle part –, mais nous avons dit qu’il s’agissait d’un tournant, que l’Amérique était frappée sur son sol et qu’elle recevait un effet boomerang pour toutes les saletés qu’elle faisait depuis un siècle et demi de néocolonialisme. On ne disait pas autre chose à Bagdad.
Ensuite, nous sommes très critiques aussi parce que le mouvement dit « alter-mondialiste » – ne parlons pas de la « Nouvelle droite » qui n’a aucune influence sur les masses – une fois qu’il a émergé, s’est fait encadrer par ce que nous appelons les « proxénètes politiques du système ». C’est-à-dire les militants d’un certain gauchisme, trotskisme, etc. dont le but est d’endiguer et de canaliser les masses, de sorte à ce qu’un raz-de-marée ne renverse pas le Système. Un mouvement comme ATTAC est largement financé par le gouvernement belge, le gouvernement français, l’Union européenne. Cela le discrédite.

À quoi assiste-t-on ? C’est qu’on essaye que cet antiaméricanisme n’aille pas trop loin. Mais une fois de plus nous disons que le Système fait un mauvais calcul. Parce que même si on canalise, on est en train de contaminer des masses de plus en plus importantes par l’idée antiaméricaine. Nous pensons nous que le mouvement anti-mondialiste va servir de sas de décontamination, de sas d’ouverture, vous savez, un peu comme en plongée.
Eh bien, c’est la même chose en politique ! Il est impossible pour quelqu’un qui vient des grands partis traditionnels de passer directement à notre idéologie. Donc, il faut un sas de décontamination ou de décompression. On ne peut pas arriver directement au radicalisme anti-américain du PCN, par exemple. C’est impossible ! Parce que nous sommes radicalement différents. Le mouvement antimondialisation va servir de sas. C’est la raison aussi pour laquelle les groupuscules gauchistes, qui encadrent ce mouvement, essayent soigneusement d’éviter tous rivaux. On en arrive d’ailleurs à la sclérose du mouvement antimondialiste. Vous savez qu’ATTAC est sur le déclin, des groupes comme Indymedia sont sur le déclin, tout simplement parce qu’on a étouffé toute liberté d’expression chez eux.

Nous sommes particulièrement préoccupés par l’opportunisme qui a conduit bon nombre d’organisations d’extrême-gauche à rejoindre le mouvement qu’on qualifie maintenant d’ « altermondialiste » et, plus globalement, l’agitation anti-américaine. En effet, ces mouvements ne sont pas du tout dans cette mouvance pour y exercer un rôle d’avant-garde, mais bien au contraire ils y ont un suivi passivement un courant devenu populaire et qui leur était étranger à l’origine. Cela est particulièrement significatif dans la mouvance d’ATTAC, des groupes comme INDYMEDIA, en Belgique notamment. Il faut noter que ces organisations qui se disent « léninistes » ont en fait abandonné ce qui était le principe même de la pensée de Lénine. Lénine dans « QUE FAIRE ? » développait la théorie, qui est totalement juste et actuelle à mon sens, du fait que la conscience révolutionnaire ne pouvait pas naître spontanément au sein des masses, mais qu’au contraire elle devait y être apportée de l’extérieur par un Parti révolutionnaire. Un certain nombre d’organisations d’extrême-gauche font exactement le contraire aujourd’hui, c’est-à-dire qu’elles se dirigent vers ce qu’elles pensent être des mouvements de masse, vers des thèmes devenus populaires, de façon à y recruter et se constituer une nouvelle base sociale et militante.
C’est particulièrement le cas, en Belgique, des anarcho-maoïstes du « Parti du Travail de Belgique ». Donc l’opportunisme est particulièrement significatif dans ce domaine. Avec une telle stratégie, avec de telles motivations, on peut évidemment craindre que si un jour un puissant mouvement populaire émergeait, mais cette fois-ci en faveur de la présence américaine en Europe ou de l’Atlantisme, mouvement que tente régulièrement de susciter d’ailleurs les milieux atlantistes, on pourrait voir certaines de ces organisations à nouveau opérer une volte-face idéologique et se placer dans le sens du vent. C’est la politique du chien crevé qui dérive au fil de l’eau, ce n’est absolument pas une ligne idéologique !

Je voudrais conclure cette question par une anecdote, car elle est révélatrice : vous savez que la Belgique du milieu des Années 80 a été secouée par un mouvement d’action directe qu’on appelait les « Cellules Communistes Combattantes », les CCC, et dont la cible principale était la présence américaine en Europe et l’OTAN. Les CCC ayant opéré un certain nombre d’attentats contre les positions de l’OTAN en Belgique. Le PCN a d’ailleurs à l’époque été au cœur de la crise suscitée par les CCC, puisque celles-ci diffusant des théories anti-américaines que nous avions développées quelques années auparavant, nous avons été accusés d’en être les inspirateurs.
Quelques semaines avant l’arrestation des CCC en décembre 1985, ça devait être fin septembre ou début octobre, le Système, le Régime belge, avait organisé une grande manifestation contre le terrorisme. Ce qui revenait en fait à défendre la présence américaine en Europe et l’OTAN. A cette manifestation, dont le point de départ se situait à la Bourse, au cœur de Bruxelles, devait prendre part l’immense majorité des formations politiques belges de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, avec en tête les libéraux et le ministre GOL. On a vu à cette manifetsation défiler également le « Front National » belge, qui était à ses débuts, et d’autres sectes de l’extrême-droite du moment. Mais on a vu aussi, à leurs côtés, défiler par exemple le PTB.
Demain des formations d’extrême-gauche pourraient être tentée de soutenir un mouvement pro-américain, parce qu’il est populaire. Ce n’est nullement une figure de style. Ajoutons, pour rester dans cette optique, qu’une grande partie de l’extrême-gauche pro-maoïste, et à nouveau le PTB, avait défendu la théorie chinoise qui faisait de l’Union soviétique la « principale menace pour la paix » avant les Etats-Unis. Et que ce parti anarcho-maoïste n’hésitait pas à appeler à « combattre aux côtés de la bourgeoisie nationale et de l’OTAN la menace de guerre soviétique ».

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : De telles critiques vous semblent-elles pouvoir se révéler véritablement offensives ?

Luc MICHEL : Ma réponse sera nuancée. L’anti-américanisme tel qu’il existe dans le mouvement dit anti ou « alter-mondialiste », ou dans des mouvances similaires, exactement comme l’antiaméricanisme « soft » dans les milieux pacifistes des années 80, ne débouche sur rien ; c’est un mouvement qui tourne à vide. Et les critiques occidentaux de l’antiaméricanisme ont beau jeu de le souligner. Le problème, c’est qu’ils n’envisagent absolument pas une idéologie comme notre Communautarisme européen.
Le Communautarisme européen, lui, veut en fait utiliser l’idéologie communautariste pour vertébrer l’antiaméricanisme. L’antiaméricanisme est le vecteur, mais l’idéologie est le moteur. Ce que nous pensons nous, c’est que l’antiaméricanisme doit être opératoire, il doit être opératoire pour déboucher sur autre chose. Cette autre chose, c’est quoi ? C’est le changement de Système, dont l’expulsion des Américains d’Europe n’est que la première étape et pas l’aboutissement. Et nous y arrivons ! Parce qu’actuellement, le grand sujet d’inquiétude de tous les centres de réflexion pro-américains en Europe et aux Etats-Unis, c’est le fait que la conscience européenne est en train de se développer en parallèle avec l’antiaméricanisme.

Au début des Années 60, Jean Thiriart disait que « l’Europe se ferait contre les USA », et on l’a traité de rêveur, de lunatique, etc. On y est pourtant ! Nous, nous constatons que maintenant, la montée de la conscience européenne se fait déjà contre les Etats-Unis. L’Europe existera lorsqu’elle prendra une position réellement antiaméricaine. Vous savez qu’en politique on ne pose qu’en s’opposant : Carl Schmitt disait que l’important c’était la « désignation de l’ennemi ». Ce qui manque actuellement à ce qu’on pourrait appeler le Mouvement européen, cette mouvance qui comprend les fédéralistes, les régionalistes, qui englobe aussi le PCN, et encore beaucoup d’autres, c’est d’avoir désigné l’ennemi. L’Europe n’a pas encore actuellement désigné son ennemi qui se trouve à Washington !

Le drame du milieu altermondialiste, c’est qu’il est pensé de manière idéologique par les rescapés du gauchisme, qu’ils soient en grande partie trotskystes ou, dans le cas belges, anarcho-maoïstes. Il est particulièrement révélateur que le livre de Tony Negri, « Contre l’empire » serve de référence, de base idéologique à cette mouvance. LE MONDE DIPLOMATIQUE a fait beaucoup pour cela, ARTE également. Negri prétend opposer à l’Amérique qualifiée d’ « empire » une espèce de front des individus, ce qu’il appelle la « multitude », qui devrait s’organiser de par le monde pour s’opposer à cet empire. Tout cela révèle évidemment la pauvreté de la pensée idéologique gauchiste, que dénonçait d’ailleurs déjà Lénine aux débuts des Années 20. En particulier, le gauchisme de la fin du XXème siècle et du début du XXIème siècle a été incapable de se définir et de se penser dans un cadre post-marxiste, mais également de se chercher des références dans les théories qui ont précédé Marx. Il lui manque particulièrement les solides méthodes d’analyses socio-politiques de l’Ecole néo-machiavélienne.
Il ne s’agir pas pour nous d’ « opposer l’empire à la multitude », mais d’opposer UN empire, l’empire néo-carthaginois américain, à un AUTRE empire en devenir, l’Europe. Dès le début des Années 60, notre courant idéologique avec Jean Thiriart a particulièrement posé les fondements idéologiques de la critique de la puissance américaine et des moyens de s’y opposer et de la détruire.
Nous avons particulièrement exposé que ce qui avait changé dans la Théorie de l’impérialisme classique, c’était que l’Europe, de puissance impérialiste pluri-nationale, jusqu’au sortir de la deuxième guerre mondiale, était devenue après Yalta elle-même une colonie. La première et la plus riche des colonies américaines, ce que Jean Thiriart appelait « le second poumon des Etats-Unis ». Dès lors, si l’on veut vaincre les Etats-Unis, on doit raisonner sur cette nouvelle base. On peut organiser autant qu’on veut un « front unique des multitudes », on peut essayer de développer cette théorie ubuesque de la « société civile » qui s’opposerait aux appareils d’Etat, alors que Lénine, et Marx et Engels avant lui, ont particulièrement bien exposé que seul un contre-appareil d’Etat pouvait vaincre un Etat, qu’on ne pouvait opposer qu’une puissance à une autre puissance. C’est la réflexion de Jean Thiriart : Thiriart explique que pour vaincre les Etats-Unis il faut leur opposer un outil de puissance. Et le seul outil de puissance qui puisse rivaliser avec eux et les dépasser, c’est la grande Europe unitaire et communautaire, qui est en train d’ailleurs, au travers de l’Europe institutionnelle, de jeter les fondements d’une nouvelle superpuissance.

C’est la raison pour laquelle nous sommes à la fois pessimiste et optimistes sur le mouvement altermondialiste : pessimistes, parce que, canalisé, endigué, enlisé par le gauchisme, il est déjà dans une impasse. Optimistes, parce que, comme je vous l’ai déjà exposé, il va agir comme un sas de décompression et, nous en sommes persuadés, amener de plus en plus de cadres politiques sur la ligne d’un antiaméricanisme radical, c’est-à-dire sur une ligne que le gauchisme est incapable de développer ou de proposer.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : La « Nouvelle droite » qui a joué un rôle important dans la révolution culturelle qui s’est opérée dans les milieux de droite radicale a, semble-t-il, pillé l’oeuvre théorique de Jean Thiriart mais sans jamais le citer. Ce qui fait que Jean Thiriart, en dehors de certains milieux nationalistes-révolutionnaires européens, est un parfait inconnu en France. Qu’en dites-vous ?

Luc MICHEL : Votre question me fait plaisir, parce qu’à l’exception de Taguieff, personne n’a voulu relever le plagiat de la pseudo « Nouvelle droite ».
Vous devez savoir que la « Nouvelle droite », en fait, est un mouvement qui a une idéologie interne depuis le début des Années 60. Et qui, pour s’exprimer de façon externe, a développé un discours. Ce discours s’est développé tout simplement en plagiant, en pompant des idées, en imitant des thèses nées et publiées hors de son champs idéologique. C’est particulièrement net dans les publications de la « Nouvelle droite » belge, qui sont à 80% faites d’articles publiés ailleurs et traduits.
La « Nouvelle droite », Alain de Benoist principalement, a effectivement repris trois grandes idées de Jean Thiriart – détournées de leur contexte idéologique initial -, qui sont l’antiaméricanisme, l’anti-occidentalisme ou la rupture Europe-Occident et l’alliance avec le Tiers-Monde. Elle l’a fait au début des Années 80, en ne pensant pas que Jean Thiriart, qui avait disparu politiquement, allait réapparaître. Vous savez que Thiriart s’était replié sur le syndicalisme. Donc ils ont cru que le plagiat ne se verrait pas.

Vous devez savoir quelles étaient les positions de la « Nouvelle droite » dans les Années 60 et 70, et quels étaient leurs rapports avec notre organisation en ce temps là. La position était très simple, c’était ce que Jean Thirart a appelé le « mondialisme blanc ». Ce que les animateurs de la « Nouvelle Droite » appelaient à « la défense de l’Occident de Vladivostok à San Francisco » (sic) . Alain de Benoist a écrit notamment un livre en apologie des Marines au Vietnâm. Ils défendaient la Rodhésie, l’Afrique du Sud. La grande idée, en fait, c’était la défense de la race blanche.
Et celà correspond à une idéologie interne qui est issue des publications de l’écrivains français Saint-Loup, qui lui-même appellait ça l’idéologie de la « fraction européenne de la SS » (resic). Cette fraction n’a existé que dans l’imaginaire de Saint Loup, surtout connu pour ses romans à la gloire des Waffen SS français, mais correspond en gros en fait à deux choses : d’une part à la propagande pseudo-proeuropéenne de Goebbels et des milieux allemands pendant les quatre dernières années de la Seconde guerre mondiale, d’autre part à une espèce d’idéologie religieuse qui avait été prônée par Himmler, le Reichführer SS, issu du milieu sulfureux des sectes néo-païennes allemandes d’avant 1933. Beaucoup de dirigeants nazis, comme Himmler, étaient proches des sociétés secrètes : Himmler pensait qu’il était la réincarnation du roi Arthur ou du roi d’Allemagne Henri Ier L’oiseleur (resic). Le monde nazi est un monde irrationnel. Et ils avaient mis au point une espèce d’idéologie religieuse, avec notamment la célébration des solstices. Et on retrouve dans cette idéologie dans les fêtes païennes de la « Nouvelle Droite », on y retrouve tout le cérémonial qui va être celui du GRECE ou de « Terre et Peuple » actuellement, jusqu’à l’utilisation du fameux chandelier de Jul qui est une création, non pas de l’Antiquité germanique, mais des services de l’Ahnenerbe l’ « héritage des ancêtres », qui était ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui la fondation culturelle de la SS.

Dans les années 60, la « Nouvelle droite » est une adversaire résolue, au travers du mouvement et de la revue « EUROPE ACTION », sous-titrée « Le magazine de l’homme occidental » (sic), de notre Organisation. De Benoist ou Dominique Venner écrivent contre Thiriart, en le plagiant, déjà, dans un domaine : Venner a écrit une brochure, « Critique nationaliste », où il explique que les nationalistes doivent s’organiser autour d’un parti. C’est du plagiat direct de Jean Thiriart, qui a développé ce thème dès 1960.
Jusqu’à la fin des Années 70, la « Nouvelle droite » a une idéologie d’extrême-droite classique, notamment anti-communiste. Puis, au moment où Thiriart écrit à compte d’auteur et où l’on pense que Thiriart ne va plus déboucher sur le terrain politique, personne n’attend la deuxième génération communautariste, personne n’attend le PCN, et bien, la « Nouvelle droite » a cru pouvoir s’emparer de certaines de ses thèses. Taguieff a longuement écrit là-dessus. Il explique la filiation, que Thiriart a été copié. Mais, la différence fondamentale, c’est que ce qui est chez Thiriart la base de l’idéologie — notamment l’alliance avec le Tiers-monde, l’antiaméricanisme, etc. —, n’est, chez la « Nouvelle droite » qu’un discours à usage externe.

La « Nouvelle droite » a beaucoup menti là dessus et un personnage qui a particulièrement joué un rôle trouble dans ce domaine, c’est Robert Steuckers. Steuckers était méprisé par Jean Thiriart avec raison, puisqu’à plusieurs reprises il avait été approché par Thiriart qui était intéressé par la diffusion d’idées tout azimuts, notamment dans les publications de la « Nouvelle droite » belge, et nous avons eu droit à chaque fois à l’étouffoir. Vous avez peut-être lu un article de 1986 de Thierry Mudry dans VOULOIR qui est très très apologétique pour le PCN et vous avez vu les quelques commentaire fielleux dont Steuckers l’avait entouré et qui démolissait l’article.
Je vais vous donner un exemple significatif et parlant des manipulations et des mensonges de la « Nouvelle droite ». C’est un article qui s’appelle « Perspectives géopolitiques eurasiennes » et qui vient de « VOULOIR » (n° 87-88 d’avril-juin 1993). C’est en fait une table ronde qui a lieu à Moscou lors d’une des visites de la « Nouvelle droite ». Thiriart est déjà venu à Moscou et il faut évacuer évidemment un théoricien qui dérange, puisqu’il s’agit de tirer la couverture à soi, mais que l’on ne peut plus étouffer comme dix ans plutôt. Alors, que raconte-t-on ?
Je cite : « La Nouvelle droite européenne, radicalement antiaméricaine et antibourgeoise — ce qui n’est pas exact — a repris diverses thèses en les modernisant et en les appliquant à la situation géopolitique actuelle. Le précurseur de cette tendance a été sans conteste Jean Thiriart, — et là le mensonge commence — le leader d’un mouvement pour l’unité européenne, actif dans les Années 60 en Belgique et en Italie et portant le nom de « Jeune Europe » — on est en 1992 et on ne parle pas du PCN. Mais le mensonge continue, et là il devient flagrant : « Jean Thiriart n’a pas participé au lancement de la Nouvelle droite – il la méprisait publiquement et à juste titre – : au moment où celle-ci voyait le jour, il s’était déjà retiré de la politique active et n’écrivait plus rien, c’était en 1966-69. » — Tout est évidemment faux. C’est au contraire l’époque de la revue LA NATION EUROPEENNE, de la maturité doctrinale du PCE. C’est là que sont définies toutes les idées qui sont encore les nôtres aujourd’hui. Et on continue dans la manipulation : « Ce n’est que vers 1983-84 qu’il a rédigé et distribué à compte d’auteur ses thèses sur l’unification eurasienne et formulé son projet euro-soviétique » — et là le mensonge devient éclairant, parce qu’en fait c’est en 79-80 qu’il l’a rédigé, mais en mettant 83-84, Alain de Benoist écrit avant lui. Vous avez l’exemple typique de la manipulation et de ce qu’elle représente.

Maintenant je voudrais préciser une chose : la « Nouvelle droite » a eu peur ; elle a eu la réaction que nous évoquions de la plupart de nos concurrents : elle a eu peur de se faire digérer. Mais c’est une peur stupide, parce qu’à aucun moment nous n’avons eu l’intention de mener une opération politique quelconque dans les milieux de la « Nouvelle droite ». Pour une raison simple, non seulement parce que leur idéologie n’a rien à voir avec la nôtre, mais surtout parce que ce sont des intellectuels petits-bourgeois, incapables de tout effort politique, incapables de toute discipline, ce sont des salonnards parisiens ou bruxellois. Nous n’avons pas besoin de gens comme ça ! Thiriart disait avec sagesse qu’ « il fallait souhaiter les intellectuels, mais chez les autres ». Les militants de la « Nouvelle droite », partout où ils ont essayé de faire de la politique, au Front National, français ou belge, dans la mouvance régionaliste flamande, en Italie, se sont révélés des gens qui apportaient les problèmes, la dissension, la paresse politique. Notamment, Le Pen devrait méditer sur les gens de la « Nouvelle droite » qu’il a fait rentrer chez lui, puisqu’il leur doit deux scissions : la scission Mégret qui a été organisée par Yvan Blot, qui est un militant de la « Nouvelle droite », et la scission de « Terre et Peuple » qui lui a coûté la plupart de ses jeunes. Il y a dans ce monde de la « Nouvelle droite » un milieu humain qui n’a aucun intérêt pour nous, et qui n’a jamais eu d’intérêt pour nous ; donc cette peur était irrationnelle.

Je voudrais dire une dernière chose, parce qu’elle est importante. Et c’est aussi pour dénoncer un autre mensonge qu’il ne faut pas laisser passer. C’est celui concernant Guillaume Faye. Faye a été l’un des intellectuels-phare de la « Nouvelle droite » dans les Années 80 ; il a rendu hommage dans une brochure à Thiriart. Il a disparu ensuite dans le monde du show-business, où il s’est ridiculisé, notamment dans des émissions de variétés de bas niveau, et puis, il a voulu revenir en politique. Lorsque Guillaume Faye est revenu dans la politique, il s’est présenté avec une théorie qui s’appelle l’« euro-sibérie », c’est une grande Europe, mais c’est une grande Europe à connotation raciale. Guillaume Faye est obsédé par le métissage, par ce qu’il appelle la « guerre ethnique », la nécessité de l’ « identité ». Mais dans diverses interviews il n’hésite pas à dire qu’il est « l’héritier des idées de Jean Thiriart ». Je le répète, la base de l’idéologie de Jean Thiriart exclut toute différenciation d’origine raciale, ethnique, linguistique. Et Thiriart méprisait profondément Faye, comme les De Benoist et autres Steuckers.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Quelle est votre position sur la Guerre Froide ? Etait-ce une mascarade ? Et si oui, pourquoi les Etats-Unis ont-ils provoqué la chute de leur complice soviétique ?

Luc MICHEL : Non, la guerre froide à été bien réelle. Et elle a démarré beaucoup plus tôt qu’on ne le croit, en 1943. En 1943, George Kennan développe sa théorie du « containment », donc il s’agit de contenir l’Union Soviétique. Et en 1943, il y a un auteur qui est oublié mais qui est important à l’époque, James Burnham, qui dirigeait la très conservatrice « NATIONAL REVUE ». C’est un trotskiste passé au conservatisme, c’est le même chemin que les néo-conservateurs américain actuels. Il écrit un livre qui s’appelle « THE STRUGGLE FOR THE WORLD ». L’édition française n’est que de 47, elle s’appelle « POUR LA DOMINATION MONDIALE ». En 1943, il explique que les Etats-Unis doivent prendre le contrôle de la planète.

Le mouvement d’expansion américain prend naissance au milieu du XIXème siècle, il se base sur une idéologie à connotation biblique qui est celle du nouveau peuple élu, la « manifest destiny », la destinée manifeste qui appelle les américains à commander au monde, et il vise au contrôle de la planète. Toute la politique américaine, toute l’Idéologie américaine, parce qu’elle existe depuis la fin du XIXème siècle, c’est de théoriser et d’appliquer ce contrôle sur le monde.
Cette domination se base sur des théories géopolitiques. Ce sont celles notamment de l’Amiral Mahan, de Spykman, de théoriciens européens comme Hausoffer. Il y a une masse continentale qu’on peut assimiler à l’Allemagne, puis à la Russie, puis à l’Union Soviétique qui doit être contrôlée par les puissances maritimes : les anglo-saxons : l’Angleterre, puis les Américains, qui se veulent les héritiers de l’impérialisme britannique dans cet aspect là. Et il s’agit de contenir et de repousser la puissance continentale : l’Allemagne jusqu’au début des années quarante, et puis la Russie.

Je voudrais faire à ce propos une remarque, parce que la question est soulevée par beaucoup de journalistes, à contre-sens. Jean Thiriart a écrit une phrase, qui a souvent été retirée de son contexte : «géopolitiquement l’Union Soviétique est l’héritière du Troisième Reich ». On a retiré le géopolitiquement et on a reprit la phrase tronquée et on a fait de Thiriart une espèce d’idéologue rouge-brun. Ce que Thiriart voulait dire c’est justement la base de la théorie géopolitique : les régimes passent, les Etats restent. Il ne s’agit pas là de parler de nazisme ou de communisme, c’est que le rôle de la puissance continentale, que l’Allemagne à assumé, entre la fin du XIXème siècle et 1940 – avant l’Allemagne, c’était la France qui jouait le rôle de cette puissance continentale avec Louis XIV et Napoléon – et bien c’est la Russie qui l’a repris au niveau géopolitique. Il n’a rien voulu dire de plus !

Les Américains ont donc développé une politique à partir de 1943. En 1943, ils sont encore les alliés de Staline, la guerre n’est pas gagnée. Et nous avons déjà des textes pendant la guerre, notamment de politiciens américains comme Truman. Truman en 1940 espère que Russes et Allemands vont s’épuiser. Ca explique aussi pourquoi à la grande colère de Staline, on a reporté pendant deux ans l’ouverture du deuxième front en Europe.

Vous parlez de mascarade et de complices, je suppose que vous évoquez le système de Yalta. Il faut en parler : Thiriart a longuement écrit dessus et il a évolué sur ce point. Il a évolué pour des raisons multiples. A Yalta en fait, Russes et Américains sont déjà ennemis, on le voit dès 1943. Ce n’est pas Staline qui veut la guerre, ce sont les Américains. L’URSS est épuisée, Staline veut digérer la victoire sur le Reich nazi, veut la paix. Et, ils sont en même temps complices, mais ils sont complices contre l’émergence d’une autre puissance. Voilà ce qu’est la complicité de Yalta. L’ordre de Yalta, ça a été quoi ? Que la question de la domination mondiale se résolve à un duel soviéto-américain et ne laisse pas émerger une autre puissance. C’est ça le système de Yalta.

La politique américaine depuis le début, c’est de détruire l’Union Soviétique. Et de détruire dans les Balkans la Yougoslavie. C’est ce qu’ils ont appliqué à partir de la moitié des Années 80 en profitant des erreurs de la Perestroika et des amis de Gorbatchev, qu’on oublie trop souvent, en Yougoslavie. Il y a une chose qu’on ignore le plus souvent, c’est que l’arrivée au pouvoir de Milosevic et de ce qu’on a appelé le « national-communisme » yougoslave, a été pensée et voulue : Milosevic a été le porte-parole d’un groupe politique, notamment d’idéologues qui ont tiré les leçons de ce qui se passait en Union Soviétique. Et qui ont dit : ça ne se passera pas chez nous. Il faut savoir que quand il y a eu la tentative malheureuse de préserver l’URSS en 1991, ce qu’on appelle le putch de 1991, mais qui en fait ce n’était pas un coup d’état mais le retour à la légalité soviétique, la légalité était du côté des putchistes, et bien on a sablé le champagne à Belgrade.
La politique américaine, a été de faire éclater l’URRS, de faire éclater la Yougoslavie et aujourd’hui de faire imploser le Fédération Russe. En ce sens-là, les Américains sont les héritiers de la géopolitique nazie, parce que ce que proposent les théoriciens américains, dont Brzezinski, c’était ce que voulaient faire les théoriciens nazis comme Rosenberg, entre 1920 et 1945. Il s’agissait de faire notamment éclater la Russie, de détacher l’Ukraine, — il n’y avait pas que le colonialisme allemand à l’est —, il s’agissait de détacher les pays baltes, d’isoler la Russie et puis de la faire éclater en trois tronçons : il devait y avoir une petite Russie d’Europe, une Russie Caucasienne, et une Sibérie. Et bien ce projet-là, avec les mêmes cartes que les allemands ont utilisé, a été publié dans la « NATIONAL REVUE », c’est la principale revue de politique étrangère américaine, en 1997. Vous imaginez la tête des Russes quand ils voient ça !

Le grand théoricien de cette « Ostpolitik » agressive yankee, c’est Brzezinski. Brzezinski, en fait, fonde la puissance américaine mondiale sur la géopolitique et il explique bien qu’il faut isoler la masse continentale et que les Américains surtout ne peuvent pas partir d’Europe. Parce que le jour où ils lâchent l’Europe, ils perdent la domination mondiale. Brzezinski est intéressant, parce qu’on a l’impression de lire du Thiriart à l’envers. C’est exactement ce que Thiriart a expliqué.
Pas après la chute de l’Union Soviétique : Thiriart a développé ça entre 1980 et 1985. J’ai lu un journaliste pas très malin qui expliquait : « le génial Thiriart n’avait pas prévu la chute de l’Union Soviétique », c’est inexact ! Nous avons publié en 1984 un numéro spécial de « CONSCIENCE EUROPEENNE » qui s’appelle « Insuffisance et dépassement du concept marxiste-léniniste de nationalité », où nous expliquons bien que si l’URSS ne se réformait pas, elle allait perdre et disparaître ! Et elle a perdu pour les raisons que nous expliquons dans cette brochure.
Brzezinski semble un peu une copie, mais à l’envers, des thèses de Thiriart.

Vous devez savoir que Jean Thiriart est très connu aux Etats-Unis. Vous affirmiez qu’il était inconnu en France, mais de nombreuses universités américaines ont des collections de ses livres et revues, il y a un « Fonds Jean Thiriart » à la Hoover Foundation par exemple, aux Etats-Unis. A l’université de Pasadena en Californie, il y a également un « Fonds Jean Thiriart ».
Et c’est la télévision cablée de cette Université, diffusée mondialement, qui est venu en 1987 l’interviewer, il y a eu trois interviews d’une heure qui ont été diffusées sur des chaînes américaines. C’est une université très sérieuse, mais elle est liée à une église pentecôtiste. Et pour l’anecdote, ces gens sont persuadés que le Christ va revenir, mais pour que le Christ revienne, ce qu’ils appellent « la Bête » doit resurgir. Et la « dernière incarnation de la Bête », pour eux, c’est la Grande-Europe. Donc, ils se sont très intéressés aux travaux de Thiriart. Les émissions de cette chaîne de télévision, étaient diffusées la nuit en Belgique sur RTL TELEVISION, à la fin des années 80. Ils vendaient de l’espace de diffusion, RTL Belgique s’arrêtait à l’époque vers 23h30. Et ils diffusaient diverses émissions d’évangélistes, etc. Les trois émissions avec Thiriart ont été interdites sur RTL TELEVISION sur pression du gouvernement belge.

Nous avions déjà vécu la même chose en 1985. Une équipe de FRANCE 2 était venue suivre la campagne électorale du PCN, c’était notre première campagne, où nous nous présentions dans tous les arrondissements de Belgique francophone. Et là on a fait une campagne correcte pour les moyens dont on disposait. C’est Bernard Langlois, que vous devez connaître, qui est aujourd’hui à POLITIS, mais qui était le journaliste-phare de FRANCE 2 à l’époque, qui est venu. Ils ont déplacé trois camionnettes, douze personnes, plusieurs caméras. On m’a interviewé, on a interviewé Thiriart, filmé des réunions, et ça devait passer 15 jours avant les élections.
Malheureusement, nous n’avons pas eu de chance, Langlois a eu un doute, tout simplement parce que c’était l’époque des CCC et Thiriart y parlait froidement du fait que la libération de l’Europe commencerait lorsque les officiers américains ne pourraient plus sortir dans les rues d’aucune capitale européenne. Il a soumis ça au directeur de FRANCE 2, qui l’a soumis à l’ambassade de Belgique. L’émission n’est jamais passée ! Une émission qui avait coûté un paquet énorme de Francs de l’époque, qui était montée, n’est jamais sortie et elle dort dans les archives, même pas de FRANCE 2, mais d’une société de production autonome. Voilà, celà vous explique aussi les méthodes employées contre nous.

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Quel avenir pour les Etats-Unis et pour l’Europe dans les prochaines années ?

Luc MICHEL : Je crois que nous assistons à la naissance de la cassure décisive, au creusement du fossé entre l’Europe et les Etats-Unis. Et je pense que ce fossé va aller de plus en plus en s’élargissant. L’Europe, et c’est ma conviction profonde, ne peut exister que contre les Etats-Unis. Nous sommes déjà des ennemis économiques, la guerre économique et commerciale Europe–USA, c’est une réalité quotidienne. Nous sommes ennemis culturellement. Nos intérêts géopolitiques et politiques sont divergents. Donc ça n’ira qu’en s’amplifiant.

Il y a, et c’est ce qui me rend optimiste, deux phénomènes parallèles qui sont très importants actuellement. Ce sont deux phénomènes parallèles, mais qui émergent en même temps.
Le premier, c’est la naissance de la conscience européenne dans les élites européennes. Qu’est-ce que j’appelle les élites européennes ? Pas du tout les politicards de Strasbourg, de Bruxelles ou des autres parlements, ceux que j’appelle les élites européennes, ce sont les diplomates, les hauts fonctionnaires, les gens de la commission européenne, les militaires. Chez tous ces gens, on sent depuis plusieurs années qu’il y a une conscience européenne qui monte et qui se forge dans le refus de ce que je pourrais appeler la sujétion ou l’humiliation américaine. Ces gens sentent qu’ils sont traités comme des domestiques de seconde zone, c’est le cas dans l’OTAN. Et il y a à la Commission européenne un sentiment antiaméricain qui n’est pas exposé publiquement, mais qui est très net.
Le second phénomène parallèle émergent, c’est la montée de l’antiaméricanisme dans les masses. Depuis quatre ans, tous les sondages concluent : les américains sont détestés. Ils font, grâce à leur stupidité, et à leur arrogance tout pour l’être !
Et ça c’est important, capital parce qu’on va arriver, je pense, rapidement quand je dis rapidement, c’est dans les vingt prochaines années, à ce qu’il y ait une mise en phase entre une opinion publique antiaméricaine et des élites antiaméricaines. Ce que Pareto appelait les « élites neutres ». Si vous suivez la sociologie de Pareto, il distingue les « élites dirigeantes », qui sont les politiciens au pouvoir, les « élites neutres », fonctionnaires, diplomates, ceux qui font fonctionner un Etat mais qui ne s’occupent pas de politique, et ce qu’il appelle la « contre-élite », c’est-à-dire les révolutionnaires. Il va y avoir une mise en phase entre l’élite neutre et les masses.

Le divorce n’est pas seulement entre les Etats-Unis et l’Europe, le divorce est aussi entre les politiciens européens qui sont satellisés à Washington et les masses européennes. Regardez le discours politicien qui continue à être proaméricain, et regardez l’antiaméricanisme des masses !
D’un côté la montée de l’antiaméricanisme dans les masses, et de l’autre une classe politique qui pour exister va devoir continuer à être proaméricaine. Donc, on a un phénomène important qui, pour moi, débouchera inévitablement sur une situation révolutionnaire. Ce qui manque à une révolution, vous le savez, c’est le Parti révolutionnaire. Et ça c’est le rôle que nous entendons jouer. Je sais que certains vont dire que c’est démesuré, qu’ils sont fous etc., mais vous savez, quand on étudie l’histoire des mouvement révolutionnaires, on relativise. Mazzini en 1830, 40 ans avant que l’armée italienne ne rentre dans Rome, on l’appelait son mouvement « la secte ». J’ai des livres de 1916 ou du début de 1917. Au chapitre « communisme », on ne parle pas de Lénine. Lénine lui-même au début de 1916, se plaignait, en se demandant si la génération suivante verrait la révolution. Donc, il ne faut pas juger un mouvement révolutionnaire à ce qu’il représente à une époque triviale.
Nous sommes très optimistes, parce que ce phénomène qui apparaît correspond justement aux analyses idéologiques ou politiques que nous faisons depuis quarante ans. Il correspond à ce que nous annoncions. Le premier qui annonçait que l’Europe se ferait contre les américains, c’était Thiriart, vers 1964-65. A l’époque, le Mouvement européen se plaçait totalement dans l’optique des USA.

Donc nous sommes très optimistes de ce côté-là. Et alors nous sommes aussi optimistes pour une deuxième chose, parce que si vous étudiez la sociologie des révolutions, vous voyez justement que notamment la Révolution française ou la Révolution russe, ça a été justement ce phénomène qui s’esquisse en Europe. Il y avait dans les deux cas une petite minorité révolutionnaire. C’était les Jacobins qui ne pesaient rien en 1789, les Léninistes début 1917. Il y avait une élite neutre qui en avait marre de l’ancien système, il y avait des masses qui étaient opposées au système en place et il y avait des politiciens qui s’accrochaient à leur prébendes. Et toutes les révolutions sont parties de ce schéma. Je pense que le système politique occidental ne se rend pas compte, qu’il vit sur un volcan. Et le volcan un jour va exploser !

QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Pourquoi les milieux pro-atlantistes et pro-Américains ne militent-ils pas pour la création des Etats-Unis d’Occident comme cela l’a été suggéré dans « L’Edit de Caracalla ou Plaidoyer pour des Etats-Unis d’Occident » écrit par un certain Xavier De C***, chez Fayard en 2002 ?
L’auteur y admet que nous sommes sous la domination américaine qui règne sur une Europe divisée et impuissante. Mais il réclame que les Américains nous accordent, comme les Romains à l’époque de Caracalla la citoyenneté américaine afin que nous soyons dans une situation d’égalité avec nos occupants et autorisés à désigner nos maîtres, c’est à dire
les présidents des Etats-Unis…

Luc MICHEL : J’ai lu le livre à l’époque. Il est basé en fait sur une méconnaissance fondamentale de ce qu’est la présence américaine en Europe et dans le monde, et il est basé sur une ignorance des situations historiques passées. La présence américaine en Europe, c’est du colonialisme pur et simple. Comme dans le reste du Monde, il y a un centre colonial qui est la Mère Patrie et il y a des zones où l’on maintient des troupes pour des raisons de contrôle des régions et qu’on exploite économiquement. Si on ne perçoit pas que le fondement de l’expansion américaine c’est le colonialisme, on ne comprend pas la présence américaine.
Il faut savoir qu’il y a la légende d’Hollywood, « le soldat Ryan », etc. Le 6 juin 44, le soldat Ryan n’est pas venu libérer l’Europe ! il est venu occuper un territoire européen, contenir la puissance soviétique qui était en marche et détruire le concurrent allemand. Il faut savoir que pour les historiens anglo-saxons et américains, le 6 juin 44, c’est pas la libération, ça s’appelait et s’appelle toujours aujourd’hui, « l’invasion » ! Ca c’est clair et net. Il y a un fait qui est particulièrement révélateur. De Gaulle a eu le courage de s’y opposer, mais il était prévu en France de mettre un gouvernement d’occupation militaire avec une monnaie papier non française. De Gaulle est passé outre. C’est une des raisons de sa rancœur vis-à-vis des américains ensuite. Donc on ne peut pas parler de « libération ».
Pourquoi il n’y a pas d’ « Edit de Carocalla » américain ou de chose pareille ? Parce qu’aucun pouvoir colonial n’a jamais proposé l’égalité des droits aux colonisés.

La deuxième erreur de perspective historique, mais elle est faite chez énormément d’auteurs pour le moment, c’est de croire que les Etats-Unis sont une nouvelle Rome. Les Etats-Unis ne sont pas Rome !
On distingue deux types d’impérialismes, il y a ce qu’on appelle l’impérialisme d’intégration et il y a l’impérialisme de domination, qui est en fait le colonialisme. Rome, la Rome historique, a été un impérialisme d’intégration. La meilleure preuve, c’est qu’en France, en Roumanie, en Espagne, on parle encore des langues latines.
En fait les Etats-Unis ne sont pas Rome, mais Carthage. C’est exactement ce qu’était l’empire commercial carthaginois. Carthage était une oligarchie financière et marchande, qui dirigeait une puissance militaire composée de mercenaires, ce qu’est l’armée américaine, avec une série de comptoirs et de bases militaires et des espèces de chefs tribaux locaux. C’est exactement la structure de l’empire ploutocratique américain. Si on compare les Etats-Unis à Rome, on ne comprend pas la situation, mais si on les compare à Carthage, c’est très éclairant.

Ce qui est la Rome possible du futur, c’est justement l’Europe. Et on arrive là, à ce qui pour moi est le fondement, l’enseignement peut-être le plus important actuel de la géopolitique, c’est le conflit classique entre Terre et Mer. Entre puissance maritime, la Thalassocratie et puissance continentale.
Les Etats-Unis sont la puissance maritime typique, comme avant eux l’Angleterre et l’Espagne de Philippe II, l’Espagne coloniale. L’Europe de demain sera la puissance continentale type comme l’ont été l’Union Soviétique, l’Allemagne sous ses différents régimes, ou encore la France à la fin du XVIIème siècle et du XVIIIème siècle. Si on comprend cela, on voit aussi pourquoi l’affrontement Europe-Etats-Unis dont nous parlions est inévitable, mais cette fois-ci pour des raisons géopolitiques. Tout simplement parce que la puissance maritime est condamnée, sous peine de disparaître, à s’opposer, à détruire la puissance continentale et inversement.

Le deuxième aspect dont il faut bien se rendre compte, c’est que Rome a été avant tout non pas seulement une civilisation, mais une Culture. Cette Culture latine, elle vit encore ! Nous sommes en train de parler en Français. Elle vit encore en Roumanie, en Italie, en Espagne, au Portugal, dans toute l’Amérique Latine et la Francophonie. Le Droit romain, même au travers des modifications du Droit anglo-saxon, vit en Allemagne, dans les pays germaniques. Notre structure de l’Etat et du pouvoir est la structure romaine. Tout cela est le fruit d’une culture.
Les Américains ne sont pas une culture, c’est une civilisation. Et nous disons même, nous, une anti-civilisation. Vous connaissez la réflexion de Spengler, qu’on a attribuée à tort à Einstein, qui disait que « les Etats-Unis étaient passés directement de la barbarie à la décadence sans en fait passer par la civilisation ». Et c’est exact ! Cette civilisation américaine est, ils le disent très bien, un mode de vie, l’« american way of life », et pas une culture.
Ce mode de vie est né du refus de l’Europe. Qu’est-ce que les Etats-Unis ? C’est l’anti-europe ! Les premiers colons, qu’ils soient d’origine allemande ou d’origine anglaise, ce sont des gens que l’Europe a rejeté et qui ont rejeté l’Europe, pour des raisons religieuses, pour des raisons sociales. A l’opposé, au Québec, et même fantomatiquement en Louisiane, on participe encore de la Culture française et européenne.

Il ne faut pas oublier ça quand on examine ce sujet. C’est ce qui fait qu’il n’y a pas de « culture occidentale ». L’occident moderne, américanisé, c’est une escroquerie. L’occident existait en Europe du temps des Ducs de Bourgogne ou de Charles Quint. L’occident historique est mort entre Morrat et Grandson. Quand la première armée de mercenaires a écrasé la dernière armée de chevaliers. C’était la fin de l’Occident historique. L’occident est mort lorsque François 1er s’est allié au Grand Turc pour combattre les Habsbourgs. Ce qu’on appelle l’ « occident actuel », c’est l’aire de distribution principale de Coca-Cola et celle de l’OTAN. Parlons-en franchement ! Donc il n’y a pas de « civilisation occidentale » à l’Ere américaine.

Pour nous, le terme de Rome est très important, puisque nous pensons que l’Europe de demain sera la « Quatrième Rome ». Et en ce sens justement, nous avons une idéologie cohérente, parce que nous n’avons pas seulement un programme politique, nous n’avons pas seulement un discours — comme la « Nouvelle droite » qui n’a pas d’idéologie, la nouvelle droite a un discours —, nous avons une idéologie qui est vertébrée autour de ce que les Allemands appellent Weltanschauung, une vision du monde. Notre vision de monde est cohérente, elle s’applique à la politique, à l’histoire, à la géopolitique, à l’économie, à la Culture, à l’Ethique et à la morale. C’est pour ça que nous avons une idéologie qui est souvent fascinante, même si les gens ne la suivent pas, parce que c’est un Tout.
Dans l’histoire des idées politiques, la seule idéologie avant la nôtre qui a été une vision du monde, qui a été un Tout cohérent, a été le Marxisme. Chez Marx ou chez Thiriart, vous avez une réponse globale. Y compris une morale et une éthique, mais pas de religion. Tout simplement parce que Marx et Thiriart étaient des athées.
Pour nous la religion est une affaire personnelle. Il y a des croyants au PCN même si la plupart des responsables sont athées. Mais il y a aussi des religieux, des orthodoxes, des musulmans… Mais nous considérons que la religion est l’affaire de l’individu. Ce n’est pas l’affaire de l’Etat et ce n’est pas la religion qui doit porter une vision du monde.
Et c’est là que nous nous opposons aussi à ce qui est la civilisation américaine, parce que toute la civilisation américaine est vertébrée autour d’une vision et d’un discours religieux à réf érents bibliques. Qu’est-ce la « manifest destiny » ? C’est en fait les Américains qui sont le nouveau « peuple élu » de dieu, la nouvelle tribu d’Israël. C’est pour ça qu’il y a tant d’affinités entre eux et les Sionistes, parce que les Sionistes développent le même discours, mais à propos d’Israël. L’alliance des néo-conservateurs avec la droite israélienne, elle aussi, s’est faite car ils partagent la même vision biblique du monde.


QUESTION – Jean-Marc LARBANOIS : Voulez-vous encore ajouter quelques mots ?

Luc MICHEL : Je voudrais, si vous le voulez bien, dire quelques mots sur votre thèse. J’ai été un peu déçu que vous ayez dû réduire le champs d’investigation originel de votre mémoire, c’est-à-dire de réduire l’antiaméricanisme à la « Nouvelle droite » belge, à un groupe d’extrême-droite belge disparu en 1990 qui est le PFN, et puis au PCN. J’aurai bien aimé voulu y voir aussi, ce qui était votre projet initial, le PTB par exemple.

Je voudrais d’abord vous dire une chose, et je crois que c’est assez évident dans ce que nous venons de développer, le PCN n’appartient ni au même camp politique, ni au même univers mental, ni aux mêmes mouvances idéologiques, que la « Nouvelle Droite » ou le PFN. Ca c’est clair et net ! Et je vais dire que sur de nombreux points idéologiques, nous en sommes même des adversaires radicaux.

La deuxième chose que je voudrais vous demander, c’est de ne pas confondre ce que nous sommes avec les autres groupes que vous étudiez.
Le PFN est un groupe qui n’a jamais su s’implanter que dans deux villes : Bruxelles et Liège, qui a disparu sans avoir fait grand-chose. Si vous prenez leur héritage idéologique, vous ne trouverez rien. Il y a deux brochures en tout et pour tout d’une quinzaine de pages. Si vous prenez leur revue, il n’y a pas grand-chose comme idée originale.
Quand on prend la « Nouvelle droite » belge, il y a une masse d’idées même si elles sont empruntées ailleurs, mais il n’y a pas de structure réelle. La « Nouvelle droite » belge n’a jamais décollé. Elle s’est éclatée en fait entre les groupes de deux individus rivaux l’actuel groupe local de « Terre et Peuples » et le groupuscule de Steuckers, si on peut parler ici d’un groupe. Ce sont des gens isolés, même s’ils ont eu des réseaux parfois influents dans une certaine extrême-droite à certains moments.
Nous avons, nous, un autre volume, d’autres activités, un autre passé, d’autres moyens, une autre durée aussi : nous existons en tant que Parti depuis plus de vingt ans; et notre Organisation sous d’autres noms depuis plus de 40 ans. Donc je voudrais absolument qu’il n’y ait pas de confusion entre eux et nous. Parce que c’est une chose que l’on fait souvent de manière à dévaloriser le PCN, c’est-à-dire de nous comparer avec l’un ou l’autre groupuscule qui vivotent loin de notre champ d’action. Je pense que nous avons prouvé que nous savions faire autre chose et que nous avions une autre influence et d’autres moyens.

Copyright Luc MICHEL (2004),
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* NOTE 1
The Belgian (Flemish) daily newspaper De Morgen already wrote in December 2022: “Michel will now act as a geopolitical entrepreneur to enlarge the Russian sphere of influence in Africa: “a group of independent entrepreneurs, we have invented the concept of hybrid warfare. We work with Russia, but we don’t pay for security services. A hybrid war feeds on different ways: military, diplomatic and communication. I do the latter. “And then there is the Belgian, the activist Luc Michel, with whom it all started. He, together with the ideologue Jean Thiriart (…) with the organization of the elections, shaped the instruments of the reconquest of the Soviet empire and created a space, from Lisbon to Vladivostok”. Michel is delighted with the results of the last referendums in the People’s Republics of Luhansk, Donetsk,

* NOTE 2
Lire ausi :
Esquisse de la guerre hybride. L’action de Luc Michel en tant qu’ ‘entrepreneur géopolitique indépendant’
https://www.palestine-solidarite.fr/esquisse-de-la-guerre-hybride-ix-mon-action-en-tant-qu-entrepreneur-independant/

* NOTE 3
Une précision. Les politologues sérieux, pas les flics de la pensée politique des Universités franco-belges (qui sont souvent des flics tout court, correspondant des polices politiques), classent dans une même catégorie, qu’ils nomment le « National-communisme », des mouvements politiques comme le KPRF russe, le régime de LUKASHENKO au Belarus ou encore le SPS de MILOSEVIC ou la JUL, la « Gauche Unie Yougoslave » de Mirjana MARKOVIC. ET bien entendu notre PCN, qui idéologiquement et politiquement, les a tous précédé de presque une décennie. Lorsque nous étions représentés au Parlement Wallon, en Belgique, dans les Années 1996-98, la questure nous avait étiquetés «national-communistes» (le FN y était étiqueté « extrême-droite »). En 1996-98, nous avions des élus, dont un député, au Parlement Wallon, au Parlement de la Communauté française de Belgique et de 1996 au 1999 au Conseil provincial du Hainaut.


# ЕВРАЗИЙСКИЙ СОВЕТ ЗА ДЕМОКРАТИЮ И ВЫБОРЫ (ЕСДВ)/
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